Chapitre 3 - Tous nos petits secrets (1)

447 33 18
                                    

On est déjà en début de soirée lorsque je rentre finalement à l'appartement ce jour-là. J'ai retardé le plus possible l'inévitable, mais je ne peux me contenter d'errer dans la rue pour éviter la colocation de l'enfer. Alors, c'est en traînant les pieds que j'ai rejoint ce nouveau « chez moi » qui n'a rien d'un accueillant foyer. Arrivée au duplex, je sonde le lieu d'une oreille attentive, mais n'entends pas le moindre signe de vie. Finalement, c'est une lueur dans le jardin qui attire mon attention pour me révéler où se trouve mon colocataire.

En effet, la grande baie vitrée du salon donne directement sur l'arrière-cour où se trouve une jolie serre en verre. Je ne sais pas si c'est par souci d'intimité, de chaleur ou de pure envie décorative, mais le toit est recouvert d'une mousse d'un vert tendre et chaque pan de mur vitré est également habillé de lianes qui pendent pour ne laisser qu'entrapercevoir ce qu'il se passe à l'intérieur. Cela donne un visuel sauvage très charmant. C'est apparemment dans cette serre que Sun a décidé d'installer son atelier. Il a toujours aimé détourner les choses de leur utilité de base.

Entre les lianes, je ne le vois que partiellement. Il évolue dans la serre et n'a pas l'air d'avoir remarqué mon arrivée dans l'appartement. Il n'en a sans doute rien à faire. L'encre de ses tatouages perce parfois entre les branches et j'étudie ses grandes mains qui s'agitent pour travailler le métal. Son air concentré m'apparaît quelques fois et je me perds dans la contemplation de sa moue sérieuse. Les muscles de ses bras se bandent alors qu'il tord et plie ses matériaux et je suis intriguée par ce qu'il fabrique. Les sculptures de Sun m'ont toujours plu.

Je reste un instant à observer l'atelier, frustrée par ces obstacles végétaux qui me bloquent la vue et m'empêchent d'assouvir ma curiosité. Puis, je réalise que si je le vois de là où je suis, il peut sans doute en faire de même. Et soudainement, mon voyeurisme me fait honte. Mal à l'aise, je me détourne aussitôt pour rejoindre la cuisine.

Dans la cafetière, il reste un peu de café froid et je décide de m'en servir une tasse avant de la faire réchauffer. Malheureusement, je ne maitrise pas encore les ustensiles de cette cuisine et la tasse de café bien trop bouillante me brûle les doigts. Surprise, je manque de faire tomber l'objet et je me renverse la moitié de la tasse dessus. Un gémissement d'étonnement et d'agacement m'échappe et je dépose immédiatement le café dans l'évier tout en agrippant mon t-shirt pour éviter que le liquide chaud n'atteigne ma peau. Mon haut est ruiné.

Décidément, cette journée est un enchaînement de catastrophes sur catastrophe. Par réflexe, je m'apprête à me déshabiller au beau milieu de la cuisine, un peu trop habituée à vivre seule. Mais rapidement, je me rappelle où je suis. Si Sun me tombe encore dessus à moitié nue, il va finir par croire que je le fais exprès.

Je regagne alors ma chambre pour changer mes vêtements. Le seul haut propre qu'il me reste est un débardeur blanc, plutôt moulant et coupé dans un décolleté en V mettant mes courbes en valeur et sublimant ma peau métissée à la perfection. Lorsque je me regarde dans le miroir, je grimace légèrement. Il est très joli, mais peut-être un peu trop suggestif pour la soirée que j'ai prévue dans le canapé à regarder la dernière saison de Stranger things. J'ouvre donc la penderie de Haru pour farfouiller dans les quelques affaires qu'il a laissées. J'y trouve un chemisier noir, manches courtes, agrémenté de quelques grosses fleurs blanches dans un style moderne et estival. Satisfaite, je l'enfile et le porte ouvert sur mon débardeur blanc. Il me va sans doute mieux qu'à Haru, pensé-je amusé en me regardant à nouveau dans le miroir.

Mais mes réflexions légèrement narcissiques sont interrompues par la sonnerie de l'appartement. Je sursaute, n'attendant aucune visite, mais je n'ai même pas le temps d'arriver jusqu'à la porte d'entrée que celle-ci s'ouvre en grand.

SUNSETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant