Les deux hommes acquiescèrent gravement, puis la saisirent avec précaution. Adriel s'assura qu'ils soient bien rentrés avant de souffler un coup pour évacuer la pression qui ne l'avait plus quittée depuis que les yeux paniqués de Nayati avaient croisé les siens.
Maintenant, il lui fallait récupérer ses affaires. Et quelque chose lui disait que ça n'allait pas être simple. Histoire de ne pas signer son arrêt de mort tout de suite, il décida de faire un détour pour brouiller les pistes. C'était exclu que Stephen ait agi seul, il fallait donc s'attendre à devoir affronter plusieurs assaillants et ce n'était pas avec ce maudit couteau qu'il en viendrait à bout facilement. D'accord, il savait se battre, mais, aussi fort soit-il, s'il se retrouvait face à cinq hommes comme Stephen, il était foutu.
Ses pensées n'arrêtaient pas de revenir vers l'attaque du combattant, dont la façon de procéder lui paraissait bâclée et non réfléchie. Et parce qu'il le connaissait bien, cela lui semblait plus qu'étrange qu'il ait agi ainsi, lui qui passait son temps à traîner avec les larbins d'Elan et qui était réputé pour son calme et sa réflexion. Jamais il ne serait passé à l'action sans avoir analysé de manière stratégique les différents cas de figure. Et surtout, cela paraissait évident qu'Adriel allait lui tomber dessus et qu'il serait blessé, ou pire. Or, il était rare que Stephen se blesse lors des combats ou des excursions, car celui qu'il s'évertuait le plus à protéger n'était autre que lui-même.
Alors pourquoi avoir risqué sa vie ainsi, puisqu'il ne l'aurait pas fait pour dix de ses propres collègues ?
Cela faisait quelque temps déjà qu'Adriel sentait que quelque chose se tramait. Sans avoir de véritables preuves, il était sûr que c'était un coup monté d'Elan. Qui d'autre que lui pour agir ainsi dans l'ombre ? Son aura sombre et malfaisante le précédait, et cela faisait longtemps déjà qu'Adriel se méfiait de lui. Avec un peu de chance, en revanche, ses actes de la journée ne seraient pas sans répercussion ; surtout maintenant que la fille d'un homme haut placé dans le camp se voyait menacée.
Il ralentit, le regard rivé sur l'arbre contre lequel il s'était adossé tout à l'heure. Le précieux contenu de son sac l'attendait, bien au chaud sous les rayons ardents du soleil. Quelques centaines de mètres l'en séparaient dans ce qui ressemblait à un véritable no man's land. Des arbres dont la cime semblait percer le ciel garantissaient à coup sûr de parfaites cachettes pour d'éventuels assaillants. Si ce que lui soufflait son instinct se confirmait, il lui serait impossible de traverser cette zone sans se faire attaquer.
Relevant sa casquette, il se passa nerveusement une main dans ses cheveux noirs. Il avait un plan, mais ce dernier allait probablement le vider de ses forces. Or, il en aurait besoin pour se battre et s'enfuir par la suite.
— Tant pis, souffla-t-il.Il avait toujours eu un attrait pour le risque et la frime, ça ne servait à rien de se voiler la face. Un jour, il finira par en payer les conséquences, mais pour l'heure, il n'en avait pas grand-chose à faire. Ce n'était pas comme si sa vie était si précieuse, de toute façon.
Les yeux fermés, il se concentra sur le flot d'énergie qui circulait dans son corps. Lors des cours prodigués aux jeunes Adohis bénéficiant d'un pouvoir, il était souvent question d'une sorte de voile noir au fin fond de leurs entrailles. Les Anciens arguaient toujours qu'il fallait beaucoup de concentration et de patience pour l'atteindre et l'embrasser. C'était seulement après avoir trouvé cette manifestation ombrageuse qui faisait partie d'eux, qu'ils pouvaient ensuite la manipuler et en extraire son pouvoir brut. Mais Adriel avait toujours trouvé cette explication compliquée et plutôt éloignée de la réalité. Pour lui, il s'agissait plutôt d'un réseau d'énergie vibrante. Avec de la concentration, il s'imaginait tendre la main vers une faible lumière qui brillait en lui. À son toucher, elle gagnait alors en intensité et recouvrait chaque cellule de son corps. Une puissance grisante, devant laquelle il ne pouvait s'empêcher de s'extasier à chaque fois, se mettait à le posséder entièrement. C'était un ouvrage ardu, mais une fois en pleine possession de ses moyens, le monde semblait s'ouvrir à ses pieds et il avait le sentiment qu'il pourrait tout entreprendre.
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La Terre des oubliés
Science FictionQue feriez-vous si vous vous réveilliez sans aucuns souvenirs, ni repères ? Aurore s'est posé la même question à son réveil quand son corps ne lui offrait que confusion et souffrance. Et quelles sont ces marques étranges et ce tatouage intrigant qu...