Chapitre 4 - Corazón (1)

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SUN

Cinq ans plus tôt


— N'insiste pas Sebastian, je t'ai déjà dit non.

Derrière le volant de ma vieille Jeep d'occasion d'un rouge encore vif, je me tend alors que mon petit frère continue d'insister. C'est sans doute ma mère qui l'envoie pour me convaincre de venir passer les vacances de Noël à la maison. Mais il est hors de question que j'aille jouer la comédie au beau milieu de leur simulacre de petite famille parfaite. Depuis que ma mère s'est trouvé un nouveau mec, elle tente de nous l'imposer à toutes les sauces. À chaque fois que je vais leur rendre visite - à elle et à mon petit frère - ce type est là. Son air pompeux et sa façon d'agir comme si l'endroit lui appartenait m'horripilent.

Magnat de la tech' et pété de tune, il envoie de la poudre aux yeux de mon petit frère en le couvrant de cadeaux. Moi, je suis loin de me laisser avoir par ce connard prétentieux. Et peu importe à quel point il tente de s'incruster dans notre famille, il n'est pas mon père. Mon géniteur n'est pas beaucoup mieux, soit dit en passant. Il a quitté ma mère - et a disparu dans la nature - il y a 18 ans, alors que Sebastian n'avait que 3 ans. Mon frère ne se souvient même presque plus de lui. Peut-être est-ce pour cela qu'il a moins de mal à accepter ce nouveau type qui veut se la jouer figure paternelle à deux balles.

Après un énième refus, mon frère finit par abandonner l'idée de me convaincre.

— Noël ne sera pas pareil sans toi, Sun, soupire-t-il tout de même.

Et il réussit à me faire culpabiliser avec cette simple phrase. Cela fait plusieurs mois que je suis en froid avec ma mère. Mais Sebastian n'a rien à voir avec toute cette histoire et il se contente de payer les pots cassés. Je m'en veux. Une part de moi aurait voulu lui dire de me rejoindre à UCLA, mais il mérite mieux que de passer Noël avec moi, dans ma triste petite chambre étudiante.

Et je pensais donc y passer les vacances seul lorsqu'Haru a proposé que je l'accompagne dans sa famille à San Francisco. Par réflexe, j'ai d'abord refusé. Haru est mon plus proche ami depuis que nous nous sommes rencontrés à la fac, il y a environ deux ans de cela. Pour autant, je n'aime pas l'idée de m'imposer. D'autant plus au cœur d'une période dédiée aux fêtes de famille. Mais le jeune homme a insisté. Il est même allé jusqu'à appeler sa mère en visio devant moi pour qu'elle m'engueule en m'informant qu'il était hors de question que je passe les fêtes seul. Puis, elle m'a assuré qu'il y aurait bien trop à manger si je ne venais pas et que ma présence lui rendrait un grand service. Ça m'a fait rire et je n'ai pas pu dire non à nouveau.

Et c'est ainsi que ma vieille Jeep rouge s'est retrouvée garée dans l'allée des Gray aujourd'hui. Haru n'est pas encore arrivé. Les majeurs en pré-droit ont organisé un voyage à Aspen pour décompresser des derniers examens. Il est de retour aujourd'hui et nous nous sommes donné rendez-vous à San Francisco, chez ses parents. Ces derniers ne sont pas là non plus. En effet, tout le reste de la famille Gray est allé visiter de la famille à Seattle et ils ne seront de retour que demain.

Puisque la maison est vide, Haru m'a invité à entrer pour l'attendre à l'intérieur. Sous une fausse pierre, loin d'être bien cachée, je trouve la clé et pénètre dans les lieux. C'est assez étrange d'arriver chez des inconnus alors qu'ils n'y sont même pas. Un peu gêné, je découvre le salon familial, spacieux et cocooning. Sur les murs, des dizaines de paysages sont exposés dans des cadres de plusieurs tailles différentes. Paris, Londres, Pékin et tout un tas de villes que je ne reconnais même pas. Moi qui n'ai jamais connu rien d'autre que la côte ouest des États-Unis, je suis impressionné.

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