Chapitre 20 - Il va me tuer (1)

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J'examine mon reflet dans le miroir ce matin et je suis dépitée de voir les profonds cernes qui se sont installés sous mes yeux. J'ai à peine fermé l'œil cette nuit. Les événements de la veille n'ont eu de cesse de tourner dans mon esprit, me poussant à remettre en question toutes mes certitudes.

Cela fait longtemps que j'ai tiré un trait sur une possible relation avec Sun. Tout nous sépare : mon frère, sa peur de l'engagement, le peu de confiance que j'ai en lui après toutes ces années. Et voilà qu'il me balance cette proposition sortie de nulle part. Quel terme avait-il utilisé ? Sexfriend ? Plan cul ? Amitié améliorée, c'est ça ? Quelle connerie ! Comment peut-il penser que je serais capable d'ignorer mes sentiments pour du sexe sans attaches ?

Une part de moi a envie de croire que j'en serais capable. Ça pourrait sans doute être la solution à toute cette frustration et à tous ces conflits. Et Dieu qu'il serait bon de laisser libre court à toutes mes envies sans avoir à me poser des milliers de questions au petit matin. Mais rien n'est jamais si facile. Ce genre d'histoire finit toujours mal.

Je me détourne de mon miroir, continuant à peser le pour et le contre tout en cherchant une tenue pour la journée lorsque mon téléphone vibre sur ma table de chevet. Lorsque j'aperçois le nom inscrit sur l'écran, une légère panique m'envahit : June's Gallery.

— Bonjour mademoiselle Gray, ici June Crawford.

— Bonjour, madame Crawford, ravie de vous entendre.

Je suis nerveuse. C'est la première fois qu'une galerie me recontacte et j'ai encore du mal à ne pas me sentir imposteur dans mon statut d'agent. En vérité, dans ce cas, je le suis un peu.

— Vous m'aviez fait parvenir un book d'œuvre il y a quelque temps. J'ai une ouverture pour le weekend prochain. L'artiste est-il toujours intéressé ?

Le destin semble décidé à me jouer des tours. C'est la première fois que j'arrive à trouver un événement à un artiste et il s'avère que cet artiste n'est même pas au courant qu'il est mon client. À vrai dire, il a même déjà refusé de l'être. Avant que la situation dégénère entre nous, je pensais encore pouvoir le convaincre. Mais maintenant, Sun n'acceptera jamais d'être exposé dans cette galerie. Tout est trop compliqué.

Je bafouille quelques hésitations au téléphone et mon interlocutrice semble agacée.

— Si vous n'êtes pas certaines, dites-le-moi maintenant, j'ai besoin de combler cette place dans la journée et je contacterais d'autres artistes.

— Non, non, non, il n'y a pas de problème, il est très intéressé, rétorqué-je précipitamment.

Poussée par mon ambition, ces mots m'ont échappé. Je ne peux pas perdre ce premier contrat, il pourrait être le lancement de ma carrière. Sun va me tuer. J'ai montré ses œuvres personnelles sans son accord et j'ai confirmé qu'il est prêt à les exposer alors même qu'il m'a défendu de le faire. Mais pour lui aussi c'est une opportunité formidable. Peut-être pourrais-je lui faire voir les choses de mon point de vue.

— Parfait ! Je vais faire un premier repérage avec les photos que vous m'avez transmises. Pouvez-vous passer en début d'après-midi pour qu'on organise tout cela ?

— Oui, bien sûr, je serais là.

Et c'est sur cet accord que nous mettons fin à la discussion avant de raccrocher. Une fois mon téléphone déposé, je réalise ce que je viens de faire.

Dans quelle galère me suis-je encore fourrée ?

Je n'ai de toute façon plus le choix maintenant. J'essaie donc de ne pas penser à toutes les problématiques alors que je me prépare pour le fameux rendez-vous. Je suis obligée d'admettre qu'une part de moi est particulièrement excitée. Même si cette situation est un peu incongrue, elle n'en est pas moins une grande opportunité pour ma carrière. Si je fais bien mon travail, beaucoup d'autres clients pourraient être attirés par ma réussite. Tout d'un coup, convaincre Sun m'apparaît comme une simple formalité tant mon ambition prend le dessus.

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