Chapitre 21 - Tu es là ! (2)

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J'ai l'impression de ne pas l'avoir vu depuis une éternité. Sa présence m'enivre plus que toute une bouteille de cognac. Elle me toise avec détermination et si j'aime la flamme ardente qui brille dans ses yeux, je suis tout de même un peu perdu quant à la raison de sa présence.

— Un problème, corazon ? lâché-je nonchalamment.

— Oui, c'est toi mon problème.

Je m'apprête à la questionner de plus belle, mais elle me coupe en continuant.

— Toi et ta façon de souffler le chaud et le froid, toi et ton sourire arrogant, toi et ton attitude de lâche, toi et ton incapacité à être honnête autant envers moi qu'envers toi-même !

Je fronce les sourcils devant ses mots insultants. Par fierté, je me relève et la dépasse de toute ma hauteur. La tempête Neela est toujours plaisante à admirer et la douce lumière du soleil couchant ne fait qu'exacerber sa beauté hypnotique, mais ce n'est pas pour autant que je suis prêt à me laisser écraser. Toutefois, alors que je m'apprête à la remettre à sa place, je constate qu'il n'y a aucune colère dans son attitude. Non, elle a lâché ses reproches comme de simples constats face auxquels elle est d'une sérénité sans faille. Et il faut admettre que cela me désarçonne. Je voyais déjà un énième tango verbal s'annonçait entre nous pour finir en nouvelle catastrophe, mais son comportement n'a rien de conflictuel.

— Je ne suis pas venue pour me disputer, confirme-t-elle comme si elle lisait dans mes pensées.

— Pourquoi es-tu là alors ?

— Je viens de signer ma convention de stage. Un stage qui m'a été refusé, à juste titre d'ailleurs, mais pour lequel j'ai miraculeusement été rappelé grâce au coup de pouce du fameux Thomas Jones qui ne me connaît ni d'Eve ni d'Adams.

Je commence à voir où elle veut en venir. J'ai conscience que mon beau-père a une grande influence dans de nombreux domaines et que son aide, même minime, est précieuse. Et c'est pour cela que je lui ai demandé de me faire une faveur en parlant positivement de Neela. Je ne pensais pas que cela irait si vite.

— Tant mieux pour toi, Neela. C'est une bonne chose.

— C'est tout ce que tu trouves à dire ? Tu ne vas pas me donner plus d'explications sur la façon dont tout cela est arrivé.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Elle lève les yeux au ciel et j'ai follement envie de faire disparaître son petit air arrogant en l'allongeant sur la table de la salle à manger.

— Tu veux sérieusement me faire croire que tu n'as rien à voir avec le fait que ton beau-père m'a recommandé alors qu'il ne sait rien de moi.

— Ça va, ça va, je lui ai passé un petit coup de fil. Si j'avais su que ça me vaudrait une prise de tête, je me serais peut-être abstenu.

C'est faux, cela m'aurait sans doute motivé davantage.

Neela soupire profondément et la frustration peut se lire sur son visage.

— Je n'essaie pas de te prendre la tête, bien sûr que je suis reconnaissante.

— Tu n'en as pas l'air.

— Tu ne comprends rien, s'exaspère-t-elle.

— C'est souvent le cas avec toi.

Pendant une seconde, j'ai l'impression qu'elle va baisser les bras devant mon je-m'en-foutisme flagrant. Pourtant, elle ne se démonte pas.

— Arrête de faire semblant, s'il te plait. Juste une seconde.

Son regard se fait suppliant et même si c'est difficile, je ne flanche pas et reste de marbre. Alors, elle avance d'un nouveau pas dans ma direction et reprend la parole à la hâte.

— Je sais que cela a dû te coûter grandement d'appeler ton beau-père pour m'aider. Tu es toujours là pour me protéger, pour m'encourager, pour me sauver du moindre ennui. Et cela même si tu joues le mec détaché, même si tu feins l'indifférence.

Je détourne le visage, trop faible pour faire face à toutes ces vérités. Moi qui espérais être subtile, j'ai l'impression que mes sentiments transpirent par chacun de mes pores et qu'elle les déchiffre avec une facilité déconcertante. Je me sens mis à nu. Alors, comme toujours, j'ai envie de fuir. Mais elle ne me laisse pas faire.

— Tu es toujours là ! martèle-t-elle de plus belle. Tu ne peux plus faire croire que cela ne signifie rien, que tu veux juste être mon ami. Je ne te crois plus.

Je suffoque. Elle me met au pied du mur et j'ai beau chercher, je ne vois aucune échappatoire. Comment lui dire que je ferais tout pour elle, que chaque parcelle de mon être lui est totalement dévouée depuis longtemps déjà ? Je vendrais mon âme au diable pour un seul de ses sourires. Alors, ce malheureux petit appel à Thomas n'était rien en comparaison.

Elle semble saisir mon trouble et, comme pour me rassurer, elle vient doucement poser sa paume contre mon torse. Même à travers mon t-shirt, j'ai l'impression de ressentir une brûlure aussi délicieuse que lancinante là où sa main m'effleure.

— Tu me désires, ne le nies pas. Sois enfin honnête et on pourrait être heureux toi et moi. Il n'y a rien de plus simple. Fais juste un pas vers moi, je t'en prie.

Pendant une seconde, j'ai envie de croire que c'est possible, que j'ai le droit de l'avoir dans mes bras là tout de suite et de ne plus jamais la lâcher. J'ai envie de croire que je pourrais la protéger du monde entier et qu'elle sera tout autant un abri pour moi. Je m'imagine près d'elle, heureux.

Le problème est que j'imagine aussi la colère dans le regard de Haru quand il découvrira que je l'ai trahi en me tapant sa sœur. Et la douleur sur les traits de Neela quand elle saisira que son frère n'acceptera jamais notre relation et que leur lien en sera brisé.

Et même s'il l'acceptait... Je n'ai rien à offrir à Neela. L'amour ne fait aucun sens pour moi, il est voué à l'échec et je sais que je finirais par la décevoir. Ensuite, elle me quittera pour disparaître de ma vie à jamais. J'aurais tout perdu.

Non, hors de question !

Difficilement, j'oublie toutes mes divagations, tous mes espoirs. Neela représente ma seule chance de bonheur, mais la perdre serait le plus grand malheur qui pourrait m'arriver. C'est un risque beaucoup trop grand. Alors, je m'arme de mon habituelle nonchalance avant de lui répondre.

— Écoute Neela... Je suis heureux d'avoir pu t'aider, mais je ne veux pas que tu te méprennes. Je l'ai fait pour mon meilleur ami. À mes yeux, tu es la petite sœur d'Haru, rien de plus.

Et en prononçant ces mots, j'ai presque l'impression de pouvoir entendre son cœur se briser devant moi. Ou peut-être est-ce le fracas du mien qui se fissure de part en part pour exploser en mille morceaux quand je comprends qu'elle ne me le pardonnera jamais. Elle ferme les yeux, inspire profondément comme pour ravaler sa douleur et sans m'adresser un dernier regard, elle tourne les talons et quitte l'appartement d'un pas précipité, s'enfuyant de ma vie au passage.

🌙🌙

Hello à tous ! Aujourd'hui c'est une fin de chapitre un peu difficile, mais ça explique un peu plus les relations compliquées de Sun et Neela. Tout ça remonte à des années entre eux. Vous pensez qu'ils vont s'en sortir dans le futur ? À bientôt pour la suite !

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