La Terre des oubliés

Chapitre 35-1

Aurore cracha de l'eau dans une quinte de toux qui la tordit en deux. Avec l'impression que ses poumons étaient en feu, elle tenta d'ignorer la douleur du mieux qu'elle put.

— Tout va bien. Tout va bien maintenant, murmura Adriel près d'elle.

Elle sentit des mains lui caresser le visage, puis des lèvres se poser sur sa tempe. Pas très sûre de comprendre ce qui lui arrivait, elle papillonna des yeux. Ce maudit couloir n'avait pas bougé. Même dans la mort, il continuait de la hanter ? N'aurait-elle pas pu se réveiller ailleurs, comme par exemple dans une belle prairie en début de matinée ?

— Tu te sens comment ? demanda Ashley avec inquiétude, ses doigts posés dans le creux de son poignet comme pour prendre son pouls.

Elle n'était pas certaine de comprendre ce qui lui arrivait, mais au moins étaient-ils tous ensemble. Sa douce Anna était tout près, ses beaux et longs cheveux dégoulinant devant ses yeux qui lui avaient tant manqué.

— Comme quelqu'un qui vient de se réveiller d'entre les morts, plaisanta-t-elle.

Ils échangèrent tous des regards et personne ne pipa mot. Adriel lui caressa à nouveau la joue, puis sourit. Ses yeux étaient gorgés de sang et son teint plus pâle que jamais.

Elle lui prit la main et la pressa contre sa peau.

— Tout le monde va bien ? Adriel, tu as vraiment une sale tête.

Il fit une grimace en guise de réponse. Eh bien, elle les avait connus plus bavards, se dit-elle.

— C'est grâce à lui qu'on est encore en vie, regarde, lui fit remarquer Ashley en pointant son doigt fripé vers le plafond.

Prenant son commentaire pour une blague, elle leva doucement la tête vers le haut et crut déchanter. Il n'y avait littéralement plus de plafond. Des tuyaux et des fils électriques pendaient lamentablement le long d'une énorme crevasse qui semblait s'être ouverte sur l'enfer. De l'eau dégoulinait, puis gouttait à leurs pieds, la poussant à se demander comment elle avait pu ne pas le remarquer plus tôt. Que s'était-il passé ?

Aurore n'était donc pas morte, puisqu'ils étaient là-haut il y a quelques minutes. Prêts à mourir. Quelque chose avait-il explosé sous leurs pieds ?

Elle s'humecta les lèvres, la tête remplie de questions.

— Plus tard pour les questions, il faut qu'on parte d'ici avant qu'ils nous retrouvent, déclara Adriel en se levant avec raideur.

Sa main glissa dans la sienne et il la tira doucement pour la remettre sur ses pieds. Elle ne savait pas combien de fois il avait reproduit ce geste depuis qu'ils se connaissaient, et cette réflexion la fit presque sourire. Un jour, se fit-elle la promesse. S'ils sortaient d'ici vivants, ce sera à elle de l'aider et quand ce moment arrivera, elle sera plus forte.

Tanguant quelque peu sur ses jambes, elle se rattrapa à son bras. Il le passa naturellement autour de sa taille et la chaleur que ce geste lui procura lui suffit à remercier le ciel de leur avoir accordé une seconde chance. Elle se sentait en sécurité, tout près de lui. Et dire qu'il était passé à ça de la mort... Qu'est-ce-qu'il avait cru, qu'elle allait le laisser la quitter comme ça sans broncher ? Elle était trop égoïste pour le laisser partir.

Se souvenant qu'elle s'y était pourtant résolu, pas plus tard que tout à l'heure, Aurore fit la moue. Personne n'était parfait, et après avoir vu son regard, avant que l'eau ne les engloutisse, il lui était impossible d'honorer sa parole. Elle avait besoin de lui. Sa vie n'avait jamais paru aussi tangible depuis qu'il en faisait partie. Ç'avait été court, mais bien plus intense et vibrant de lumière que toutes ses années passées ici.