Chapitre 30-2

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Le soleil achevait sa course à l'horizon, caressant légèrement leur peau de ses rayons pour la dernière fois. Ils avaient bien marché, Adriel en était presque étonné. Samuel les avait menés d'un bon rythme tout en leur imposant des pauses toutes les deux heures.

Après sa discussion pour le moins troublante avec Aurore, il l'avait surveillé toute la journée. Mais il fallait se rendre à l'évidence, à part un homme inquiet et anxieux restant rivé à son objectif, rien d'autre ne semblait détonner. Et puis, il aimait sincèrement Ashley, comment aurait-pu-t-il la tromper ainsi ? Adriel avait du mal à croire qu'il puisse leur cacher quelque chose, et surtout, il ne le voulait pas.

— Hé, murmura Aurore en arrivant à sa hauteur, son bras effleurant le sien avec douceur.

Il détacha le regard du dos de Samuel et se passa une main sur le visage.

— Désolé, je suis un peu à cran.

Elle secoua la tête pour lui signifier que ce n'était rien et lui tendit sa gourde en lui souriant faiblement. La peau arrachée autour de ses ongles attira son regard, mais il fit comme s'il n'avait rien vu en la remerciant simplement.

Aurore semblait nerveuse, elle avait conservé le silence presque toute la journée, les épaules voutées. De temps en temps, il lui caressait le dos ou effleurait sa joue, ne sachant trop si elle voulait garder ses distances avec lui, ou non. Un simple sourire égayait quelque peu son visage, et de temps à autre elle se tournait vers lui, mais finissait par se dérober comme si les mots lui manquaient. Qu'importe ce qui la tourmentait, il ne préférait pas insister, histoire de la laisser venir à lui quand elle l'aurait décidé.

Lui aussi n'était pas en reste. La veille, il avait failli lui parler de son pouvoir, ou plutôt de l'absence de ce dernier, mais son regard pétillant et son envie de normalité avaient eu raison de lui. Lui offrant quelque chose qu'ils n'auraient pu se permettre en temps normal, c'était comme s'ils s'étaient coupés du monde l'espace d'un instant. Que n'aurait-il pas donné pour sentir à nouveau ses mains dans ses cheveux, son gémissement étouffé qui avait fait vibrer son corps de désir...

Chassant ses pensées obsédantes d'une claque mentale, il plissa les yeux à la vue du paysage qui s'imposa peu à peu à eux. D'un sol poussiéreux et glissant, ils passèrent peu à peu à une surface plus stable, plus dure. Une sorte de cuvette naturelle, faite de roches et de granit, les enserrait à mesure qu'ils progressaient. Derrière eux, la forêt qu'il connaissait si bien n'était plus qu'un petit point de verdure, au loin. Il avait d'ailleurs du mal à croire qu'encore ce matin il s'était réveillé sur ce versant qu'il pouvait apercevoir d'ici. Tout lui paraissait si petit, lui qui avait grandi sous la chapelle de ces arbres l'ayant accueilli et protégé. Ici, là où la menace pouvait provenir de partout, Adriel se sentait plus vulnérable que jamais.

À côté de ça, les remparts du camp des délinquants, et les membres du conseil, faisaient triste mine.

Le bruit de leurs pas résonnait de manière assez étrange, comme si les roches les encerclant renvoyaient chaque son en les amplifiant. Il n'aimait pas ça, ce n'était pas à proprement parlé une entrée en matière discrète.

Samuel ralentit devant eux, sa tête manquant de se dévisser alors qu'il admirait ce paysage inédit. Ouvrant sa carte, dont le papier claqua brusquement, il finit par s'arrêter pour de bon. Adriel échangea un regard tendu avec Aurore.

— Les enfants, nous sommes bientôt arrivés, murmura-t-il.

Aurore tournait sur elle-même en fronçant les sourcils, comme si elle essayait de reconnaître quelque chose.

— C'est étrange, j'ai du mal à croire que quelque part sous terre, peut-être même sous nos pieds, des gens respirent et vivent comme toi et moi. Et pourtant il y a encore quelques jours, j'y étais, souffla-t-elle, ébranlée.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant