Chapitre 22 - Sexy Sculpteur (1)

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— Tu es vraiment obligé de faire ça maintenant ?

Du dos de la main, Sun essuie les gouttelettes de sueurs qui se forment sur son front. Il n'a même pas pris la peine de déposer le marteau qu'il tenait et le manche frotte légèrement contre sa peau, y laissant une trace de poussière.

— Il faut bien que l'on communique autour de ton exposition. Un making-of de l'une des œuvres, ça sera super, insisté-je.

Il lève les yeux au ciel, visiblement dépité, mais il reprend son labeur malgré tout. Sun n'aime pas grandement l'idée de se mettre en avant. Et se faire épier pendant son travail n'est clairement pas dans ses habitudes, encore moins quand c'est par l'objectif de mon téléphone qui capture ses moindres mouvements.

Je filme ses mains qui se serrent autour de son outil, la force qu'il met dans son marteau pour le frapper contre un bout de métal qui se plie et se creuse au rythme de ses coups. Je fais de jolis plans au cœur de son atelier où se mêlent métallurgie et verdure. Cette serre réaménagée est lumineuse et forme un fond parfait pour romantiser son travail.

— Et cet accoutrement, tu es sûre que c'est nécessaire ? râle-t-il à nouveau.

— Qu'est-ce que tu racontes ? C'est le tablier que tu mets toujours.

— Habituellement, je ne suis pas torse nu en dessous, me réprimande-t-il du regard.

Un sourire malicieux au coin des lèvres, j'inspecte son tablier en cuir marron vieilli qui couvre à peine ses pectoraux bronzés. Ses bras musclés, l'encre de ses tatouages qui parcourt sa peau, ses épaules carrées et solides et sa gueule d'ange au regard de démon : pas de doute, on va attirer du monde.

Et si je peux admirer sa stature digne d'une œuvre d'art par la même occasion, c'est un bonus.

— Que veux-tu que je te dise, la nudité c'est vendeur. Je ne fais pas les règles, expliqué-je un sourire amusé aux lèvres.

— Mais elles t'arrangent bien, hein ?

— Si on peut allier l'utile à l'agréable, confirmé-je.

Il m'adresse un sourire complice, laisse échapper un léger rire et se remet au travail. La légèreté et la douceur qui se dégage de nos échanges ces temps-ci sont délicieuses. Passer du temps auprès de lui est bien plus agréable depuis que l'on a banni les non-dits. Pour être honnête, ses bras représentent actuellement l'endroit où je me sens le mieux. Si je m'écoutais, je ne les quitterais jamais.

***

Le lendemain, c'est à son tour de me déranger pendant que je travaille. Je suis assise à la table du salon, étudiant les vidéos que j'ai tournées la veille pour monter quelques clips promotionnels. Sans un bruit, il se glisse dans mon dos pour venir subtilement se pencher en ma direction. Tout d'un coup, ses lèvres qui effleurent mon cou me font frissonner et j'ai beaucoup plus de mal à me concentrer sur le travail.

La douceur de nos moments ensemble est complètement folle quand on pense à toutes ces années passées à se déchirer. Dire que notre relation n'est plus du tout piquante serait mentir. Mais tout est devenu un jeu taquin à présent. L'ambiance de l'appartement semble avoir changé. La lumière dorée qui transperce nos fenêtres semble plus douce, les bruits de l'extérieur plus étouffés et lointains, la température plus chaleureuse et réconfortante et même le temps semble ralentir pour nous laisser profiter l'un de l'autre.

J'ai l'impression d'être lovée dans une bulle de bien-être qui n'appartient qu'à nous. Les lèvres de Sun continuent à parcourir ma peau et je perds le fil de ce que je suis en train de faire. Dans la vidéo qui défile sur l'écran, sa voix râleuse se fait entendre, mais là, tout de suite, il ne dit rien. Il se contente d'embrasser mon cou, de passer un bras autour de mes épaules et de laisser une de ses mains se perdre sur mon sein pour me déconcentrer de plus belle.

— Je n'avancerais jamais si tu fais ça, me plains-je peu convaincante.

— Ce n'est pas de ma faute. Tu es trop tentante dans mon pull. Je peux aller voir s'il y a quelque chose en dessous ?

Il est derrière moi et je ne peux pas le voir, mais j'imagine très bien son sourire malicieux alors qu'il tente de glisser ses mains sous ce pull deux fois trop grand pour moi. Il me chatouille au passage et je me débats. Mes piaillements et mes coups de coude finissent par avoir raison de lui et il s'écarte en riant.

— Tu en as encore pour longtemps ? s'enquit-il tout de même.

— Encore une petite heure, il faut que je poste ça ce soir au plus tard.

— Tu te prends trop la tête, tout le monde se fout de ma ridicule petite exposition.

— Tu te trompes ! Le hashtag #SexySculpteur est déjà tendance.

Sun grimace en entendant ce terme et son ton se fait moqueur.

— Sexy sculpteur ? Sérieusement ? Tu essaies de vendre mes œuvres ou mon cul ?

— Ça va, n'exagère pas. Ce n'est qu'un petit surnom idiot pour faire le buzz. Et puis, regarde.

Je tourne vers lui l'écran pour lui montrer la page Instagram que j'ai constituée. J'ouvre les commentaires sous l'un des posts.

— Tu vois. D'accord, il y a quelques midinettes émoustillées par ta plastique qui font parler de toi et nous offrent de la visibilité. Mais cette visibilité a aussi attiré des férus d'art qui parlent de ta technique de travail et non de tes abdos. Il y a de tout, des acheteurs potentiels, des amateurs curieux, des professionnels. Sexy sculpteur c'est un nom qui marque, mais c'est ton talent qui les met tous d'accord.

Sun feint une mine renfrognée, mais je sens qu'il saisit ma logique malgré tout. Il rejette l'idée pour le principe, mais il ne peut nier que la méthode fonctionne.

— Donc, tu fais de moi un objet pour vendre, s'offusque-t-il faussement avant de mimer une moue exagérément choquée. Ce n'est pas très 2023, moi qui te pensais féministe.

Je lève les yeux au ciel, comprenant parfaitement qu'il essaie juste de me contredire pour le plaisir de me contredire. Et son petit sourire narquois me le confirme parfaitement.

— Oh, ça va. On placarde des femmes à moitié nues aux quatre coins des villes pour faire vendre tout et n'importe quoi. Je pense que quelques abdos découverts ne tueront personne. Au fond, tout le monde à poil, c'est ça l'égalité, non ? me moqué-je.

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