Chapitre 1 - Bienvenue chez toi (2)

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Lorsque nos regards se croisent, ils serrent brusquement les poings et la tension qui émane de tout son corps m'arrive en plein visage. Je suis beaucoup moins forte que je l'imaginais et cet échange silencieux suffit à me faire prendre la fuite pour retrouver mon frère dans la cuisine. J'ai à peine rejoint Haru que derrière nous, j'entends la porte d'entrée se claquer violemment.

Mon grand frère soupire bruyamment avant de m'adresser un sourire d'excuse.

- Ne fais pas attention à lui. Je ne sais pas ce qui lui prend ce matin. Sans doute une gueule de bois difficile.

Ou une haine incommensurable - et injustifiée - à mon égard.

- Ça fait longtemps que l'on ne s'est pas côtoyé lui et moi. Peut-être que ce n'est pas la meilleure idée que je m'installe ici s'il est contre.

Haru balaie mes inquiétudes d'un revers de main, comme si je venais de dire quelque chose de complètement incongru.

- Il n'est pas contre, il a juste été pris de court. À un moment de nos vies, il passait autant de temps chez nous que moi et vous n'avez jamais eu de mal à vous entendre.

Je grimace en repensant à cette époque où Sun passait toutes ses vacances universitaires avec notre famille. À l'époque, j'attendais secrètement son retour encore plus impatiemment que j'attendais celui de mon frère. Et à chaque fois qu'il franchissait le seuil de notre porte, des milliers de papillons s'épanouissaient au creux de mon ventre. Ce que je pouvais être cruche. Le temps à bien changé.

- C'était il y a longtemps, me contenté-je de marmonner. Ça fait des années que je n'avais pas revu Sun et il ne m'a même pas dit bonjour. Je ne suis pas sûre que ça présage une très agréable cohabitation.

Haru prend une seconde pour me répondre et je sais que - comme souvent - il cherche les mots pour me réconforter et me convaincre. Il attrape alors deux tasses et nous sert le café qu'il vient de faire couler.

- Écoute, ici, tu auras toute la place et la tranquillité que tu voudras sans avoir à déménager à l'autre bout du monde. Tu pourras te concentrer sur le lancement de ta boîte et tu auras beaucoup moins de mal à te trouver une clientèle à San Francisco que dans un pays où tu ne parles même pas la langue.

- Oui, mais...

- De toute façon, t'as pas vraiment d'autre choix. Alors, laisse-toi aider sans discuter, pour une fois.

- Pour une fois ? Tu passes ta vie à m'aider et à me protéger, me renfrogné-je.

Un sourire radieux étire les lèvres de Haru face à ma mine boudeuse. Il passe son bras autour de mes épaules pour m'étreindre légèrement.

- C'est pour ça que je suis là. Quant à Sun, je lui fais confiance pour être le parfait coloc' alors arrête un peu de t'inquiéter.

Je lève les yeux au ciel alors que Haru qualifie son meilleur ami de « parfait », mais je préfère ne rien ajouter. Il prend mon silence comme une preuve de mon apaisement et il m'invite à continuer la visite. On ressort de la cuisine pour traverser le coin bureau, monter deux petites marches et se retrouver devant deux larges portes coulissantes. J'ai presque l'impression d'entrer dans un dojo et je suis obligée d'apprécier les inspirations très éclectiques du logement. La cuisine très moderne, à l'Américaine, le salon à la décoration scandinave épurée et organisée et maintenant cette chambre à l'architecture d'inspiration asiatique : chaque pièce à son propre esprit et pourtant toutes se rejoignent avec harmonie.

- Tu peux t'installer ici.

Haru fait coulisser les deux portes et je découvre une chambre spacieuse où trône un lit king size. La pièce n'est pas immense, mais elle est très largement suffisante pour vivre confortablement. Mon frère dépose mon sac sur le lit tandis que j'inspecte l'endroit. Dans un coin de la pièce, une bibliothèque déborde de livres, étrange mélange entre manuels de droit et manga en pagaille. Sur les murs, quelques cadres décoratifs animent la pièce au milieu desquels est aussi accroché son diplôme d'avocat fraîchement obtenu.

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