Chapitre 28 - Tu iras loin (2)

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Ce type a disparu de la vie de Sun depuis presque 20 ans et le voilà qui débarque sans prévenir en s'accaparant tout le mérite du succès de son fils. Immédiatement, je cherche Sun des yeux.

Sans grande surprise, ce dernier a lui aussi posé le regard sur le petit manège de l'homme et au vu de la pâleur de son visage, je comprends qu'il s'agit bel et bien de son père. Une multitude d'expressions se dessine sur ses traits et j'ai du mal à imaginer ce qu'il se passe dans sa tête. Cependant, je comprends l'urgence de la situation lorsque Sun fonce droit vers l'homme et la journaliste.

Tout se passe en à peine quelques secondes et sans réfléchir plus que ça, je m'avance à toute vitesse vers l'épicentre du conflit moi aussi. J'arrive à la hauteur de la journaliste avant Sun et je passe mon bras sous celui de son géniteur. Il est en train de déblatérer sur un livre de recherche qu'il a soi-disant écrit. En sommes, il profite du moment pour se faire de la pub.

— Excusez-nous une seconde, glissé-je poliment.

Dans sa main, elle tient un enregistreur et je n'ai clairement pas envie que cette réunion de famille ait lieu devant elle. Ni même que ce pauvre type continue à lui raconter n'importe quoi.

— Monsieur Serrano, lancé-je faussement enjouée. Quelle surprise ! Veuillez me suivre, s'il vous plaît. J'ai besoin de vous un instant.

L'homme tente de protester. Il ne sait même pas qui je suis et mon intervention semble lui déplaire. Il veut visiblement rester sous le feu des projecteurs. Mais je suis bien décidé à l'en sortir et je ne lui laisse pas le temps de protester avant de le tirer avec moi vers une sortie de secours.

— Neela ! gronde Sun qui nous suit rageusement.

Pressant le pas, je pousse discrètement l'homme que je tiens toujours par le bras pour le faire sortir. On se retrouve tous les deux dans l'allée derrière la galerie. La petite rue est étroite, mal éclairée et le contraste avec le brouhaha intérieur est indéniable. Pourtant, j'ai l'impression que mon cœur qui frappe contre ma poitrine est plus bruyant que n'importe quelle foule. L'arrivée du père de Sun est sans doute la pire chose qui aurait pu arriver ce soir. Heureusement, sa mère et son frère ont déjà quitté les lieux. J'aurais regretté de voir la douleur sur leur visage à eux aussi.

Sun nous rejoint presque immédiatement et sa fureur semble s'échapper par chacun des pores de sa peau.

— Ah ! Mon fils ! Comme ça fait plaisir de te revoir ! Tu as tant grandi, s'exclame monsieur Serrano.

Il ouvre théâtralement les bras, comme si Sun allait y sauter avec joie. Au contraire, le roi de la soirée serre les poings, chacun de ses membres tremblant presque imperceptiblement.

— Qu'est-ce que tu fous là ? siffle-t-il les dents serrées.

Il se retourne ensuite vers moi, me foudroyant du regard.

— C'est toi qui l'as invité ? crache-t-il à mon adresse.

— Non, bien sûr que non ! assuré-je précipitamment.

— C'est une exposition ouverte au public, non ? Je n'avais pas besoin d'invitation, nous interrompt son père. J'ai vu tes exploits sur les réseaux sociaux et dans les journaux, je voulais y assister de mes propres yeux.

— Tu n'as rien à faire là, rage Sun.

— Bien sûr que si. Tu es mon fils et je tiens à te soutenir.

— Me soutenir ?

Sun lâche un rire empli d'amertume.

— Tu as disparu depuis dix-huit ans et ce soir, tu n'as même pas cherché à me voir avant de filer droit vers les journalistes. Ta recherche de gloire est pathétique. Je n'en reviens pas que tu sois toujours aussi puérile.

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