Une certaine frustration m'envahit doucement, mais je n'ai pas le temps de m'y noyer puisque j'aperçois Mélissa qui me fait signe au loin. J'indique à Sun de me suivre et on se faufile à travers les invités pour rejoindre mon amie.
Dans sa magnifique robe blanche, elle est resplendissante et je suis soudainement émue de la voir si heureuse.
— Félicitation, ma belle, soufflé-je à son oreille en l'étreignant brièvement.
— Merci d'être venue, ça me fait trop plaisir de te voir !
— Merci à toi de nous avoir invités.
— C'est normal. Je vois d'ailleurs que tu es venue accompagnée. Qui est l'heureux élu ? demande-t-elle sur un ton empli de sous-entendus.
— Oula, ne t'emballe pas. Sun est juste mon coloc ». Tu te rappelles de mon grand frère, Haru ? Ils sont amis tous les deux.
— Oh, je vois. Ton frère ne peut plus te surveiller partout, comme il le faisait à la fac, donc il t'a trouvé un garde du corps, se moque Mélissa.
Sun ne semble pas très à l'aise, mais il n'ajoute rien pour sa défense. Il aurait de toute façon eu du mal à contredire Mélissa. Haru a de nombreuses fois demandé à Sun de me fliquer en son absence. Mais les choses sont très différentes aujourd'hui.
— Tu exagères. Haru s'est calmé depuis. Et Sun n'est là que pour le champagne et les petits-fours, plaisanté-je.
— Et le gâteau, ajoute-t-il sur le même ton.
Mélissa laisse échapper un rire cristallin, mais notre conversation est coupée par un autre invité qui l'interpelle. Elle s'excuse brièvement et clôture la discussion en s'éloignant.
— Tant mieux. Amusez-vous bien tous les deux. On se voit plus tard, OK ? lance-t-elle en m'adressant un clin d'œil malicieux.
Je lui souris en la regardant partir et reporte ensuite mon attention sur Sun. Il arbore son habituel air blasé, mais ne semble pas aussi ronchon qu'à notre arrivée. Il faut croire que le champagne l'a un peu décoincé.
— Je vois que la réputation d'Haru a marqué les esprits, fait-il remarquer.
— En même temps, qui ne se souviendrait pas du grand frère qui se donnait des airs de yakuza pour faire fuir tous mes petits copains.
— Tu es dur avec lui, le défend-il.
Je soupire profondément et fais quelques pas dans le jardin. Inconsciemment, je m'éloigne un peu de la foule et Sun m'accompagne en silence. Au bout du terrain, une balustrade donne vue sur une multitude de collines au pied du domaine. L'après-midi ensoleillé laisse apercevoir l'ombre de quelques nuages sur les grandes étendues de verdure. Je me perds dans mes pensées.
Souvent, je reproche à Haru son attitude en espérant qu'il change. Mais au fond, c'est surtout pour lui que j'espère. Son obsession pour ma sécurité n'est pas saine. Sun et Olivia font partie de ces personnes qui l'aident à s'en détacher et même s'il a beaucoup avancé en vieillissant, il se débat encore contre ses mauvaises habitudes.
— Si Haru continue d'être si protecteur, c'est qu'il souffre encore de ce qu'il s'est passé quand on était enfant. Moi, je m'en souviens à peine. Ce n'est pas juste qu'il ait à porter ce fardeau tout seul, murmuré-je.
— Arrête, ne tombe pas dans la culpabilité. C'est ton grand frère et il s'inquiète pour toi. Ça n'a rien d'anormal.
— Tu sais que c'est faux. Il pourrait tuer pour éviter que l'on me fasse du mal.
— Je le comprends.
Et lorsqu'il prononce ces mots, je retourne un regard interrogateur vers Sun. Il le comprend ? Veut-il dire qu'il comprend globalement ce sentiment ou... qu'il ressent la même chose pour moi ? Mon cœur s'emballe, mais le regard de Sun reste inlassablement fixé sur l'horizon. Peut-être est-ce mieux comme ça. Au moins, il ne voit pas mes joues qui rougissent et mon regard troublé. C'est pathétique, je bois la moindre de ses phrases comme une assoiffée alors qu'il ne réfléchit sans doute même pas à ce qu'il vient de dire. Réalisant l'absurdité de mon comportement, je détourne les yeux et tente de me concentrer sur la conversation.
— Tu penses qu'il passera au-dessus de tout ça, un jour ?
— Sans doute. Le jour où tu seras avec un type qui ne lui donne pas l'impression qu'il va te prendre par le bras pour te jeter dans un van, se moque-t-il.
— Hey, protesté-je en lui flanquant un coup de coude. Les hommes que j'ai fréquentés étaient très bien.
— Arrête, corazon. Tu ne peux pas me la faire à moi. Certes, Haru a ses soucis, mais il faut admettre que tes goûts douteux en matière d'homme n'aident pas.
J'affiche une mine outrée, mais trouve difficilement une riposte. Avec le recul, il m'est difficile d'assurer avoir toujours misé sur les partenaires les plus fiables. Peut-être ai-je tendance à m'autosaboter. Selon Brooke, c'est parce que j'ai toujours eu une certaine personne dans la tête. Mais j'ai trop de fierté pour admettre qu'elle puisse avoir raison.
— Pourtant, je t'aime bien, toi. Qu'est-ce que ça veut dire sur mes goûts ?
— Ça prouve parfaitement mon argument, rétorque-t-il du tac-o-tac.
— Peut-être que tu n'as pas tort, me moqué-je à mon tour.
La différence est qu'avec lui, j'ai parfaitement conscience que je fonce droit dans le mur et que j'en ressortirais brisée en mille morceaux. Mais en attendant le crash imminent, l'adrénaline, la vitesse et la puissance de la route sont divinement bonnes.
VOUS LISEZ
SUNSET
RomanceUne coloc' forcée entre deux âmes qui se repoussent autant qu'elles s'attirent ? Cela présage un chaos sans nom. C'est pourtant la situation dans laquelle se retrouve Neela, jeune autoentrepreneuse à la détermination sans faille. Elle a rencontré...