Chapitre 32-2

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— Vous ne sortirez jamais d'ici vivants, croyez-moi, cracha Émeric, le visage écrasé contre le sol.

Aurore ne le lâchait pas, ses cheveux cachant presque entièrement son visage. Ses mains coinçaient ses bras dans son dos, tremblant autour de sa peau violacée. Adriel s'accroupit à ses côtés et écarta les cheveux de son visage d'une main douce. Elle lui lança un regard empreint de rage, ses yeux menaçant de déborder de larmes qu'elle chassa d'une vive secousse de la tête. Le visage d'Émeric tournait au rouge, sa joue plaquée contre le sol de dalles blanches.

— Si tu veux lui parler, il va falloir le lâcher. Tu vas finir par l'étouffer, glissa-t-il avec douceur.

Son genou, qu'elle appuya fortement contre les muscles tendus de son dos, lui arracha une plainte. Une teinte bleuâtre colora bientôt ses lèvres alors que sa bouche se tordait au sol, tentant de faire entrer un peu d'air. Son regard paniqué l'aurait presque réjoui s'il n'était pas concentré sur Aurore qu'il sentait sur le point de glisser vers la folie. Son corps s'arcbouta davantage alors qu'elle tirait un peu plus sur ses bras ; un cri de douleur le déchira en deux.

— Donne-moi une bonne raison de ne pas le tuer maintenant, siffla-t-elle.

Adriel ferma les yeux. Il aurait pu lui en donner un million, mais ce n'était pas ce qui comptait, là, tout de suite.

— Comment comptes-tu retrouver Anna sans son aide ? As-tu même une idée de comment nous enfuir d'ici, après ? chuchota-t-il contre son oreille.

Elle secoua la tête.

— Je dois le tuer, tu comprends ? Je dois le tuer !

— Et tu pourras le faire, mais après, lâcha-t-il entre ses dents serrées.

Elle s'humecta les lèvres, son regard navigant entre lui et l'homme qu'elle désirait anéantir plus que tout au monde.

— Il t'a utilisé. Il t'a blessé et je n'ai rien pu faire. Et je savais que tu étais conscient, souffla-t-elle.

Il soupira, puis posa sa main sur la sienne dans l'espoir qu'elle relâche un peu la pression.

— J'ai vu bien pire. Et puis il n'aurait pas pu me tuer, il avait besoin de moi.

— Mais il t'a fait souffrir. Encore ! Tu as encore souffert par ma faute. Tout le monde souffre toujours à cause de moi.

Il sourit, puis déplia un à un ses doigts.

— Tout le monde finit par souffrir, Aurore. Ce qui compte c'est qu'on puisse rejoindre ses proches, après. C'est tout ce qui compte, déclara-t-il, sa main dans la sienne.

Elle gémit. Le temps s'étira, comme suspendu à ses lèvres ; dans l'expectative. Qu'allait-elle décider ? Assouvir son besoin de vengeance, ou bien se contenir, une fois de plus, pour mettre toutes leurs chances de leur côté ? Malgré toute sa bonne volonté, il n'était pas sûr qu'à sa place il aurait pris la bonne décision. Pourtant, aussi blessée et perdue soit son âme, elle restait foncièrement bonne. Il le savait.

Sa tête se pencha lentement en arrière et elle inspira profondément, les yeux fermés. Tout se joua à cet instant. La lumière l'enveloppa d'une façon qu'il aurait presque décrite de divine, noyant ses cheveux et ses cils. Ses sourcils se froncèrent un instant, et puis son regard chercha le sien. Vide, torturé ; Adriel eut l'impression de se contempler dans un miroir. Avant qu'il n'ait eu le temps de l'interpréter, elle acquiesça en imprimant une légère pression sur sa main. Ses épaules se relâchèrent, et l'atmosphère sembla s'alléger, tout à coup. Tout le monde respira à nouveau, y compris Émeric qui cracha ses poumons, ahanant.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant