Chapitre 8-1

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De la colère. 

Ce fut la première chose qu'Adriel ressentit. 

On était loin du monde parfait que ces enfoirés espéraient, hein ? Alors quoi, tout ce qui est cabossé et qui ne brille plus, on le jette ? C'était ça, leur solution à tous les problèmes ? Sans parler du fait qu'ils s'utilisaient entre eux pour faire ces expériences atroces... Répugnant, pensa-t-il. 

La rage, froide comme le vent qui dansait entre les branches, couru le long de sa peau alors qu'il contemplait le visage d'Aurore. Le vide semblait l'avoir happée et il n'aurait su dire si elle était en colère ou triste. Elle n'avait pas bougé d'un pouce, seules ses mains, serrées fermement autour de celles d'Ashley, tremblaient légèrement.

— Je vois, finit-elle par déclarer dans un murmure.

Elle ferma les yeux doucement, presque au ralenti, et inspira profondément. Comme si elle portait tout le poids du monde sur les épaules, son corps sembla s'avachir un instant avant qu'elle ne se redresse vivement, la raison semblant se rappeler à elle. 

— Mais donc cette amnésie a bien été causée par quelque chose ? 

Peut-être avait-elle peur, mais elle ne le montrait plus. Résolue, plutôt que déterminée, Aurore le surprit même en souriant. C'était la dernière chose à laquelle il s'était attendu. C'était comme si la peur et l'incertitude s'étaient métamorphosées en colère, et en quelque chose qu'il n'aurait pu décrire... Bien qu'elle soit loin d'avoir eu toutes les réponses qu'elle cherchait, Adriel pouvait voir que son esprit s'était quelque peu apaisé pour lui permettre, enfin, de se concentrer sur son objectif.

Ses joues, réchauffées par cette colère qui semblait bouillir en elle depuis qu'Ashley avait ouvert la bouche, lui conféraient un air qui lui sciait à merveille. Ses lèvres, qu'on aurait pu croire colorées par le sang tant elle les avait mordues, dénotaient sur sa peau opaline d'une façon saisissante. 

Une vraie guerrière, songea-t-il dans un moment d'égarement. Bien que la colère fasse toujours battre son coeur sauvagement, il ne put s'empêcher d'étirer ses lèvres en un mince sourire de prédateur. Voilà que celle qu'il avait combattue avec acharnement lors de leur rencontre refaisait surface. 

Parfait, peut-être que tout ceci sera amusant, finalement, pensa-t-il. 

Et même si la tension ne l'avait pas entièrement quitté, l'excitation avait peu à peu pris le dessus depuis que ces deux-là s'étaient montrés. 

— Oui, et en l'occurrence par cette drogue qu'ils nous injectent en dernier, une fois que nous sommes si faibles qu'on ne peut même pas protester. C'est si puissant qu'on en perd tous nos repères presque instantanément, répondit Ashley en se frottant les bras alors qu'un frisson la saisissait. 

— Et comment se fait-il que vous vous souveniez de tout ça, dans ce cas-là, toi et Ethan ? intervint Adriel.

— C'est exactement ce que je me demandais, ajouta Aurore. 

Ashley acquiesça.

— Je me suis mal expliquée, c'est vrai que c'est un peu compliqué à comprendre. Ce que j'aurais dû dire, c'est que ce qu'on nous administre agit temporairement. Cela varie en fonction des personnes, mais on finit toujours par retrouver la mémoire même si nos repères demeurent souvent flous.

Adriel haussa les sourcils, surpris par cette nouvelle information. 

Il coula un regard vers Aurore et sourit intérieurement, réchauffé par le spectacle qu'elle offrait. Son visage s'était illuminé par l'espoir et ses yeux brillaient tels deux pierres précieuses reflétant le soleil du matin.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant