Chapitre 23 - Impossible de me cacher (1)

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Les lampadaires illuminent peu à peu les rues de San Francisco quand la préparation de l'exposition touche à sa fin. Nous ne sommes pas en avance, mais tout est fini dans les temps. J'ai même eu le temps de filer sous la douche avant d'enfiler une jolie petite robe de soirée complètement noire. Asymétrique, elle laisse apparaître mon épaule d'un côté tandis qu'une manche couvre complètement mon bras de l'autre. J'aime la façon dont elle marque ma taille tout en restant sobre. Elle est confortable et ce soir, j'ai particulièrement besoin de l'être.

En effet, tout est bon pour essayer de cacher mon stress. Cet événement pourrait représenter le début de ma carrière. Entre l'engouement sur les réseaux, la présence des médias ce soir et le talent de Sun, cette exposition ne peut être qu'une réussite. Et ma réputation se construira ainsi sur des bases solides.

— Prête ?

Sun glisse une main au bas de mon dos alors qu'il vient se poster près de moi. J'inspire profondément. Sa présence m'apaise un peu. Étonnement, lui n'a pas l'air nerveux du tout. Au vu de tout ce que cette soirée représente pour lui aussi, c'est plutôt surprenant. Je me demande s'il cache ses états d'âme pour ne pas m'inquiéter. Mais la suite de ses mots semble prouver le contraire.

— Je suis sûr que tout va bien se passer. Je te fais confiance, tu es la meilleure.

Et à ces mots, il vient déposer un tendre baiser contre ma tempe. Et je ne sais pas si cela me réconforte ou me met encore plus de pression. Mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur mes tergiversations puisque June nous fait signe qu'elle va ouvrir les portes.

Au départ, seulement un tout petit groupe de personnes fait son entrée, quatre ou cinq, pas plus. Mais peu à peu, la galerie devient plus animée et l'ambiance plus chaleureuse. Mon stress s'évanouit avec la joie qui m'emporte.

Les nouveaux venus s'attardent devant les œuvres, éblouies par la poésie qui s'échappe paradoxalement de ces œuvres de métal froid et dur. Certains remarquent aussi la décoration du lieu que j'ai voulu en adéquation avec l'univers de Sun. Les quelques meubles de la pièce rappellent ceux de l'atelier du jeune homme. Légèrement rouillés, ils donnent un côté industriel à l'endroit, contrasté par de jolies plantes et quelques lierres qui offrent des touches de verdure de ça, de là.

Au centre de la pièce se trouve la fameuse sculpture réalisée par Sun spécialement pour l'événement. Au cœur de l'agitation de la soirée, je prends une seconde pour souffler et constater le travail que l'on a fait. Debout devant cette œuvre, je savoure notre réussite. Il s'agit d'une statue en fer, représentant une femme. Elle me rappelle une photo que Sun m'avait montrée lorsqu'il préparait son portfolio pour la 111 Minna Gallery. C'était il y a des années et pourtant, je m'en souviens comme si c'était hier. La sculpture sur cette photo m'avait marqué par sa beauté et sa douceur.

Toutefois, celle devant moi aujourd'hui est différente. Elle représente toujours cette femme aux courbes gracieuse et sur sa poitrine est également finement gravé un cœur réaliste à la manière d'une signature mystérieuse. Son corps se compose d'un entremêlement de fil de fer modelé à la main pour obtenir la forme parfaite. Cette attention au détail n'a pas changé.

Mais la statue précédente semblait plus distante, d'une beauté plus glaciale et inaccessible. Celle-là dispose d'une grande paire d'ailes qui donne l'impression qu'elle volette légèrement au-dessus de son pilier. Elle est penchée vers le spectateur, une main tendue vers ce dernier, comme une invitation à l'évasion.

Enfin, une splendide couronne de fleurs trône gracieusement sur sa tête. Je n'ai aucun mal à les reconnaître : des pivoines. Le contour de chaque pétale est minutieusement modelé à l'acier fin et chacun d'eux contient un morceau de vitrail rosé qui dissémine des pointes de lumières roses tout autour de la statue. C'est un très beau spectacle. Sun s'est surpassé.

— Qui aurait cru que cet homme de cromagnon serait capable de tant de féerie ?

Brooke me fait presque sursauter lorsqu'elle s'approche de moi et je sors de ma contemplation.

— Moi. Moi je le savais. C'est pour ça que j'ai proposé de le représenter, réponds-je dans un sourire.

— Tu es devenue une vraie businesswoman, se moque-t-elle. Mais plus sérieusement, l'expo est très réussie, je suis fière de toi.

Ma meilleure amie glisse un bras autour de mes épaules pour m'étreindre avec tendresse et pour la première fois depuis le début de toute cette histoire, je réalise vraiment ce que j'ai accompli. Une bouffée de chaleur m'envahit et je pourrais presque pleurer en me rendant compte que je touche mon rêve du bout des doigts. Toutefois, ce moment est interrompu par un toussotement dans mon dos.

En effet, derrière nous se tient un jeune homme au visage familier, trois coupes de champagne dans les mains.

— Bonsoir... Neela, c'est bien ça ? me salue-t-il poliment.

Il me tend une coupe de champagne et je le remercie d'un signe de tête. Je suis confuse pendant une seconde, n'arrivant pas à me rappeler qui est ce beau brun qui me fait face. Mais lorsqu'il tend une coupe à Brooke avant de glisser un bras autour de sa taille, je fais vite le rapprochement.

— C'est bien ça. Ravie de te rencontrer Logan, j'ai beaucoup entendu parler de toi.

— En bien, j'espère, souffle-t-il dans un sourire charmeur.

— Évidemment ! Je regrette de ne pas avoir pu venir faire la fête avec vous à Bali.

— Ce n'est que partie remise, assure-t-il.

— Bonne idée ! On devrait réorganiser un voyage tous ensemble bientôt, confirme Brooke.

J'acquiesce fermement, toujours un peu déçue d'avoir manqué nos dernières vacances. J'ai sans doute raté un peu plus que ça vu les péripéties qui semblent se jouer dans la vie de Brooke ces temps-ci.

— Et moi, je suis aussi invité ? lance Andréa qui se joint à notre discussion.

Je ne l'avais pas vu arriver et il me fait presque sursauter quand il passe une main dans mon dos avant de venir embrasser ma joue.

— Oh, Andréa, tu as pu venir ! Ça me fait plaisir de te voir, m'enthousiasmé-je. L'exposition te plaît.

— Oui, c'est super. On sent que Sun a été très... inspiré, lance-t-il dans un sourire taquin empli de sous-entendus.

Je lève les yeux au ciel et cela lui arrache un léger rire.

— Et donc, vous parliez de vacances, non ? reprend mon voisin en s'adressant à Brooke.

— Désolée, ça se fera en petit comité, rétorque-t-elle froidement.

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