Chapitre 2 - Habille-toi putain ! (1)

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Perdu dans mes pensées, je n'ai pas entendu la porte d'entrée de l'appartement s'ouvrir. Je ne sais pas si c'est moi qui suis trop distraite ou si c'est le duplex qui est particulièrement bien isolé, mais je me rends compte que je ne suis plus seule dans le logement qu'à la seconde où la poignée de la salle de bain se baisse dans un cliquetis alarmant.

Prise de court, un cri de protestation se coince dans ma gorge et je croise les bras sur ma poitrine alors que la porte s'ouvre en grand sur Sun qui pénètre avec nonchalance. Cependant, lorsqu'il m'aperçoit, sa surprise fait échos à la mienne.

— Qu'est-ce que...

Mais sa question s'arrête alors que son regard se pose sur mon corps nu. Le plus étonnant est sans doute qu'il ne détourne pas les yeux. Une personne normale aurait vivement fait demi-tour pour me laisser mon intimité. Mais Sun se fige au beau milieu de la salle de bain. Une inspiration brusque soulève sa poitrine alors que ses iris glissent sur ma peau brune telle une caresse. Mes joues deviennent bouillantes et ce n'est pas que de la gêne. Sous mes bras serrés contre mon corps, je sens les battements de mon cœur qui s'affolent. Il ne sort pas et je ne lui demande pas de sortir. Tout son corps se tend, sa mâchoire se crispe et même les veines sur ses bras se font plus saillantes tant ses muscles sont bandés. Pendant une seconde l'expression presque animale qu'il affiche me ramène à une époque lointaine.

Finalement, il croise mon regard et je sens la panique dans le sien. Il n'en faut pas plus pour qu'il revienne à ses esprits, comme frappé d'une réalisation soudaine. Il détourne le regard.

J'ai froid tout d'un coup.

— Désolé, marmonne-t-il avant de quitter précipitamment la pièce comme je m'attendais à ce qu'il le fasse dès la première seconde.

Mais je ne suis pas décidé à laisser cet étrange échange se terminer ainsi. Le malaise de toute cette journée est déjà bien assez grand. Je ne veux pas vivre ici en marchant sur des œufs pendant des mois. Il faut briser la glace. Si j'avais pris le temps de réfléchir, j'aurais sans doute réagi de façon plus raisonnée, mais la fuite de Sun me pousse à littéralement lui courir après.

Ce n'est pas la première fois.

Je me relève rapidement pour sauter hors de la baignoire, m'enrouler dans une serviette et sortir de la salle de bain encore toute mouillée.

— Sun, attends !

Mais il ne s'arrête pas. Il me tourne le dos et continue son chemin dans le couloir en direction de sa chambre. Sa façon de m'ignorer me met un coup à l'égo, mais je n'abandonne pas. Je le rejoins en quelques enjambées et m'empare de son poignet pour attirer son attention. Il se défait prestement de ce contact, mais ça a au moins le don de l'arrêter dans son élan et de le pousser à me faire face.

— C'est moi qui suis désolée. J'aurais dû fermer la porte de la salle de bain à clé, je n'ai pas l'habitude de vivre avec quelqu'un.

— Ouais, fais gaffe la prochaine fois.

Sa voix est bougonne et il ne pose pas les yeux sur moi, préférant fixer distraitement le mur à sa droite. Toutefois, il semble moins exaspéré et en colère qu'à mon arrivée. C'est loin d'être un accueil chaleureux, mais ça reste mieux que son regard assassin de ce matin.

— Écoute, je sais que c'est délicat, mais je n'ai pas envie que cette cohabitation se passe mal ou de te déran...

Mais je suis coupée dans ma phrase par le rire amer de Sun qui agite lentement la tête de gauche à droite.

— « Délicat », reprend-il comme si je venais de dire une imbécilité. Ça fait des années que tu m'évites, j'ai conscience que t'es pas là de bon cœur et que t'as pas trouvé d'excuse pour dire non à ton frère. Moi non plus, alors essayons de rendre cette situation le moins pénible possible en évitant les bavardages inutiles.

SUNSETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant