— Haru, qu'est-ce que tu fais ici ? lancé-je sur un ton jovial comme si de rien n'était.
Cette accolade avec Neela n'était pas révélatrice de grand-chose après tout. Pourtant, le regard furibond de mon meilleur ami semble dire le contraire.
— Ne fais pas l'innocent ! Depuis quand ça dure tout ça ? crache-t-il avec un dégoût non dissimulé.
À grandes enjambées Haru nous rejoint pour se poster à ma hauteur. Il est si près que je peux presque sentir les vagues de colère qui émanent de lui. Je suis pris de court et j'ai du mal à trouver une parade devant tant de fureur.
— Arrête Haru, tu te fais des films, comme toujours, proteste Neela en se plaçant entre nous.
Si elle choisit de faire littéralement barrage de son corps, c'est qu'elle a sûrement senti que j'allais m'en prendre une. Je suis abasourdie par la situation. Qui aurait cru qu'une simple étreinte pourrait mettre Haru dans cet état ?
— Et ça ! Je l'ai imaginé aussi peut-être ! s'écrie-t-il.
Il dégaine son téléphone pour le coller sous le nez de Neela. Un hoquet de surprise la secoue et je regarde l'écran par-dessus son épaule à mon tour. Je ne comprends pas immédiatement de quoi il s'agit. À première vue, c'est simplement une photo du mariage de Mélissa où quelques invités font la fête sur la piste de danse. Nous ne sommes même pas dessus. Sauf que... rapidement, je comprends mon erreur. Finalement, nous sommes bel et bien sur cette photo. Pas au premier plan, certes. Mais derrière l'une des fenêtres, sur la terrasse que je pensais moins bien éclairée que ça, on nous voit tous les deux nous embrassant passionnément.
Neela et moi saisissons enfin la raison de la présence de Haru ici, ce soir. Et ni elle, ni moi, n'avons d'argument pour lui répondre. Elle est livide et je dois l'être tout autant. Mon meilleur ami me dévisage avec rage et je ne peux lui en vouloir. Il s'est souvent confié à moi sur ses inquiétudes pour sa petite sœur. Et moi, j'ai profité qu'il ait le dos tourné pour lui proposer une relation frivole et vide de sens. Je suis le pire ami du monde. Et dans le regard de Haru, c'est exactement ce que je lis.
— Haru, je... tente de reprendre Neela.
— Tu quoi ? la coupe son frère. Tu t'excuses de me mentir depuis des années ? De te taper mon meilleur ami dans mon dos ? De me prendre pour le dernier des débiles, en somme ?
Neela baisse le regard, visiblement mal à l'aise. J'ai envie de nous défendre en expliquant à Haru que cette histoire est plus récente qu'il ne le pense, qu'il n'y a pas lieu de s'énerver de la sorte. Mais avec du recul je dois admettre que je lui mens depuis la première seconde où j'ai posé mon regard sur Neela. Elle a mon cœur depuis des années déjà.
— Ne lui en veux pas, tenté-je de le raisonner. C'est moi qui lui ai demandé de garder le secret. Je ne voulais pas que ça change quelque chose entre nous.
— Oh, ne commence pas à jouer le héros, toi, crache Haru.
J'ai déjà vu cette fureur dans le regard de mon meilleur ami. Quand il s'agit de protéger sa sœur, rien ne l'arrête. Mais cette rage n'a jamais été dirigée vers moi auparavant. C'est sans doute ce que je craignais le plus, qu'il me regarde comme tous ces types qui lui font horreur.
— Je n'en ai rien à foutre de savoir qui a été le premier à décider de me mentir, vous l'avez tous les deux fait. Essayer de la défendre ne soulagera pas ta pathétique culpabilité.
Les poings d'Haru se serrent avec férocité. Si je dois me prendre un coup, je l'aurais bien mérité.
— Moi qui te considérais comme un frère ! Comment as-tu osé faire ça dans mon dos ? C'est ma petite sœur, bordel ! N'y a-t-il rien de sacré pour toi ?
— C'est plus compliqué que ça, Haru, soupiré-je en tentant de le calmer.
— Quoi ? Tu vas me dire que tu ne te fous pas de sa gueule peut-être ? Que tu l'aimes ?
Sa hargne m'arrive en plein visage, mais c'est surtout sa dernière question qui me frappe de plein fouet. Neela tourne le regard vers moi et je sais qu'elle aussi attend une réponse à cette question. Je suis au pied du mur et je me sens parfaitement pathétique alors qu'aucun mot n'arrive à sortir de ma bouche. Finalement, c'est la jeune femme qui me sort de cette position délicate.
— Personne ne se fout de moi. Je suis assez grande pour prendre mes décisions en toute connaissance de cause ! lance-t-elle.
Haru lève les yeux au ciel, visiblement peu convaincue.
— Et si on ne t'a pas parlé de cette histoire, continue-t-elle, c'est parce qu'elle ne te regarde absolument pas ! J'ai le droit à ma vie privée, peu importe avec qui ou comment je la vis. Il va falloir te faire une raison, tu n'as pas ton mot à dire.
— Alors, je n'ai pas le droit d'être contrarié que ma sœur et mon plus proche ami agissent dans mon dos ?
— Tu te sers de Sun comme une excuse pour te mettre en colère, mais tu aurais réagi de la même façon avec n'importe qui. C'est ce que tu fais toujours. Je n'en peux plus et c'est pour ça que je ne peux plus te parler de rien !
Le visage d'Haru laisse transparaître une vague de douleur, comme si Neela venait de lui planter un couteau en plein cœur. Et moi, je reste bêtement planté là, impuissant face à ce chaos. Rien de ce que je pourrais dire ne pourrait calmer Haru, ou même Neela. Tout ce que je craignais est en train d'arriver. Une dernière fois, mon meilleur ami jette un regard empli de dédain vers moi.
— Vous me dégoûtez, tous les deux.
Et sur ces mots glaçants, il tourne les talons pour quitter la galerie furieux. Neela n'essaie pas de le rattraper. Elle reste figée sur place. Pendant une seconde, j'hésite à aller vers elle. Je ne sais pas si elle a besoin de moi ou d'espace. Mais elle ne me laisse pas le temps de réfléchir. Une fois Haru parti, elle se retourne vers moi pour se jeter dans mes bras avec force. J'ai à peine le temps de l'étreindre en retour qu'elle s'effondre en sanglots.
🌙🌙
À bientôt pour la suite !
VOUS LISEZ
SUNSET
RomanceUne coloc' forcée entre deux âmes qui se repoussent autant qu'elles s'attirent ? Cela présage un chaos sans nom. C'est pourtant la situation dans laquelle se retrouve Neela, jeune autoentrepreneuse à la détermination sans faille. Elle a rencontré...