Chapitre 24-1

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Isabelle, la fille qu'il avait libérée, s'appuyait sur son bras en le serrant fort de ses petites mains. Ils n'avaient pas beaucoup parlé, se contentant d'avancer à un rythme incroyablement lent. Adriel avait proposé de la porter, mais elle avait refusé en secouant vivement la tête. Uniquement vêtue d'une robe blanche, d'un fin gilet en laine et de chaussures ouvertes, il pouvait voir ses jambes pâles trembloter près de lui. Il ne supportait pas la vue de cette pauvre fille au visage presque déformé par les mains d'un homme. Qui pouvait être assez ignoble pour oser faire subir ça à un autre être humain ? Il ne comprendrait jamais ses semblables. C'était eux-mêmes qui le traitaient de sauvage, pourtant. On marchait sur la tête. 

Ils approchèrent de l'escalier plongé dans l'obscurité. Adriel mit un doigt devant sa bouche et lui fit signe de ne pas bouger. Elle s'appuya contre un mur et hocha la tête, le regard perçant. Elle devait saisir la gravité de la situation parce que ses tremblements cessèrent. Il descendit doucement les marches, son couteau baissé, et passa une tête pour s'assurer qu'il n'y avait personne. Le vent frais vint jouer avec les couches fines de ses vêtements, le faisant quelque peu frissonner. Rassuré devant l'absence de bruit, il remonta rapidement et tendit une main à Isabelle. Elle s'en saisit sans hésiter et tous deux marchèrent à pas de loup dans le couloir principal après avoir descendu les escaliers. 

— Comment on va sortir ? demanda-t-elle tout bas, terrifiée. 

— Je suis entré il n'y a pas très longtemps, avec un peu de chance la voie sera toujours libre. Sinon, il me restera toujours ça, chuchota-t-il en sortant de sa poche le trousseau de clefs qu'il avait volé à l'un des gardes de l'entrée.

Elle ouvrit grand les yeux, médusée. Il lui sourit brièvement, puis d'un hochement de tête l'enjoignit à continuer à la même allure. Ils se rapprochaient, un léger rais de lumière qui s'échappait de la porte d'entrée entrouverte les narguait presque. Attends, quoi ? pensa-t-il. Adriel se souvenait pourtant l'avoir fermée. 

Sa main se crispa autour de son arme : il ne manquerait plus que quelqu'un soit passé entre temps. Si c'était le cas, pourquoi aucune alarme n'avait résonné ? Les gardes à l'entrée avaient forcément dû être découverts. 

La porte protesta légèrement lorsqu'il la poussa et un courant d'air soudain fit couiner Isabelle. La pauvre maintenait de ses mains tremblantes les pans de sa robe qui gonflaient sous les assauts du vent, tout à fait embarrassée.

Retirant la veste qu'il avait piquée à Samuel, il l'en enveloppa rapidement sans un mot.

— Merci, souffla-t-elle. 

Elle gardait le visage baissé vers le sol, ses cheveux châtains entourant son visage comme pour la protéger du monde extérieur. Son silence était éloquent : Qu'avait-elle bien pu subir, là-haut, dans cette chambre ? se demanda-t-il en détournant le regard, ayant de plus en plus de mal à supporter la vue de cette enfant martyrisée. Il fallait que quelqu'un fasse quelque chose, cela ne pouvait pas rester impuni, songea-t-il, les narines frémissantes. 

Son regard parcouru rapidement le chemin de pierre qu'il avait emprunté près d'une heure plus tôt pour rentrer dans la bâtisse. Il cilla, surpris. Où étaient passés les corps des gardes ? Il n'y avait pas une seule trace d'eux, même leur sang avait disparu. Il avait plu, remarqua-t-il. Devait-il remercier le ciel d'avoir lavé toute trace de leur présence ? Quant au reste, il n'avait pas besoin d'aller chercher bien loin. Ce devait être à coup sûr Ethan et Samuel qui s'étaient chargé de nettoyer derrière son passage. 

Secouant la tête, il se reprit rapidement. Il lui fallait retrouver Aurore, il se préoccuperait du reste plus tard.  

Isabelle posa sur lui un regard suppliant, comme si elle avait compris qu'il lui était impossible de rester à ses côtes.

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