SUNSET

Chapitre 16 - Quand on parle du loup (1)

Il est déjà 22 heures passé lorsque je rejoins Brooke et Olivia au Rouge ce soir-là. L'ambiance du bar type petit café parisien tranquille est bien différente une fois la nuit tombée. La musique assurée par des groupes en live et les gens éméchés qui se déchaînent sur la piste de danse offre un côté bien plus animé à l'endroit. Quand je trouve la table de mes deux amies, elles dégustent un cocktail en discutant joyeusement. Mais lorsqu'elles m'aperçoivent, elles s'interrompent immédiatement.

- Ah ! Neela ! Ça fait plaisir de te revoir, tu nous as trop manqué ! s'exclame Liv en sautant sur ses pieds pour m'enlacer.

- Et tu es en retard, fais remarquer Brooke alors que je me glisse sur la banquette à ses côtés.

Malgré cette petite remarque, elle m'étreint tendrement pour me saluer.

- Désolé, je devais faire un saut à une expo avant de venir. Ça m'a pris un peu plus de temps que prévu.

- Toute seule ? s'enquit Brooke.

- Ouais, c'était pour le travail.

- Ah ? Un nouveau client en vue, s'intéresse Olivia à son tour.

- Oui et non. Enfin... Peut-être. Rien n'est encore fait.

- Eh bah, tu n'as pas chômé pendant ton confinement. Tu n'étais pas censé te reposer ?

Mon confinement... Si elles savaient. Il s'est passé bien plus que du simple repos durant ces quelques jours hors du temps.

- Il fallait bien que je m'occupe. On a passé presque deux semaines enfermés, ça fait long.

Pas si long que ça en réalité. Le temps passe plus vite quand on s'amuse. À vrai dire, après notre dernière soirée, j'aurais même eu envie que ce confinement dure plus longtemps.

- Ah oui "on". C'est vrai que Sun et toi étiez coincés ensemble.

Le ton qu'utilise Brooke a un petit goût amer. Mais ce n'est pas surprenant. Ma meilleure amie est au courant des moindres détails de ma relation avec Sun - en dehors des récents développements. Elle l'a donc vu me briser le cœur à de multiples reprises et, par conséquent, elle le déteste. Depuis le jour J, elle n'a de cesse de me répéter que rien de bon ne sortira de cette cohabitation.

Et pourtant, Dieu que c'était bon !

- Ça s'est bien passé d'ailleurs ? Haru m'a dit que c'était toujours la guerre froide chez vous, explique Liv.

Je tente de me défaire de toutes ces pensées et prie pour que les lumières tamisées cachent mes joues rougissantes, mais le regard suspicieux que me lance Brooke m'en fait douter. Pour détourner l'attention, j'interpelle un serveur qui passe par là et commande une bière à la pêche. À l'appartement, les choses sont bien loin d'être froide, au contraire. Mais je ne peux tout de même pas leur dire ça.

- Oh, ça a été. Tu avais raison au final, Sun et moi on a fini par s'habituer à notre colocation.

J'essaie de jouer la nonchalance et Liv a l'air d'y croire. Pourquoi je ne leur raconte pas simplement la vérité ? Je me pose moi-même la question. Peut-être parce que je refuse d'entendre la morale que Brooke me ferait à coup sûr. Peut-être parce qu'au fond je crains autant que Sun ce que Haru pourrait en penser s'il l'apprenait. Peut-être est-ce parce que je suis totalement perdue face à cette situation et que j'ai moi-même peur de devoir y réfléchir. Mais Brooke me connaît par cœur et je sais que je ne pourrais pas continuer à mentir longtemps si l'on continue à parler de Sun.

- Et vous, alors ? C'était comment Bali ? demandé-je innocemment pour changer de sujet.

Les deux jeunes femmes s'adressent un regard perplexe et gêné. Je comprends rapidement ce qui les met mal à l'aise. À vrai dire, je m'y attendais et je suis plutôt satisfaite d'avoir réussi à esquiver le sujet Sun.