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   Pourquoi paniquer ? Depuis tout ce temps, j'aurais déjà dû m'habituer aux répliques cinglantes de Sarah. Sa réponse arrivait comme de grands échos dans mes oreilles. Ça résonnait encore, encore, encore... Dans un sourire qui exprimait plus de peur qu'autre chose, je réalisai qu'il ne fallait pas montrer de faille ou quoi que ce soit d'autre.

— Tout le temps que ça faudrait ; ça veut dire que tu ne sais pas ?

— Oui. Et puis ce n'est pas comme si tu t'ennuies ici. Tu as une chambre. La télé, la piscine et le plus important, tu m'as moi.

— Mais tu ne vas pas pouvoir me retenir ici.

— Pourquoi pas ? L'amour, c'est pour toute la vie.

   Les choses que j'allais dire étaient assez lèche-cul. Mais il fallait créer la confiance...

— Tu sais, avec tout ce qu'on a vécu, avec ou contre mon gré, j'ai fini par m'attacher à toi et je serais triste s'il t'arrivait quelque chose. En tant que future patronne d'une entreprise familiale, tu dois garder une réputation irréprochable. Si l’on découvre ce qui se trame ici, ça pourrait entraver ce bel avenir.

— Alors ce serait d'une pierre deux coups. Je n'ai plus envie de succéder à mon père. Néanmoins, je prends note de ce que tu as dit. Tu as un cœur de fromage sous ce bloc de pierre.

  Sa réponse me prit de court et me laissa un goût sucré salé.

  Je marmonnai quelque chose d'inaudible avant de me concentrer sur ma stratégie d'attaque. La révélation concernant sa motivation pour reprendre le flambeau familial me mettait la puce à l'oreille. Je devais peut-être creuser pour savoir ce qui se cachait là-dessous, mais l'impatience d'avoir la fin de l'histoire me démangeait.

— Il faut que tu me libères. Ça ne va pas pouvoir continuer.

— Désolé, mais cela est impossible.

—  Pourquoi ?

— Pour t'aider à affronter tes peurs.

   D'où sortaient ces sottises ? Voilà une excuse débile. Me faire porter le chapeau pour mon propre enlèvement. Quelle absurdité !

— Quoi ?

—Si tu te souviens, à l'hôtel tu m'as bien dit que tu m'aimais, mais que ça ne marcherait pas. J'aurais abandonné si tu mentais. Tu as peur pas vrai ?

   Je niai tout d'un bloc, mais le ton brusque me trahit.

— T'attacher à quelqu'un semble être un marathon pour toi. Ça se lit en toi comme dans un livre ouvert.

— En gros, tu dis que j'ai peur d'avoir une copine ?

— C'est ça, renchérit Sarah. Je connais cette sensation. Quand on est confronté à l'inconnue, le choix le plus facile, c'est d'abandonner. De se dire que de toute manière, il n'existe rien derrière cet obstacle qui vaut la peine. En réalité, on sait que c'est faux. On essaie juste de se donner du courage.

   Je mimai la face d'un singe. De quel droit se permettait-elle de me juger ? De plus, ses arguments étaient totalement faux. Enfin, lorsqu'on regardait sous un certain angle.

— Ça n'a aucun rapport avec moi, répondis-je.

   Sarah retira sa cheville de ma main, se tortilla avant de se blottir sur deux oreillers.

— J'ai su qu'on était fait l'un pour l'autre le jour où nos regards se sont croisés. Et c'est pour ça que je n'ai pas pu te laisser partir... C'est moi qui avais caché les clés de ta voiture.

— Sans blague !

— Je me suis introduit tandis que tu dormais et les ait pris dans ta mallette.

   C'est pour ça qu'elle m'avait souhaité bonne chance. Cette salope savait déjà que je ne pourrais pas partir.

   Comprenant peu à peu ce que tout ça voulait dire, la rage me monta à la tête. Toute tentative de pourparler était vouée à l'échec depuis le début, car j'avais affaire à une détraquée. Une femme qui avait toute sa tête ne s'introduirait pas dans la chambre d'un homme que soi-disant, elle aimait pour lui chiper les clés de sa voiture. Enfin, peut-être. Ma colère bouillonnait, mais pas comme il faudrait.

—  Tu es cinglée, concédai-je. Maintenant, j'ai la certitude que rester une seconde de plus avec toi pourrait s'avérer dangereux pour nous deux. Je veux partir et maintenant.

   Sarah mit fin à son instant d'intimité avec ses oreillers pour me regarder avec une lueur d'inquiétude dans le regard.

— Enlève-moi cette putain de menotte et remets-moi mes affaires. Sale conne. J'aurais dû me douter que tout ce cirque fût planifié.

   Je hurlai tout ceci d'une seule traite, et malgré mon manque d'oxygène, ça me fit le plus grand bien. Voilà ce que je pensais de toi.

   Le corps de Sarah frissonna avant de retrouver son calme. Elle me regardait sans bouger, sans émettre un son.

   Ayant marre de son silence, et me sentant pousser une énergie à toute épreuve, je fis volte-face pour prendre la direction de la porte. Je traversai le couloir qui menait à la cuisine, enjamba le salon comme s'il ne faisait que deux mètres pour m'arrêter devant la porte à deux battants. Sachant que mes chances de réussite étaient très maigres, j'entrepris d'entrer des codes. Qui sait que la chance ne serait pas avec moi. Cinq tentatives me firent comprendre qu'elle s'était barrée.

   Alors je jouai l'une de mes dernières cartes. Je pris mon élan avant d'envoyer tout mon corps s'écraser contre la paroi de la porte. Mais elle ne bougea pas d'un pouce. Je répétai la tentative jusqu'à avoir mal à l'épaule. Néanmoins, je n'allais pas abandonner pour si peu. Il restait mes pieds... Les pas de Sarah martelèrent le sol tandis que je donnais le premier coup de pied, mais je ne me retournai pas. Voir ses beaux yeux pourrait me sortir encore plus de mes gonds.

— Arrête-toi Apollo. Elle ne s'ouvrira pas comme ça. Soupira-t-elle.

   Je l'ignorai.

— Bon sang, je t'ai dit d'arrêter.

   Je l'ignorai.

— BORDEL, ARRÊTE.

   J'allais l'ignorer de la même manière, mais quelque chose de froid se colla à mon dos. Redoutant le pire, je me retournai tel un escargot. Ce qui m'attendait n'avait rien de rassurant. Sarah tenait une arme à feu qu'elle pointait dans ma direction.

À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant