Aurore courait comme si sa vie en dépendait. Elle n'osait pas se retourner, mais pouvait sentir le sol vibrer sous ses pieds. L'ours l'avait probablement prise en chasse, pensant qu'il s'agissait d'une proie. Ou bien peut-être n'aimait-il pas sa tête, tout simplement. Elle se baissa pour éviter une branche et accéléra. Ses pieds la faisaient souffrir et son sac la ralentissait. La respiration haletante, elle se faufila entre les arbres. Des branches lui fouettaient les bras et ses pieds se tordaient sous les pierres. La douleur était plus forte à chaque pas, mais elle ne pouvait se permettre de ralentir ne serait-ce qu'une seconde. En prenant un virage serré sur sa droite, elle tourna la tête et constata avec affolement que l'ours gagnait du terrain. Il s'élançait à toute vitesse, balançant alternativement ses pattes d'avant en arrière en soulevant des mottes de terre sur son passage. Aurore ouvrit la bouche comme pour crier, mais aucun son n'en sortit. Elle se contentait de courir, poussant désespérément ses jambes à aller plus vite. Elle pouvait presque sentir le souffle de l'ours sur sa nuque et s'imagina avec horreur ses pattes lui agripper les jambes et ses crocs la déchiqueter. S'élançant dans un dernier effort vers une bifurcation qu'elle avait repérée, elle baissa la tête pour éviter une énième branche basse.
Une énorme pierre lui offrit une cachette sommaire et c'est accroupie, la main plaquée sur la bouche pour tenter de calmer sa respiration bruyante, qu'elle attendit, angoissée. Les minutes passèrent et elle n'osait pas bouger d'un centimètre. Elle pouvait entendre l'animal progresser en cercle, non loin d'elle. Il prenait son temps, reniflant bruyamment les environs. Son coeur était au supplice : Combien de temps encore avant qu'il ne la repère ? Fallait-il qu'elle bouge, qu'elle fasse quelque chose ? Vu comme sa précédente idée avait été un véritable fiasco, elle préféra rester immobile. S'il le fallait, elle resterait ici toute la journée. Il était hors de question qu'elle finisse dans le ventre d'un ours dès le premier jour, ç'aurait été complètement pitoyable.
Un grognement particulièrement sonore la fit sursauter, puis se fut à nouveau le silence. Osant un regard discret, elle soupira de soulagement en voyant son arrière-train se dandiner paresseusement vers la direction opposée. Il fallait croire qu'il était loin d'être aussi patient qu'elle. Son front reposant contre la pierre froide, elle souffla longuement pout tenter de calmer sa respiration erratique. Ses mains tremblaient et ses pieds la faisaient souffrir au-delà de l'imaginable, mais au moins était-elle toujours en vie.
Elle attendit encore une bonne dizaine de minutes avant de sortir de sa cachette, au cas-où. Pour rien au monde elle n'aurait voulu retomber sur lui, surtout que la chance ne lui sourirait pas une seconde fois. Sa deuxième bouteille vidée de moitié, elle ne souhaitait plus qu'une chose : se reposer. Mais où ? Il lui fallait trouver un endroit où dormir avant la tombée de la nuit, mais rien que l'idée de s'enfoncer à nouveau dans la forêt déclenchait en elle des tremblements incontrôlables.
Elle se trouvait en hauteur, à quelques pas d'une crevasse. Et le reste n'était qu'arbres et rochers. Un long soupir la gagna.
— Je suppose que je n'ai pas le choix, grommela-t-elle, résignée.
Faisant un pas de côté pour contourner le rocher, elle cria soudainement. Le sol s'était dérobé sous ses pieds, et seule une racine dépassant de la crevasse l'empêchait de tomber dans le vide. Elle s'y raccrocha avec toute la force qu'il lui restait, ses pieds se balançant doucement au-dessus du vide. Les dents serrées par l'effort, elle se contorsionnait pour tâcher de trouver une meilleure prise, mais ses doigts s'enfonçaient dans la terre sèche et friable. Ses muscles, fatigués, ne lui étaient d'aucune aide : elle était incapable de se hisser. Ses mains, rendues moites par la peur, glissaient désespérément et sa respiration, chaotique, brouillait sa vision.
Ses forces la quittaient à une vitesse vertigineuse.
La colère bouillonnait en elle. Elle avait passé les pires minutes de sa vie à tenter de fuir un ours en furie, pour finalement se retrouver suspendue au-dessus du vide. Elle allait certainement en mourir et elle ne pouvait rien faire contre cela.
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La Terre des oubliés
Fiksi IlmiahQue feriez-vous si vous vous réveilliez sans aucuns souvenirs, ni repères ? Aurore s'est posé la même question à son réveil quand son corps ne lui offrait que confusion et souffrance. Et quelles sont ces marques étranges et ce tatouage intrigant qu...