Chapitre 18 - La douceur de ta peau

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— Hey, laisse-moi faire, soufflé-je en m'approchant de l'évier pour venir prendre délicatement le poignet de Sun.

— Ça va, je m'en sors, grogne-t-il en me repoussant.

Il n'est pas difficile de comprendre qu'il est d'une humeur exécrable. Et je le connais assez pour savoir pourquoi. Il a admis lui-même qu'il n'aimait pas me voir proche d'Andréa. Alors, ce soir, ses nerfs ont dû être mis à rude épreuve. Pourtant, il faut admettre qu'une part de moi n'a pas détesté le pousser à bout. Mon ami n'a pas tort après tout. Si Sun ne désire qu'une nuit à mes côtés, si tout cela ne signifiait rien d'autre que l'assouvissement d'une pulsion passagère, alors il n'a aucune raison de s'énerver en me voyant avec un autre. Ce n'est pas comme si l'on s'était fait des promesses d'exclusivité.

— Ne fais pas l'enfant. Il faut que je voie si c'est profond.

J'insiste pour prendre sa main et avec délicatesse, je la guide sous le filet d'eau à nouveau. Sun grimace, mais il se laisse faire. Un flot rosé se déverse dans l'évier et même si je ne suis pas particulièrement sensible à la vue du sang, ses blessures ne sont pas plaisantes à voir. Par miracle, elles ont toutes l'air superficielles et quand je presse un torchon propre sur sa paume, le sang finit vite par s'arrêter de couler. Mais sa main n'en est pas moins amochée. Je le relâche une seconde pour récupérer la trousse de premiers soins dans l'un des placards.

Avec lui, je m'en sers un peu trop souvent à mon goût.

— Ton mec ne t'attend pas ?

Le ton amer et froid de Sun m'arrache un demi-sourire. Autrefois, son attitude m'aurait sans doute énervée, mais je crois que je m'y suis habituée. À présent, il m'a plus l'air d'un enfant qui boude. Il aboie beaucoup, mais il ne mord pas.

Enfin, tout dépend du contexte...

Je me fais rougir toute seule en repensant à la nuit sauvage que l'on a passé ensemble. Toutefois, je chasse rapidement ces images de mon esprit en essayant de me concentrer sur mes gestes. J'applique du spray désinfectant sur la paume de sa main et il sursaute légèrement en grimaçant.

— Tu sais très bien qu'Andréa n'est pas mon mec.

— Et lui, il le sait ?

— C'est ta jalousie qui parle.

Sun lâche un soupir profondément agacé, mais il ne nie pas. Je suis contente de constater que les blessures sur sa main ne sont pas graves. J'aurais dû jeter ce verre ébréché depuis longtemps.

— C'est bon, laisse tomber, marmonne-t-il en se refermant sur lui-même.

— Non. Si tu as un souci, tu m'en parles. Je ne vais pas te laisser ravaler ta colère jusqu'à ce que tu exploses et que tu ailles te battre avec des types bourrés au hasard.

Il se mure dans le silence, mais il a parfaitement conscience que j'ai raison. Esquiver la conversation, laisser les malentendus en suspens et feindre que tout va bien, ça ne nous a jamais réussi. Je pose une compresse sur ses plaies et enroule sa main dans un bandage avec précaution. Quand je termine, je relève le regard vers lui, bien décidée à ne pas laisser la conversation se terminer ainsi. Il lit en moi sans difficulté et comprend très vite que je ne vais pas lâcher le morceau.

— Ton pote fait tout pour me provoquer, finit-il par lâcher. Tu vas sans doute dire que je me fais des films, mais...

— Non, cette fois tu as raison, le coupé-je.

— Sérieusement ? Tu le vois aussi et ça ne te pose aucun problème ?

Je relâche sa main et soupire en me reculant légèrement pour m'appuyer contre le plan de travail.

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