La Terre des oubliés

Chapitre 7-1

Aurore contemplait le garçon avec un mélange de surprise et de crainte. Il était apparu de nulle part et même Adriel ne l'avait pas vu venir. S'il l'avait voulu, il les aurait déjà attaqués, non ? Pour autant, son cœur s'affolait en essayant de suivre le rythme de sa panique grandissante. Bien qu'elle se méfie de lui, l'espoir grandissait en elle. Peut-être allait-il pouvoir l'aider à retrouver sa sœur ? Et s'il venait du même endroit qu'elle ? S'il connaissait Adriel, elle était quasiment sûre qu'il l'aurait déjà attaqué depuis longtemps. 

Adriel, en revanche, devait sûrement contenir sa fureur, surtout alors que ce type était parvenu à s'approcher d'eux avec autant de facilité. Glissant un regard vers lui, elle grimaça. Les muscles tendus, il ne bougeait pas d'un centimètre et semblait guetter une ouverture tel un véritable félin. Aurore calma sa respiration. Il était hors-de-question qu'il l'attaque, elle avait d'abord besoin de savoir qui était ce garçon, et surtout, pourquoi il avait déclaré ne pas être leur ennemi. 

Reportant son regard sur ce dernier, elle le détailla à son tour. Campé fermement sur ses jambes, il les scrutait avec un sourire détendu, bien loin de l'image qu'on se ferait d'un ennemi. Aucunes armes apparentes, il se contentait de garder les mains dans les poches de son pantalon. Ses bras, fins et noueux, laissaient deviner un corps athlétique à travers le tissu léger de son tee-shirt.  Quant à son visage, des taches de rousseur en constellaient sa peau aux teintes opalines. Il arborait de magnifiques yeux verts aux tons olive et des cheveux flamboyants que le vent agitait doucement. 

Elle était subjuguée par autant de couleurs, et sans savoir pourquoi, il lui inspira tout de suite confiance. Son attitude amicale et désinvolte dénotait tant avec celle d'Adriel qu'elle en vint presque à s'inquiéter pour lui. Alors qu'il n'était que douceur et gentillesse, il défiait du regard celui qui, porté par sa force brute et son insolence, aurait facilement pu le tuer en un claquement de doigts. 

Les yeux posés sur cet inconnu, elle laissa son cœur la guider. S'il avait pris le risque de s'exposer ainsi sans défense, c'est qu'il ne cherchait pas à les nuire. Comme il l'avait si bien exposé, il n'était pas leur ennemi. Peut-être était-elle trop naïve, mais dans un monde comme celui-ci il fallait avoir un peu de foi. 

Sa décision prise, elle se leva et fit un pas dans sa direction. Adriel réagit au quart de tour. Sa main enserra son bras avec vigueur et ses yeux d'encre plongèrent dans les siens. Déstabilisée, elle se figea. Depuis qu'elle l'avait vu sans sa casquette, tout à l'heure sur le sol encore calciné de la clairière, elle avait du mal à soutenir son regard. Ses yeux étaient si sombres, si impénétrables, qu'elle avait peur de ne plus jamais pouvoir s'en détacher. Le mot n'était pas adéquat parce qu'il ne reflétait pas ce qu'elle voyait en lui, et pourtant son esprit ne cessait de lui renvoyer l'image d'un démon dès qu'il la contemplait ainsi. 

— Qu'est-ce-que tu fais ? demanda-t-il d'une voix sifflante. 

— Je vais lui parler ! Il n'est pas armé, Adriel. Et puis il m'inspire confiance, rajouta-t-elle en tirant sur son bras pour qu'il la lâche. 

Visiblement pas du même avis, il raffermit sa prise sur son bras.

— Laisse-moi au moins y aller en premier. Je ne le connais pas, ce qui signifie que je ne sais pas d'où il vient.

Aurore pinça les lèvres. Brute comme il était, il allait réussir à le faire partir et ses chances de glaner d'éventuelles informations sur sa soeur finiraient par disparaître pour de bon. Rester en retrait maintenant était presque aussi difficile que de s'échapper de ce maudit dôme. 

— Je sais ce que tu penses, mais vaut mieux rester prudent, ici, ajouta-t-il en la dévisageant de cet air impénétrable qui l'irritait à souhait.