Chapitre 27-2

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Les mains dans les poches, Aurore cheminait aux côtés d'Adriel en silence. Le camp était en effervescence, des gardes ratissaient les rues avec gravité, leurs armes bien en évidence. Ils s'étaient empressés de reprendre le même chemin qu'à l'aller. Grâce aux précieuses indications de Samuel, le passage boueux dans lequel ils trottinèrent rapidement n'était presque jamais emprunté, étant de notoriété publique que les gardes un peu trop alcoolisés échouaient ici le soir. Une odeur pestilentielle d'urine et d'autres relents qu'elle ne voulait même pas chercher à identifier les accompagna tout du long.

Au loin, un homme cria et elle rentra davantage la tête dans sa capuche. Ils étaient bien camouflés, mais cela leur donnait une allure suspecte. Heureusement que la nuit les accompagnait, leur permettant de profiter de l'obscurité qui s'était abattue sur le camp.

La cime des arbres rejointe, ils ralentirent enfin le pas dans un soupir de soulagement. Elle se frotta les tempes, tiraillée par sa coiffure serrée et ses mèches de cheveux qui irritaient sa peau.

— On ferait mieux de se dépêcher, ils doivent nous attendre, déclara Adriel.

Elle hocha la tête, sentant l'appréhension monter petit à petit. Ils allaient jouer leurs vies, ce soir. Elle en avait conscience. Après la mort de Nikola et des autres gardes, elle ne pouvait qu'imaginer la rage des membres du conseil. Surtout ce Joaquim, qui semblait décider de tout et qui n'avait sûrement pas apprécié qu'ils s'en prennent à sa précieuse institution et aient perturbé la paix de son camp. Même si Aurore se demandait s'ils ne lui avaient pas plutôt rendu service en tuant son petit-fils qui avait probablement été élevé dans la violence et à qui l'on avait omis d'apprendre le respect.

— Là, je vois la maison, chuchota Adriel en interrompant le cours de ses pensées.

Sur leur gauche, visible à travers les fines branches d'un arbre, apparut la maisonnée construite par Samuel. Les lumières étaient allumées et des sacs à dos reposaient contre le porche. Elle souffla un bon coup. Ils allaient vraiment le faire, ils allaient vraiment partir d'ici. Aurore ne ressentait pas grand-chose à cette évocation, n'ayant pas eu le temps de véritablement connaître cet endroit donc on lui avait tant parlé, mais elle était loin de le regretter. Ces trois jours passés ici furent de loin les plus éprouvants, depuis son réveil. Tant physiquement que mentalement. En revanche, c'était pour ses compagnons que cela devait être dur. Ils s'étaient construits une nouvelle vie, ici, et aussi fidèles et loyaux étaient-ils envers Samuel et leur souhait d'aspirer à une meilleure vie brûlant, elle savait qu'ils allaient tout de même en souffrir.

Mais ce qui la tourmentait le plus, c'était cette fameuse question qu'elle repoussait depuis ce matin : allaient-ils les suivre ? Ou devraient-ils se séparer pour de bon ? Elle savait qu'Ashley avait précisé qu'ils resteraient avec eux, mais elle craignait qu'elle n'ait pas entièrement saisi ce que cela voulait dire. Ils ne partaient pas en vacances, quelque part sur une île paradisiaque ; ils rebroussaient chemin et se jetaient tête la première dans la gueule du loup. ll aurait fallu être fou pour les suivre, elle avait encore du mal à comprendre pourquoi Adriel l'accompagnait, d'ailleurs, alors eux ? De plus, Ashley semblait si traumatisée qu'elle ne pouvait pas lui imposer cela.

Aurore ferma les yeux, il était hors de question qu'elle entraîne d'autres personnes dans ce sauvetage suicidaire. Et pourtant, elle n'avait jamais souhaité quelque chose aussi ardemment.

Adriel tourna la poignée de la porte et s'effaça pour la laisser entrer. Elle se figea. Ashley, une cuillère en bois dans la main, chantait à tue-tête pendant qu'Ethan et Samuel tapaient des mains en rythme. Le fait qu'ils se soient trompés de dimension lui effleura l'esprit un instant et elle cligna des yeux en déposant son butin à terre.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant