— Oh, Andréa, tu as pu venir ! Ça me fait plaisir de te voir, m'enthousiasmé-je. L'exposition te plaît.
— Oui, c'est super. On sent que Sun a été très... inspiré, lance-t-il dans un sourire taquin empli de sous-entendus.
Je lève les yeux au ciel et cela lui arrache un léger rire.
— Et donc, vous parliez de vacances, non ? reprend mon voisin en s'adressant à Brooke.
— Désolée, ça se fera en petit comité, rétorque-t-elle froidement.
Je suis surprise par la méchanceté de cette réponse, mais je le suis d'autant plus en captant le sourire narquois d'Andréa qui n'a clairement pas l'air de le prendre mal.
— Ohhh et moi qui pensais que nous étions très proches tous les deux, répond-il dans une moue exagérément attristée.
Mais la façon dont il insiste sur les mots « très proches » ne laisse pas de doute sur le fait qu'il me manque quelques informations. Brooke le fusil du regard et Logan semble quelque peu confus face à la tension qui se propage soudainement.
— Toi, proche de qui que ce soit ? Laisse-moi rire, continue Brooke avec amertume.
— Je te sens bien tendu ma petite Brooke, se moque-t-il.
Je sens ma meilleure amie bouillonner face à l'évidente condescendance qui anime Andréa. J'ai bien compris qu'il y avait quelque chose entre ces deux-là, mais pourquoi leur relation semble-t-elle toujours aussi chaotique ? Je m'apprête à les questionner quand je suis coupé dans mon élan.
À quelques pas de là, June se tient devant l'une des sculptures de Sun, accompagnée d'une jeune femme qui est sans doute une future acheteuse. Elle me fait signe de les rejoindre et j'hésite une seconde, mais ne peux pas refuser.
— Il faut que je vous laisse, mais arrêtez vos bêtises tous les deux. Je ne veux pas de dispute au milieu de la galerie.
Brooke se contente de soupirer, Andréa m'assure ironiquement qu'il sera « bien sage » et je n'ai pas le temps de m'attarder plus longuement. Je rencontre l'ami de June, une artiste locale qui me complimente sur la réussite de l'événement. Elle rencontre Sun également et le félicite de son travail. Après ça, je passe de visiteur en visiteur, dis quelques mots à la presse, fais quelques photos avec Sun et le pousse sur le devant de la scène. La soirée passe si vite que j'en ai le tournis.
Et alors que j'ai enfin une seconde à moi, j'en profite pour me faufiler dans l'arrière-salle. Un soupir de soulagement m'échappe dès que la porte se referme, laissant derrière elle l'effervescence de la soirée d'exposition. C'est comme si j'entrais dans un autre monde, un sanctuaire de calme au sein du tumulte artistique.
L'arrière-salle, à laquelle on pourrait à peine donner le titre de « salle de stockage » est en fait un débarras éclairé seulement par la lueur douce de la ville qui filtre à travers la baie vitrée. L'obscurité ambiante donne à cet endroit une atmosphère mystérieuse. Des silhouettes fantomatiques d'œuvres d'art passées, d'outils artistiques et d'autres objets non identifiés forment une sorte de composition chaotique dans le noir. Au premier coup d'œil, on pourrait croire que tout est en désordre, mais à y regarder de plus près, chaque objet semble avoir trouvé sa place dans cette enclave secrète.
Le peu de lumière qui s'infiltre par la fenêtre me laisse entrapercevoir une silhouette qui se détache de l'obscurité. Assis sur une table à manger, il a les pieds qui reposent sur une chaise, la tête tournée vers la rue. Je reconnais Sun sans grand mal. Son regard, perdu dans la rue animée au-delà de la baie vitrée, semble captivé par quelque chose d'invisible aux yeux des autres.
Les phares des voitures mettent en relief les contours de son visage, créant des ombres qui soulignent sa concentration profonde. C'est un tableau en soi, un instant volé à l'agitation de l'exposition, où l'artiste se retrouve immergé dans une contemplation silencieuse.
— N'allume pas, souffle-t-il en me reconnaissant.
— Sun ? Qu'est-ce que tu fais là ?
— La même chose que toi, je suppose. Je prends une pause.
— Dans le noir ?
— Personne ne viendra me chercher ici, comme ça.
— Moi je t'ai trouvé pourtant, réponds-je malicieuse en venant m'asseoir à ses côtés.
— C'est vrai. C'est impossible de me cacher de toi.
Je n'en suis pas certaine, mais je crois qu'il sourit. Avec tendresse, je glisse ma main sur la sienne et pose ma tête sur son épaule.
— Merci pour tout ça, murmure-t-il.
— C'est toi qui as tout fait. C'est toi et tes œuvres que les gens viennent voir.
— Mais sans toi, je serais seul dans mon atelier à cette heure.
— Disons qu'on fait une bonne équipe.
— Une très bonne équipe, confirme-t-il avant de repousser la chaise à ses pieds.
Il descend alors de la table pour me faire face. Il s'approche d'un pas et par réflexe, j'enlace son cou. Sans se faire prier, il se glisse entre mes jambes et pose ses mains sur mes hanches.
— J'ai vendu plus de la moitié de mes sculptures, je n'en reviens pas.
Son sourire est plus lumineux que celui d'un enfant à Disney et je ne peux que tomber un peu plus sous le charme.
— Tu le mérites.
La lueur bleutée de la nuit adoucit ses traits - souvent trop durs - et je me perds dans l'obscurité de son regard. Il se penche vers moi et, comme si c'était le geste le plus évident et le plus naturel au monde, il dépose ses lèvres contre les miennes. Ce baiser a le goût d'accomplissement, de gratitude et de joie dans sa plus pure forme. Il enlace ma taille, me soulève et tournoie sur lui-même. Un petit cri rieur m'échappe et nos lèvres se rencontrent à nouveau.
Dans ses bras, tout mon être s'embrase. Pourtant, c'est aussi là où je me sens le plus moi-même. Cette soirée ne pourrait pas être plus parfaite. Peut-être que Sun a raison en fin de compte. Notre relation n'a jamais été aussi sereine, apaisée et enivrante. On fonctionne si bien ensemble depuis notre fameux accord. Nous faisons la paire et si l'on ne s'encombre pas des méandres d'une relation amoureuse, tout est plus facile. Tout est mieux ainsi.
Et c'est d'autant plus facile de m'en convaincre quand Sun me serre fort contre lui.
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SUNSET
RomanceUne coloc' forcée entre deux âmes qui se repoussent autant qu'elles s'attirent ? Cela présage un chaos sans nom. C'est pourtant la situation dans laquelle se retrouve Neela, jeune autoentrepreneuse à la détermination sans faille. Elle a rencontré...