SUNSET

Chapitre 4 - Corazón (2)

Haru lui aurait-il vanté mes mérites ? Pas cool, mec. Mais elle n'a pas tout à fait tort alors, je n'essaie même pas de la contredire.

- Tout le monde devrait apprécier sa propre compagnie, non ?

- Ce n'est pas faux, concède-t-elle en acquiesçant. Mais il y a tant à apprendre des autres, à observer, à comprendre, à découvrir. Le vrai intérêt de passer du temps avec quelqu'un c'est de se mettre à nus petit à petit.

C'est toi que je vais mettre toute nue si tu continues à me regarder avec ce petit air mutin.

- Contentons-nous de discuter un peu avant de retirer nos vêtements, tu veux bien ? rétorqué-je dans un sourire narquois.

Mais alors que j'espérais la déstabiliser, elle soutient mon regard et dans ses yeux je lis une connexion si profonde entre nous que j'enverrais bien valser ce joli bouquet de fleurs pour la prendre là, tout de suite, sur le grand plan de travail de la famille Gray.

Et alors que j'envisage de contourner l'îlot central pour rejoindre la jeune femme, je suis coupée dans mon élan par le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvre. Peu de temps après, c'est Haru qui fait son apparition. Il pose un regard étonné, mais ravi sur la brune et s'avance pour la prendre dans ses bras. Ils sont peut-être un peu plus proches que prévu.

- Neela ! Qu'est-ce que tu fais là ? T'es pas chez tante Adèle avec papa et maman ?

- J'avais quelques courses de Noël à faire finalement, je n'y suis pas allée.

Neela ? Ce prénom original m'est bien trop familier. Je suis livide en réalisant petit à petit ma méprise. Je ne suis pas croyant, mais je me surprends à prier pour que cette déesse ne soit pas...

- Ah, Sun, je vois que tu as déjà rencontré ma petite sœur. J'espère qu'elle t'a bien accueilli.

Elle m'a un peu trop bien accueilli.

Sa petite sœur ! Je n'en reviens pas. De la façon dont il parlait de Neela, j'ai cru qu'il s'agissait d'une enfant de 12 ans, maximum. En fait, la jeune femme semble avoir un ou deux ans de moins que nous à tout casser. Certes, je n'ai jamais pensé à demander son âge, mais Haru m'a toujours parlé d'elle comme de son plus précieux trésor qu'il voulait protéger à tout prix - surtout des mecs. J'ai toujours imaginé une fillette au sourire malicieux et aux caprices impétueux. Mais la Neela qui se tient devant moi n'a rien d'une enfant. Et pour couronner le tout, cette sublime tentatrice devient également le fruit défendu. La pire hantise de Haru est qu'elle soit blessée ou qu'un homme se serve d'elle à des fins peu recommandables. À vrai dire, si elle décidait de rejoindre les ordres et de s'enfermer dans un couvent, il serait sans doute très satisfait.

Pourtant, le regard taquin de la belle croise le mien et je me sens aussi charmé que coupable de toutes ces pensées qui me traversent l'esprit. Il me faut d'ailleurs quelques secondes pour comprendre qu'Haru s'adresse de nouveau à moi et me propose de le suivre dans sa chambre pour poser mes affaires. J'agonise intérieurement face à ce dilemme qui me conduit tout droit vers l'immoralité.

Quand je la quitte du regard, j'ai l'impression que le soleil vient de se coucher et j'ai soudainement froid.

Le soir même, j'essaie encore d'oublier ce sentiment alors qu'Haru et moi nous installons devant un film. Il s'agit d'un obscur film à suspens sur lequel je tente tant bien que mal de me concentrer pour suivre l'intrigue. Malheureusement pour moi, mon attention est vite détournée par l'objet de tous mes tourments qui entre dans la pièce.