Chapitre 21 - Tu es toujours là ! (1)

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Sun

Trois ans plus tôt

Il fait encore chaud en cette fin d'été et les cartons lourds que nous transportons n'aident pas. Haru et moi avons les clés de notre appartement depuis peu et nous nous installons enfin. Le duplex est spacieux, moderne, bien situé et confortable, tout pour plaire à deux amis qui entrent dans la vie active. Mais une part de moi regrette cet emménagement.

En effet, cet appartement a été payé par Thomas Jones, mon enfoiré de beau-père. Comme il l'a fait avec ma mère et mon petit frère, il espère m'acheter avec ses cadeaux indécents et son fric illimités. Il veut jouer la gentille figure paternelle, mais son arrogance me débecte. Il n'est personne et encore moins mon père. Je n'ai pas besoin de père.

La seule raison pour laquelle j'ai accepté cet appartement, c'est Haru. Vivre ici gratuitement pendant qu'il rembourse son prêt étudiant, c'est une aubaine pour lui et je me voyais mal passer à côté de ce cadeau par fierté.

— Au fait, ça va ta famille depuis... tu sais.

Haru soupire à ma question tout en déposant un carton. Il se redresse, s'étire et se frotte la nuque, pensif.

— C'est compliqué à la maison, admet-il.

Et la peine qui transpire de ses mots me touche.

— Vous étiez tous très proches de ta grand-mère.

— Elle me manque.

Mon cœur se serre et un certain malaise m'envahit. Réconforter Haru ne serait pas possible après cette tragédie et je me sens impuissant. Je me contente alors de rester à ses côtés, muet.

— Mais je crois que c'est Neela qui vit la situation le plus difficilement.

— Elle ne sort toujours pas la tête de l'eau.

— Non, elle se renferme sur elle-même et se noie dans sa peine. Ça devient vraiment inquiétant.

Évidemment, lorsqu'on parle de Neela, je suis plus impliqué que je ne le devrais. J'essaie de le cacher en faisant passer mon inquiétude pour une simple compassion amicale, mais au fond, j'aimerais être là pour elle. Sa douleur résonne en moi et le besoin de l'avoir dans mes bras pour la réconforter se fait vibrant.

Mais j'ai bien conscience que c'est impossible. Après cette fameuse nuit où tout a failli déraper, où j'ai enfin goûté à ses lèvres, où je me suis laissé aller à rêver d'un nous, tout s'est brisé. Nous n'étions déjà plus en très bon terme avant ça, mais pendant un instant, j'ai cru que l'on pourrait au moins redevenir amis. Visiblement, Neela n'était pas du même avis. Et, même si une part de moi lui en veut de ne pas avoir tenu sa promesse, je comprends sa colère. Mon indécision et mon incapacité à lui résister lui ont fait du mal.

Peut-être est-ce mieux ainsi. C'est sans doute plus simple de se détester que de ne pas avoir le droit de s'aimer.

— Et pour son stage ? Il n'était pas censé commencer bientôt.

— Avec tout ça, elle a oublié l'entretien final. Ils l'ont refusée.

— Mais ça veut dire qu'elle ne validera pas son année !

Haru acquiesce dépité.

— Et je crois que cette perspective n'arrange pas son moral.

J'imagine. Elle a perdu sa grand-mère et vu toute une année de travail partir en fumée dans la même semaine, elle doit être au fond du gouffre.

— Est-ce que je peux faire quelque chose ?

— Ne t'en fais pas, tu en fais déjà beaucoup pour moi.

Et du regard, il désigne l'appartement encore presque vide. Ce n'est pas tout à fait ce que je voulais dire. Je suis heureux d'aider mon ami, mais j'aimerais faire plus. Il semble remarquer mon désarroi puisqu'il change vite de sujet.

— Allez, pas le temps de déprimer. On a encore beaucoup de cartons à vider, lance-t-il en reprenant le carton qu'il avait précédemment en main.

Il s'éloigne pour disparaître dans la cuisine, mais j'ai du mal à me sortir cette histoire de la tête. Neela me hante depuis toujours. Mais si elle va mal, c'est tout mon être qui brûle d'un besoin de la protéger.

Le soir même, je suis encore tourmenté par cette histoire et, seul dans ma chambre, je me perds dans mes pensées. En fait, une idée s'est petit à petit insinuée dans mon esprit. Depuis quelques minutes, je louche sur mon téléphone, hésitant. Ce que je m'apprête à faire n'a rien de plaisant, mais j'ai conscience qu'il est le seul qui pourrait donner un coup de main à Neela. Mettre ma fierté de côté et faire appel à ce type me révulse. Sauf que mes petits états d'âme ne font pas le poids face au bien-être de l'envoûtante nymphe.

Alors, après un profond soupir, je prends mon téléphone et passe ce fameux coup de fil.

— Allo, Thomas ?...

***

Assis sur mon canapé, je griffonne distraitement le croquis de ma prochaine sculpture. Cela fait quelques jours que nous avons emménagé et je suis obligé de reconnaître que, même si j'étais d'abord réticent, je me suis finalement vite senti chez moi ici. Sans grande surprise, la cohabitation avec Haru se passe très bien. Il est très souvent chez sa copine, mais cela ne me dérange pas. J'apprécie le calme et la tranquillité du duplex. J'envisage même déjà de construire un atelier au cœur de la serre à l'abandon au fond du jardin.

Je suis d'ailleurs en train de réfléchir à cette perspective lorsque la sonnette retentit dans l'appartement. Je m'apprête à me lever, mais suis pris de court puisque la porte s'ouvre déjà. Quelle n'est pas ma surprise de voir Neela entrer chez moi avec toute la nonchalance du monde ! Je tente de cacher mon trouble derrière un masque d'indifférence.

— Haru n'est pas là, me contenté-je de lâcher mollement alors qu'elle me salue.

— Ça tombe bien, ce n'est pas lui que je viens voir.

Son petit air déterminé ne m'inspire rien qui vaille. Je la questionne du regard, arquant un sourcil interrogateur. La belle fait le tour du canapé pour venir me rejoindre et se tient droit devant moi. Au moins, elle a l'air sortie de sa torpeur et j'en suis plutôt rassurée. Toujours sur le canapé, je la regarde de bas, inspectant la moindre de ses expressions.

J'ai l'impression de ne pas l'avoir vu depuis une éternité. Sa présence m'enivre plus que toute une bouteille de cognac. Elle me toise avec détermination et si j'aime la flamme ardente qui brille dans ses yeux, je suis tout de même un peu perdu quant à la raison de sa présence.

— Un problème, corazon ? lâché-je nonchalamment.

— Oui, c'est toi mon problème.

🌙🌙

Hello à tous ! Désolée d'avoir manqué un ou deux mercredi, mais j'ai été très occupée ces temps-ci. Je fais en sorte de vous préparer plusieurs chapitre en avance pour que vous les ayez sans fautes les prochaines semaine. En attendant, j'espère que ce chapitre du point de vue de Sun vous plait ;)

SUNSETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant