Chapitre 6 - Teno Anma (2)

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- Mes concurrents en ont sans doute beaucoup aussi. Ce qu'il me faut c'est un travail qui se démarque... et un peu de chance aussi.

- Un peu de chance ? répète-t-elle plus pour elle que pour moi.

Je l'interroge du regard pour essayer de savoir ce qu'elle n'a pas compris dans cette simple phrase, mais elle n'ajoute rien de plus. Elle se contente de remettre les photos en place avant de passer ses deux mains dans son cou pour détacher la petite chaîne dorée qui s'y trouve.

- Je n'y connais pas grand-chose en art, mais pour ce qui est de la chance... Tiens, souffle-t-elle en me tendant le bijou.

- Qu'est-ce que... ?

- C'est un porte-bonheur. Il contient de l'eau du Gange qui est connu pour apporter la protection de la déesse Shiva.

Par réflexe, je m'empare du pendentif qu'elle me tend et l'examine avec attention. J'utilisais le mot chance par simple façon de parler et je ne crois pas vraiment à ce type de porte-bonheur. Mais le bijou est très joli. Attaché à une chaîne en or, il s'agit d'un cercle en verre d'une épaisseur de quelques millimètres, entouré d'un anneau doré également. À l'intérieur, on peut voir le liquide transparent qui bouge à chaque secousse.

- De l'eau du Gange ? Comment tu as mis la main là-dessus ?

- Mes parents vivaient en Inde avant ma naissance. Ma mère a annoncé sa grossesse à mon père au clair de lune, au bord de ce fleuve. Ils en ont récolté quelques gouttes comme une façon de garder cet instant de bonheur pour toujours.

Je suis surpris par toute l'histoire qui va avec ce collier. En plus d'avoir une certaine valeur financière, l'objet a surtout une immense valeur sentimentale. C'est bien plus qu'un simple porte-bonheur.

- Je ne peux pas accepter. Tes parents te l'ont offert, c'est bien trop précieux.

Je tente de rendre la chaîne à la jeune femme, mais elle repousse mes mains dans un sourire plein d'assurance.

- C'est simplement un prêt. Garde-le jusqu'au concours, tu me le rendras quand tu auras gagné. Ce n'est pas comme si on allait plus se recroiser.

J'hésite encore à accepter un tel cadeau, même si ce n'est qu'un prêt. Mais devant la moue insistante de Neela, je suis impuissant. Le type qui pourra un jour s'attirer ses faveurs sera l'homme le plus chanceux de la terre. Et je le déteste déjà du plus profond de mon être.

Ma nymphe ne cache pas son enthousiasme lorsqu'elle me regarde attacher son collier autour de mon cou. Et je ne la trouve qu'un peu plus charmante lorsque ses joues rosissent légèrement. J'ai alors une idée qui me permet d'accepter son prêt un peu plus facilement. Je ne pose qu'une seconde mon regard sur ma main encore vierge de tout tatouage à cette époque. Et c'est sans hésitation que je me défais de la bague sertie de diamant qui trône sur mon petit doigt. Quand je la tends à Neela, elle a un mouvement de recul, surprise.

- Tu n'es pas obligé de m'offrir quoi que ce soit. Je n'attends rien en retour, affirme-t-elle.

- Ce n'est pas mon genre de porter beaucoup de bijoux. Le collier et la bague, ça fait trop. Tu peux me la garder en attendant ?

Je ne suis pas sûr que mon excuse qui se veut nonchalante soit en réalité très crédible. Neela semble hésiter, mais je dépose la bague au creux de sa paume.

- À vrai dire, ce n'est pas ton style du tout cet anneau, constate-t-elle en regardant le bijou de plus prêt.

- C'est l'alliance de ma grand-mère, un héritage.

Les yeux de mon interlocutrice s'ouvrent grand et son étonnement est digne d'un dessin animé. Elle a soudainement l'air de tenir dans sa main une pierre ardente dont elle doit à la fois se débarrasser immédiatement et prendre très soin. Je ne peux retenir un rire franc devant sa mine confuse.

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