Chapitre 10 - I'm so into you, I can barely breathe (2)

468 26 8
                                    

Malheureusement, je n'ai pas le temps de me calmer bien longtemps puisqu'un taxi se gare devant notre allée. Dans l'obscurité de la nuit, j'aperçois la silhouette de Sun qui en sort et je trépigne sur place. Il n'est pas rentré avec sa voiture, il a sans doute dû boire un verre après l'évènement. C'est ce que je pensais. Je l'entends passer la porte d'entrée et me recoiffe brièvement devant mon miroir alors qu'il monte les escaliers. En un rien de temps, il pénètre dans la chambre d'Haru, mais la lumière reste éteinte.

- Sun ?

Il ne me répond pas, mais s'avance dans la salle de bain qui lie nos deux chambres. J'imagine qu'il va me rejoindre dans la mienne pour tout me raconter, mais il s'arrête devant le lavabo et allume l'eau pour y glisser ses mains.

- Hey, ne fait pas durer le suspens. Comment ça s'est passé ? insisté-je, guillerette, en le rejoignant.

Par réflexe, j'allume la lumière de la salle de bain pour y voir plus clair, mais la vision qui m'apparaît m'arrache un hoquet d'horreur. Je l'ai attendu toute la soirée et il est devant moi. Mais dans l'instant, le Sun qui me fait face à l'air d'avoir traversé un ouragan. Un ouragan de poings. Il passe ses mains sous le robinet et ses phalanges blessées transforment l'eau en un flot rosé.

- Sun, love ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? m'horrifié-je en me précipitant vers lui.

Ce petit surnom qui m'a échappé semble le ramener à la réalité et il tourne enfin le regard vers moi. Il a l'air perdu, comme s'il venait juste de remarquer ma présence. Je m'approche encore et attrape délicatement son visage pour inspecter ses blessures. Chaque bleu, chaque égratignure, chaque goutte de sang me brise le cœur. De mon pouce, j'effleure légèrement le bas de sa lèvre enflée et il tressaille.

- Est-ce que tu as bu ? Tu as eu un accident en sortant de la galerie ? insisté-je devant son mutisme.

- La galerie... marmonne-t-il amer.

- Le concours s'est mal passé ?

- Mon travail "manque d'authenticité". Ils m'ont jugé "trop dans la retenue", ils parlent d'un blocage apparemment très visible dans mon art. En gros, je suis mauvais.

- Hey, ne dis pas ça ! Ce n'était que ta première expérience et tu ne peux qu'en sortir grandi par leur critique. Si tu n'avais pas de talent, tu n'aurais même pas pu être sélectionné pour concourir.

Il n'a pas l'air convaincu par mon argumentaire, mais dans l'état dans lequel il est, je ne suis pas sûre que je puisse dire quoi que ce soit pour arranger les choses. À la place, j'effleure doucement la peau de son visage pour descendre dans son cou et caresser sa nuque avec délicatesse.

- Ça va aller, OK ? Tu en auras mille autres des occasions d'exposer tes œuvres.

Faute de pouvoir apaiser ses peines, je me décide au moins à tenter de soigner ses blessures physiques. Je ne saisis toujours pas ce qu'il s'est passé. Comment le rejet de la galerie a pu le mettre dans cet état ? Mais il ne semble pas disposé à s'expliquer. Je relâche alors son visage et me penche vers un tiroir sous le lavabo pour en sortir une petite serviette. Je l'imbibe d'eau fraîche et l'essor avant de l'appliquer délicatement sur les traces de sang qui dénaturent la peau de mon premier amour. Avec précaution, j'effleure ses bleus et il tressaille. Pourtant, il ne recule pas et je m'approche même davantage pour examiner ses maux qui me brisent le cœur. Je suis concentrée sur ma tâche et je ne réalise pas tout de suite l'intensité du regard qu'il pose sur moi.

- Ils ont raison... Je suis dans la retenue en permanence, murmure-t-il.

La faiblesse de sa voix me laisse penser qu'il se parle plus à lui-même et je m'apprête à lui répéter de ne pas se décourager, de ne pas douter de son art, mais quand je relève le visage pour soutenir son regard, ses yeux me foudroient sur place. La lueur enflammée qui y vit brûle d'une passion frustrée et qui ne demande qu'à exploser en un feu de joie. La façon dont il m'observe me coupe le souffle.

SUNSETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant