Chapitre 32-1

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Son coeur battait si puissamment qu'il camouflait presque tous les sons extérieurs. Incapable de savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose, il avait l'impression qu'il pourrait exploser à tout instant. Ses oreilles sifflaient douloureusement et son épaule le faisait atrocement souffrir, et pourtant il ne bougeait pas d'un pouce. Ses yeux restaient fermés et ses mains demeuraient immobiles le long de ses flancs.

Adriel n'avait jamais vraiment été inconscient. Ils croyaient sérieusement qu'une simple drogue allait l'endormir ? Si c'était le cas, ils étaient bien plus bêtes que ce qu'il pensait. Grâce à ce très cher Samuel, ils avaient manifestement eu le temps de se préparer à cette rencontre. Pourtant, personne n'avait jugé important de prendre en compte le fait que son ADN avait probablement été modifiée par ce fichu virus, et ce avant même sa naissance. Bref, ce n'était pas une malheureuse petite dose de drogue qui aurait pu l'endormir. Sérieusement, il aurait pensé qu'ils étaient plus intelligents que ça, mais loin de lui l'idée de s'en plaindre.

Il lui avait fallu mobiliser toute sa volonté pour ne pas tuer cet homme infâme lorsqu'il s'était adressé à Aurore. Quelques secondes auraient suffi avant que ses mains n'enserrent si puissamment son cou que son cerveau lui serait sorti par tous les orifices. Mais au lieu de ça, il était resté immobile, sachant pertinent que sa faiblesse évidente leur permettrait de s'échapper plus tard. Ou du moins de jouer sur l'effet de surprise. Il ne savait pas quel plan Aurore avait en tête, mais une chose était sûre, elle ne prévoyait certainement pas de faire causette avec cet homme qui, visiblement, avait complètement perdu la tête.

— Qu'est-ce-que vous racontez ? l'entendit-il demander.

Rien qu'au son de sa voix, il savait qu'elle était tendue à l'extrême. Elle devait probablement se retenir de lui sauter dessus, d'autant plus qu'il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour comprendre qu'il s'agissait du malade qui les avait torturées, elle et Ashley. Cet homme était responsable de son traumatisme et, probablement la cause de son mal-être et du fait qu'elle peinait à s'ouvrir à lui. Adriel l'avait bien vu, elle avait voulu se confier à lui à de nombreuses reprises, mais s'était toujours rétractée au dernier moment.

Tout son corps souffrait de ne pouvoir la venger. Du moins, pas encore.

— Cela fait si longtemps que nous travaillons, nous arrivons enfin à la fin de notre étude. Ne comprenez-vous pas ? Toutes ces morts n'auront pas été vaines ! s'exclama l'homme.

— Vous rigolez, j'espère ? Et qu'en est-il des familles qui ont été séparées ? De toutes ces souffrances, cette peur qui ne nous quittera plus jamais ? Et tout ça pour quoi ? Pour que l'Homme devienne plus fort ? Il ne le deviendra jamais, il restera toujours cet être vile et fou !

Adriel se retint d'ouvrir les yeux. La voix d'Ashley avait empli la pièce avec puissance, criant comme jamais auparavant. Jamais il n'aurait pensé qu'elle s'emporte autant. Et pourtant, se dit-il, c'était elle qui avait le plus souffert. Il lui était impossible de savoir s'il aurait pu rester aussi calme qu'elle.

Non, il le savait. Jamais il n'aurait pu.

— C'est la vie, mademoiselle. Elle est faite ainsi : certains s'effacent pour laisser les autres vivre. On appelle cela la sélection naturelle. Dois-je vous rappeler à quel point vous avez été chanceuse de naître ici, à l'abris de la menace qui règne à l'extérieur ? Avez-vous pensé à ces quelques milliards d'êtres humains qui ont péri alors que vos ancêtres ont eu la chance, ou plutôt le luxe, de survivre ? Vous êtes loin d'être si différente que nous, sachez-le.

Il entendit les pieds d'une chaise grincer, et une plainte étouffée suivit. Puis le silence se fit, seulement entrecoupé par une respiration saccadée. Ethan devait être en train de la raisonner. Ou bien c'était lui qui se retenait d'étriper ce type.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant