SUNSET

Chapitre 24 - En attendant le crash imminent (1)

— Arrête de tirer sur ton col. T'as l'air d'un enfant de 10 ans.

Sun lâche un bruyant soupir en m'adressant un regard dépité visiblement déjà las de cette journée.

— Ça fait longtemps que je n'ai pas été engoncé dans ce genre de costume trois pièces. Je vais étouffer.

— Tu ne vas pas râler tout le long de la fête, j'espère ?

— C'est toi qui voulais que je vienne, je te rappelle.

— Si j'avais su que tu ferais cette tête, je n'aurais pas tant insisté.

— Je peux toujours faire demi-tour, tu sais ? propose Sun en faisant mine de s'arrêter au milieu du hall pour tourner les talons.

J'affiche une mine choquée devant cette menace, mais je m'accroche à son bras avec force.

— Quoi ? Non ! Allez, tu as promis de m'accompagner. Tu ne vas pas m'abandonner ici, juste devant la fête.

Sans lui laisser le temps de me répondre, j'entraîne Sun à l'intérieur. La grande salle de réception se trouve au cœur du domaine La Rive. L'endroit aux allures de mini château semble parfait pour un mariage. La salle est joliment décorée dans une étonnante alliance entre élégance minimaliste et ambiance champêtre. Mélissa, l'une de mes plus proches amies d'université, a toujours eu l'œil pour ce genre de chose et je ne doute pas que son mariage est à son image : plein de douceur et de beauté naturelle.

La salle de réception contient une dizaine de tables aux nappes immaculées, traversées d'un chemin de table vert pâle aux contours dorés. Au centre de la pièce, une piste de danse est pour l'instant complètement vide puisque tous les invités sont rassemblés dans le jardin à l'arrière du bâtiment. Nous franchissons donc les grandes portes-fenêtres pour les rejoindre et je relâche le bras de Sun pour saisir deux coupes de champagne qu'un serveur me propose.

Comme à l'intérieur, la décoration extérieure est épurée, mais magnifique. De nombreuses fleurs blanches, - je crois reconnaître des orchidées, des lys et des glycines - beaucoup de verdure et quelques touches dorées de ça, de là.

— Allez, trinque avec moi. Je te promets qu'on va bien s'amuser.

Sun n'a pas l'air particulièrement convaincu, mais il fait tout de même teinter nos flûtes. Lorsqu'il boit une gorgée, je le sens se détendre un peu.

— Au moins le champagne est bon, commente-t-il.

— Et goutte les petits-fours, ils sont délicieux !

Avec un peu trop d'enthousiasme, je lui colle un mini toast dans la bouche, lui étalant un peu de crème sur le coin des lèvres au passage.

— Hey ! Doucement ! proteste-t-il.

Je m'excuse de ma maladresse, mais ne peux m'empêcher de pouffer devant sa mine grognonne tartinée de crème fraîche. Je m'empare rapidement d'une serviette et m'approche pour lui essuyer le visage délicatement. Il continue à bouder, agacé par mon enthousiasme, mais il semble que ma mine rieuse est communicative puisqu'il finit par céder et me sourire en retour.

La douceur de son regard m'enveloppe d'une petite bulle de chaleur. Il est si beau dans son costume sombre. Il a même pensé à glisser un mouchoir bordeaux dans la poche de sa veste pour s'accorder à ma robe. Il ne me faudrait qu'un pas de plus pour me lover dans ses bras. Mais je me retiens.

Notre accord est clair. Sun a accepté de m'accompagner au mariage de Mélissa pour éviter d'y aller seule alors que je ne connais pas grand monde. Mais j'ai promis que l'on éviterait toute ambiguïté. C'est une sortie entre amis, pas un date de couple.

— Tu es vraiment insortable, me réprimande-t-il faussement. Mais j'avoue qu'ils sont pas mal, concède Sun en se servant dans le plateau des amuse-bouches.

Un air satisfait se dessine sur mon visage et il lève les yeux au ciel. Il faut l'admettre, je lui suis reconnaissante. J'apprécie Mélissa, mais cela fait longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion de passer du temps ensemble et je ne connais ni sa famille ni ses autres amis. À vrai dire, les visages familiers se comptent sur les doigts de la main et j'aurais sans doute passé la journée seule dans un coin sans Sun.

Peut-être qu'une part de moi avait aussi envie de voir si notre alchimie serait toujours présente au-delà des murs de notre appartement. Mais ça, je n'ai pas le droit de l'admettre. Vouloir être à son bras, sortir à deux, partager nos quotidiens, ce sont des envies qui s'éloignent un peu trop de notre accord. Des sexfriends, rien de plus, c'est ce que l'on s'est promis.

Une certaine frustration m'envahit doucement, mais je n'ai pas le temps de m'y noyer puisque j'aperçois Mélissa qui me fait signe au loin. J'indique à Sun de me suivre et on se faufile à travers les invités pour rejoindre mon amie.