Chapitre 29 - Tout est fini (2)

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— Tu ne comprends vraiment rien. Le problème n'est pas que tu sois avec ma sœur. Enfin... l'idée ne me ravit pas grandement, mais quitte à ce qu'elle fréquente quelqu'un, autant que ce soit quelqu'un de bien.

Il faut l'admettre, je ne comprends pas vraiment. À entendre Haru, il a toujours voulu que Neela finisse sa vie au fin fond d'un couvent. Sa surprotection est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles on a gardé le secret.

— On n'est pas vraiment ensemble de toute façon, me contenté-je de rectifier.

— Je n'ai pas besoin des détails, grimace Haru. Mais j'aurais tout de même souhaité que vous ne fassiez pas les choses dans mon dos.

— Je suis désolé de t'avoir menti, admis-je coupable.

— Peut-être que Neela n'a pas tort quand elle dit que je la surprotège. J'en ai conscience. Et j'ai sans doute ma part de responsabilité dans le fait qu'elle a préféré ne pas se confier à moi. Mais toi... Je pensais qu'on se disait tout.

— J'avais peur de perdre ton amitié.

— Mais Sun ! s'agace-t-il. Tu n'es pas le genre de connard qui cherche à faire volontairement du mal à ma sœur et desquels je veux la garder éloignée. Si tu avais été honnête, ça aurait été un choc, certes, mais je ne t'en aurais pas voulu.

Plus il parle et plus je me sens coupable. Au fond, si je lui ai menti, c'était surtout par facilité. Peut-être aurais-je dû lui laisser le bénéfice du doute. Pourtant, cette idée me paraissait tellement impossible. Je ne suis même plus sûr de savoir ce qui me retenait.

— Pour être honnête, continu Haru, je me sens con de n'avoir rien remarqué avant. Tu as toujours été aussi protecteur envers elle que moi, vous êtes comme chien et chat, mais la façon dont vous vous regardez... je suis vraiment aveugle.

— De toute façon, il n'y a sans doute plus rien à remarquer, me contenté-je de répondre en finissant mon verre.

— Neela avait l'air bouleversé après ton départ. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Si je te raconte, tu vas sûrement me coller un pain pour de bon, admis-je.

— Vous vous êtes pris la tête ?

— C'est surtout moi qui lui ai pris la tête, à vrai dire.

— Si c'est une allusion sexuelle, je vais vomir. Et sûrement t'en décoller une, effectivement.

Je ne peux retenir un léger rire devant sa mine totalement dégoutée.

— Tu as l'esprit mal placé. On s'est engueulé oui, mais disons que c'était surtout moi qui gueulais, expliqué-je.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— J'étais sur les nerfs à cause de l'expo et de mon père. C'est retombé sur elle, admis-je.

— Tu déconnes, mec, me réprimande Haru.

Je sais qu'il a raison. L'impulsivité est sans doute l'un de mes plus grands défauts. Mais je suis au moins capable de reconnaître quand j'ai merdé. Je n'en veux pas vraiment à Neela. C'est vrai qu'elle a été plutôt insistante pour que j'expose mes œuvres. Mais elle a toujours gardé mon bien en tête. Et je serais bien ingrat de nier que j'ai apprécié l'expérience. Sauf que ce soir, ma colère a pris le dessus et mes mots ont dépassé ma pensée.

— Tu me connais. La gestion de la colère, ce n'est pas mon point fort.

— Tu exagères, tu as bien changé ces derniers temps. La preuve, tu n'es pas en train de te battre avec des inconnus bourrés au milieu d'un bar, simplement parce que tu es bouleversé.

— La soirée n'est pas finie.

— Je ne comprends pas pourquoi tu cherches sans cesse à t'autodétruire, soupire Haru. Mais ça explique au moins pourquoi tu m'as menti. Faire de moi un problème t'a permis de saboter ton propre bonheur pendant si longtemps. Et quand j'ai fini par tout savoir, c'est ton père ou le travail que tu as utilisé pour tenir Neela à distance dès que tu en as eu l'occasion. Pourquoi rejettes-tu tout ce qui peut te faire un minimum de bien ?

Les mots de Haru résonnent en moi et je reste figé devant mon verre vide. Mon meilleur ami fait sens, mais je ne veux pas y croire. Je ne veux pas imaginer que j'ai été moi-même mon pire ennemi pendant tout ce temps. Ce n'est pas possible. Ai-je vraiment cherché toutes les excuses possibles et imaginables pour fuir ce dont mon cœur se languit depuis des années ? Peut-être.

— Parce que je ne veux pas m'habituer au bonheur, si c'est pour le perdre un jour. Tout le monde finit par partir.

— C'est ridicule ! proteste Haru. Certaines histoires ont une fin, mais les moments vécus ne disparaissent jamais. Et parfois, le bonheur est éternel. Moi, je ne te quitterais jamais et je suis sûr que je ne suis pas le seul.

Face à la sincérité d'Haru, mon cœur se serre. Cette facilité à s'ouvrir est déconcertante, mais j'ai envie de le croire. Outre mon connard de père, ce soir ma mère aussi a fait le déplacement pour me soutenir. Et elle a toujours été là - même si je ne le méritais pas toujours. Depuis que je les ai rencontrés, Haru, Neela et même leurs parents ont également répondu présents en toute circonstance. Peut-être est-il temps de combattre mes craintes.

Haru pose une main sur mon épaule et m'adresse un regard plein de compassion.

— Merci, murmuré-je avant de descendre de mon siège pour venir le serrer dans mes bras.

Il me rend mon étreinte et m'adresse une grande tape amicale dans le dos.

— Je ne suis pas le seul que tu dois remercier, ne crois-tu pas ?

— Tu as raison, comme toujours.

Je le relâche et il m'adresse un sourire. Cette conversation m'a fait beaucoup de bien, mais c'est à Neela que je dois des excuses en plus de ma gratitude. À vrai dire, je lui dois beaucoup plus que cela. Alors, je règle nos verres, remercie une nouvelle fois Haru et fil hors du bar. Le Rouge n'est pas très loin de mon appartement et je le rejoins en à peine quelques minutes. Vu l'heure tardive, Neela doit être rentrée. Et si ce n'est pas le cas, j'enverrai un message à Brooke pour savoir où elle se trouve.

— Neela ? lancé-je en entrant chez nous.

Devant l'absence de réponse, je m'avance vers sa chambre qu'elle a laissée ouverte. Elle n'est pas là, mais quelque chose me saute soudainement aux yeux. Non, en fait c'est le manque de quelque chose qui m'interpelle. Et soudain, je réalise. Son armoire est ouverte et complètement vide. Dans toute la pièce, il ne reste plus rien de ses affaires personnelles. Devant ce constat, j'ai l'impression que mon cœur cesse de battre.

Sur le lit, une feuille de papier est pliée en deux et mes doigts tremblent alors que je m'en empare. Seuls quelques mots courent sur le blanc immaculé de la page. Je comprends vite de quoi il s'agit, mais je prie pour me tromper. Malheureusement, lorsque mes yeux parcourent les trois petites phrases qu'elle m'a laissées, j'ai l'impression de tomber dans le vide.

« Mon appartement est remis en état. Je déménage. Désolée.

– Neela »

Et c'est alors que je comprends que tout est fini.

🌙🌙

À bientôt pour la suite !

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