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   Sa question sonnait avec un double sens. À moins que ce fût moi qui me faisais des idées. Être avec elle signifiait en quelque sorte ne pas être avec Sarah. Ça m'agrippait le cœur avec zèle. Le choix était pourtant clair comme de l'eau de roche. Si je restais ici, je mourrais. Je voulus lui répondre que je serais toujours avec elle, que je ne lâcherais plus d'une semelle. Mais ce serait trop enjolivé. Je hochai simplement la tête.

— Mais quand tu parles d'être avec toi, tu pourrais être plus précis ?

— Ça n'a pas besoin de précision, tu sais exactement ce à quoi je fais référence. On peut facilement parvenir à bout de cette pimbêche à nous deux. Ce ne serait pas compliqué de lui passer à tabac, et ne me dis pas qu'elle le démériterait.

— Jamais de la vie.

— Elle n'est même pas foutue de garder son arme dans sa main quand elle est avec nous. Mais je sais que tu sais déjà tout ça. La véritable question que je devrais te poser c'est, pourquoi n'agis-tu pas ?

   Elle lisait en moi comme dans un livre ouvert après tout. Ses beaux yeux marron s'agrandirent à mesure que je gardais le silence. De la détermination s'y affichait. Il n'y avait pas besoin de réfléchir pour donner une réponse appropriée. La vérité suffirait. Je ne voulais pas. Je ne voulais pas frapper Sarah, la séquestrer ou même, menacer de la tuer. Cela me paraissait abject et vraiment déséquilibré. Mes muscles n'avaient rien à comparer à ceux de Rambo mais je pourrais facilement gagner un petit duel de corps à corps avec une femme, enfin avec Sarah. Mais, je préférais tout de même cacher cette vérité pour admettre une autre qui avait mérité tout aussi bien notre attention.

— Rien ne nous dit qu'après, on pourra sortir d'ici. Il nous faut les codes.

— On n'aura qu'à la frapper un peu pour qu'elle nous les donne.

— Es-tu sûr qu’elle le ferait ? Après tout, c'est toi qui as dit qu'elle avait des problèmes mentaux. 

   L'hésitation gêna un peu ses gestes, pendant un très bref instant certes.

— Elle parlera. La douleur la fera parler, je peux te l'assurer.

— Si tu le dis. Alors, je serais de la partie, si seulement tu me donnes la permission de faire une chose.

— Quoi ?

   Je pourrais regretter ce que j'allais faire, mais ce serait sans aucun remords. Parfois, il fallait faire des choses insensées tant que la possibilité s'ouvrait à moi. Je me levai du lit avant de me diriger vers Jennifer faire avec des pas lents et précis. Elle fronça beaucoup plus ses sourcils, mais ça ne m'empêcha pas de continuer. Une fois à hauteur, je lui pris ses mains, toujours munie de ses menottes et m'amusai à les caresser de l'index. 

— Quelque chose que je regretterai de ne pas avoir fait si je mourais ici.

   Ne voulant pas la prendre de court, je me penchai avec douceur vers ses lèvres. Elle ne recula pas, alors je déposai un baiser sur ses lèvres. Je la sentis frissonner, mais elle ne m'administra aucune gifle. Je recommençai, mais cette fois-ci, avec beaucoup plus de passion et de précipitation. N'aimant pas du tout son immobilité, j'ai voulu m'arrêter pour m'excuser avant de retourner dans le lit, mais timidement, elle me le rendit. Nous entremêlâmes nos langues au rythme de nos cœurs et restâmes ainsi durant un bon bout de temps. Conclusion, embrasser avec la gueule pétée était une très mauvaise idée. Toutefois, tout s'emballa quand j'arrêtai pour la regarder et voir si je l'avais vraiment fait. Nos regards restèrent liés et je fus incapable de sortir quoi que ce soit. Ce serait le moment parfait de demander pardon et d'avouer que je l'aimais. À quoi bon, de toute façon, elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Elle savait déjà tout ça. Néanmoins, elle n'oublia pas de jouer la chochotte et me questionna sur la signification de ce geste.

— Je ressens la même chose que toi. 

— Je ne ressens rien.

— Vraiment ? Demandai-je avant de l'offrir un autre baiser. 

— Absolument ! répondit-elle entre mes dents.

   On aurait dû commencer à sourire puis à nous administrer de bons petits moments dans cette pièce. Coupé du monde, on ne pouvait rêver mieux comme endroit. (Façon de parler bien sûr) on aurait couché sur le lit à nous observer avec des regards complices. Comme nos menottes nous gênaient, on se contentait de nous entremêler les doigts, nous caresser la bouche. On aurait parlé de la façon dont on s'y prendrait pour venir à bout de Sarah, et ce qu'on ferrait une fois dehors. Oui, cela aurait été parfait. Mais c'était sans compter sur une chance de merde, un destin à emmerder un oracle, et sans oublier un auteur sadique qui s'amusait à nous mettre des bâtons dans les roues. 

   Trop occupé à savourer notre plaisir de se parler sans aucun mot, on ne remarqua pas la porte qui s'était ouverte et une Sarah qui nous regardait avec des yeux fous d'incompréhension. Ce fut malheureusement que lorsqu'elle lâcha :« C'est quoi ça ? », que l'on comprit qu'on était dans la merde.

À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant