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   Il faudrait que cette femme paie pour ses actes. La tabasser serait une recette trop barbare. Il me fallait enfouir mes crocs au plus profond de son âme.

   Plus tard, elle me parla de lune de miel qui scellerait nos fiançailles. Il était déconseillé de baiser avant le mariage. Mais j'imagine que les codes religieux importaient peu. « Je mettrai quelque chose de très sexy. Ce sera ta plus belle nuit. Je te le promets », avait-elle dit. Trop entreprenante pour jouer la carte de poisson-lune, une réponse s'imposait. Et quitte à souffrir, pourquoi ne pas profiter de la situation ?

— Moi je m'assurerais de t'ouvrir les portes du septième ciel. Mais pour ça, cette menotte va devoir disparaître.

   Elle réfléchit un instant, s'interrogeant sur les potentielles conséquences d'une réponse positive. Il y avait de quoi douter, cependant, je décidai de croire qu'elle n'était qu'une imbécile ou ses sentiments mettaient en veille sa capacité à réfléchir. Après tout, elle croyait à ma prétendue volonté de l'épouse. N'importe quel aveugle percevrait le coup à des kilomètres... Elle finit par hocher la tête en admirant la bague autour de son doigt.

   Bien on entamait la dernière ligne droite de toute cette fichue farce pas drôle. Très bientôt, on allait être fixé. Cela m'excitait de plus en plus et me donnait la chair de pouls. J'allais pouvoir laisser la place de spectateur pour prendre celui de l'acteur.

   Sarah ne vit pas de problème pour me laisser en compagnie de Jennifer. D'après elle, si elle tentait quoi que ce soit, elle se prouverait qu'elle était une salope. « Mais tu ne l'es pas, j'en suis sûr », avait-elle ajouté en l'adressant un petit sourire moqueur. Jennifer resta de marbre, attendit qu'elle ait fermé la porte, respecta cinq minutes de silence pour contrer toute stratégie de Sarah à écouter à la porte avant de me sermonner.

— Je te le redis, c'est l'idée la plus stupide que j'ai entendue.

— Mais ça tient la route, en plus, je saisirais son arme, prendrait les clés de sa voiture...

— Déjà, tu ne sais pas le mot de passe pour venir me sortir d'ici. Et tu espères que le deuxième soit identique à celle que tu ne connais pas. Là, c'est du vrai foutage de gueule.

   Ah, je n'avais pas la tête à me battre dans une explication que je ne maîtrisais même pas. De toute façon, c'était la seule manière d'apaiser la colère de Sarah.

— Tu as raison. Mais que veux-tu ? Ce que j'ai fait, c'était pour te protéger. Ta folie ne m'a pas trop laissé le choix.

   Elle ne répondit rien et me toisa avec fierté. Elle savait que je disais vrai. Comment aurais-je pu laisser Sarah faire ce qu'elle voulait d'elle sans tenter la moindre chose ? La chaleur habituelle de la pièce grimpait à mesure que les heures se défilaient. Ma fiancée se fit rare, mais le doute qu'elle apparaisse à n'importe quel instant restait entier. Alors, moi et Jennifer, on parlait tout bas en se préparant à dormir un moment à un autre. Le temps permit à ma logique de prendre le dessus et de perdre tout espoir. Ce foutu mot de passe allait tout faire échouer. Mais je ne l'avouais pas.

   Dans les environs de midi, Sarah vint nous apporter de la bouffe en boîte et amena Jennifer aux toilettes. On échangea des regards coquins, voire sensuels quand cela le permettait. Elle semblait si heureuse de mon mensonge que je me mettais à avoir pitié d'elle en imaginant sa réaction en comprenant que j'avais fugué loin de sa maison d'amour et de ses baisers langoureux. Elle pleurerait peut-être et se mettrait en colère pour avoir été aussi dupe. Si elle ne me retrouvait pas, elle ne tuerait personne. Elle assurait m'aimer comme la prunelle de ses yeux, mais je ne croyais pas que je dépassais le stade d'accessoire utile.

   Les minutes devinrent des heures et les heures, des jours. Trois jours passèrent avant que Sarah décide de relancer sa folie, bien à elle. Un après-midi, alors qu'elle se vouait à son habituelle routine de geôlière, elle baissa un peu sa garde et me suggérait ce que j'attendais avec une patience de prédateur. Je ne savais pas si c'était par respect ou par pur besoin d'intimité, elle me le chuchota à l'oreille. « Tu vas pouvoir prendre ton pied ce soir. J'ai acheté des tas d'accessoires qu'on va pouvoir expérimenter. ». Elle rit comme s'il y avait une blague cachée à sa blague. Mon corps s'enfla sous le vent de cette nouvelle, et je jetai un coup d'œil vers Jennifer en hochant légèrement la tête. Je compris qu'elle savait que tout allait se jouer ce soir. C'était le tapis.

— Bonne nouvelle alors.

   Je lui aurais donné une petite, non une grosse tape sur les fesses pour exprimer toute mon envie. Mais les mains attachées n'aidaient pas. Je me contentai de lécher mes propres lèvres et d'ajouter un petit clin d'œil. Ses yeux semblaient déjà jouir. Quel homme ! Une fois partie, je présentai à Jennifer mon plan d'action et l'assurai que tout allait bien se passer. La majorité du temps, elle restait stoïque, les lèvres pincées, les yeux mi-clos à m'écouter différer des âneries. Comme elle n'avait pas d'autres choix, elle acquiesçait à la fin tout en touchant un des petits détails qui faisaient hic à la réussite.

 Comme elle n'avait pas d'autres choix, elle acquiesçait à la fin tout en touchant un des petits détails qui faisaient hic à la réussite

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