Chapitre 34-1

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Les épaules d'Aurore étaient secouées de spasmes incontrôlables, comme si tout le poids qu'elle supportait depuis leur rencontre venait enfin de la quitter. Elle s'essuya les yeux et se retourna doucement.

— Anna, je suis là. Je suis revenue, sanglota-t-elle en s'avançant vers l'origine du bruit.

Un placard s'ouvrit, comme au ralenti, et deux petites mains diaphanes émergèrent telle une apparition divine. Aurore s'accroupit devant l'ouverture et saisit les bras de sa sœur pour l'aider à s'en extraire. L'instant d'après, une petite fille se jetait dans ses bras et des mèches de cheveux noirs virevoltèrent avant d'envelopper joyeusement le corps d'Aurore.

— Je suis heureuse pour elle, glissa Ashley en se rapprochant d'Adriel.

Il lui était incapable de détacher le regard de ces deux êtres se réunissant enfin après tout ce temps passé à errer. Aurore n'avait jamais vraiment connu le repos, constamment inquiète pour Anna comme si elle n'avait jamais véritablement été complète. Tout allait changer, maintenant ; elle allait enfin pouvoir apaiser son cœur. Enfin, en ce qui concernait sa sœur.

S'agissant du reste, c'était une tout autre histoire.

Ses doigts se crispèrent le long de ses flancs au souvenir des derniers événements : la colère bouillonnait toujours en lui, sans qu'il ait vraiment réussi à déterminer pourquoi. Peut-être la peur de la perdre avait-elle pris le dessus, car il était incapable de la faire taire. Mais il n'aurait peut-être pas dû s'y prendre ainsi, même s'il l'avait fait pour son bien. Le fond était bon, mais pas la forme.

C'est vrai, elle n'était pour le moment pas en mesure de se battre, car encore faible. Qu'elle l'accepte ou non. Toutefois, il l'avait jugée suffisamment forte pour s'occuper du gros lard qui l'avait prise pour cible. Et il avait bien fait, car cela lui avait sûrement permise de se rendre compte qu'elle en était capable. Elle pourrait devenir forte, c'était certain, mais pour le moment elle n'était pas en mesure d'estimer sa force. Du moins, pas encore.

Pour Ashley, en revanche, il n'avait pas la force de s'excuser. Et puis, se dit-il, cela l'avait blessée parce qu'elle savait qu'il avait raison. Il n'aurait peut-être pas dû employer ce terme, mais au moins cela lui aura-t-il servi d'électrochoc.

Aurore les rejoignit, rayonnante. Anna, sa main serrée dans la sienne, l'intrigua tout de suite de par son regard confiant. Pour son âge et le passé qu'elle se traînait, il la trouvait incroyablement décidée. Elle leur sourit calmement et attendit patiemment, collée à sa sœur, que cette dernière la présente.

— Anna, je te présente mes amis, Adriel et Ashley. Je les ai rencontrés dehors et ils m'ont tous les deux sauvé la vie à de nombreuses reprises, exposa Aurore en leur souriant, les yeux encore brillants.

Adriel fit un petit geste de la main à Anna, sans vraiment faire attention. Ashley s'accroupit pour lui parler, mais lui gardait le regard rivé à Aurore. Elle souriait tellement que son cœur peinait à conserver un rythme convenable. Jamais il ne l'avait vue comme ça, pas même avec lui. Elle était radieuse et d'une façon si solaire qu'il lui sembla l'adorer encore plus.

N'ayant aucune idée qu'il la contemplait ainsi, toute son attention focalisée sur Anna, elle pouffait et portait la main à sa bouche quand cette dernière sortait une ânerie. Il fut étonné de vouloir autant l'embrasser, là, tout de suite, en plein milieu de cette cuisine à l'abris du chaos qui régnait dehors.

— Pourquoi t'es plein de sang ? demanda abruptement Anna en le scrutant, sa tête penchée sur le côté.

Adriel se racla la gorge, soudain mal à l'aise. Dire qu'il n'avait aucune idée de quoi lui répondre était un euphémisme.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant