Chapitre 18-1

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Une odeur forte le réveilla. De la sueur coulait le long de son nez et gouttait lentement, s'écrasant sur le fin tissu de son pantalon taché de sang et de sueur. Adriel plia ses doigts, rendus froids et rigides par le manque de circulation. Ses poignets étaient liés par une corde rugueuse qui semblait vouloir découper sa chaire un peu plus chaque seconde. 

Il jura, puis cracha du sang à ses pieds, la bouche aussi pâteuse que s'il n'avait pas bu depuis trois jours. Il était assis sur une chaise en fer, dans une pièce faiblement éclairée par une ampoule qui se balançait au grès des courants d'air. Un couteau traînait à ses pieds, éclaboussé de sang. C'était le sien, se souvint-il avec un rictus. Cet enfoiré de Nikola s'était amusé à le taillader jusqu'à ce qu'il crie de rage et de douleur. 

Il n'était pas là ; seules ses pensées noires l'accompagnaient. Un rais de lumière vint illuminer brièvement la pièce, passant à travers les barreaux de la cellule. Il se contorsionna pour espérer apercevoir la lune, mais ce mouvement lui arracha un râle de douleur. Tous ses muscles étaient complètement endoloris et son cou le faisait particulièrement souffrir ; il pouvait sentir une balafre tirer sur sa peau à la naissance de la mâchoire. Si le garde avait voulu le saigner à blanc, il n'aurait pas pu mieux faire. Il avait d'ailleurs bien rigolé après lui avoir arraché son tee-shirt ; son regard s'était posé avec avidité sur sa blessure encore rouge, tout juste refermée. 

— On s'est fait un bobo sur le chemin ? lui avait-il demandé avec un sourire des plus pervers. 

Et sans crier gare, il lui avait balancé un uppercut dans le ventre. Adriel n'avait pas crié, mais sa bouche s'était remplie de sang après qu'il se soit violemment mordu la langue. 

Sa blessure lui faisait atrocement mal, il avait l'impression qu'elle s'était déchirée de l'intérieur et qu'à tout moment elle se rouvrirait pour ne jamais s'arrêter de saigner. Torse nu, il frissonnait dans ce souterrain. Les murs étaient couverts de moisissure et son souffle formait de petites volutes de fumées dès qu'il expirait douloureusement. 

Rien ne s'était passé comme prévu. Il fallait dire qu'il l'avait un peu cherché. Le garde avait d'abord conservé son calme et était resté professionnel, lui posant des questions basiques. Et puis, n'obtenant rien de concluant, il avait commencé à lui demander qui était la fille brune qui l'accompagnait, et quel âge elle avait. Il avait ensuite parlé de son corps, qu'il aurait bien aimé voir de plus près, et Adriel avait perdu la tête. Dans un cri de rage, il avait balancé à l'autre bout de la pièce la chaise sur laquelle il était assis et avait frappé si fort le garde au visage que ce dernier avait roulé des yeux avant de toucher le sol. Écumant de rage, il avait fixé sa poitrine se soulever difficilement et c'est là qu'un autre garde était apparu en le frappant avec un objet métallique qui lui avait envoyé une décharge dans les côtes. 

La seconde d'après, il était par terre et son corps convulsait brutalement. 

Il secoua la tête pour chasser ce souvenir de son esprit. Aurore n'était pas en sécurité, ici, il fallait qu'il la retrouve au plus vite et qu'ils foutent le camp de cet asile de fous. Ce qui l'inquiétait, c'était ces armes qu'il ne connaissait pas. D'abord, ces choses métalliques qui, selon Samuel, pouvaient tirer à bout portant des petites boules qui transperçaient la chaire. Et maintenant, cet engin qui produisait de l'électricité ? C'était bien pire que ce qu'il avait imaginé.

Adriel pouvait utiliser ses pouvoirs, mais si jamais quelqu'un découvrait de quoi il était capable, il signait son arrêt de mort. Et Aurore aussi. 

Il grogna, les dents serrées, et tenta de défaire ses liens. Son sang avait séché autour de ses plaies, la corde accrochait à sa peau. Ses cheveux, poissés de sang, vinrent lui chatouiller les pommettes. Il souffla dessus, excédé. Dans ce geste, ses yeux se posèrent brièvement sur Nikola qui l'observait derrière les barreaux de la cellule, un sourire satisfait sur le visage. 

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