Chapitre 4-1

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Le visage de la jeune fille se décomposa sous ses yeux. Elle le regardait avec effarement, visiblement incapable de parler. Adriel fronça les sourcils, pas très sûr de comprendre sa réaction. Ce n'était pas comme s'il venait de lui apprendre quelque chose, leur existence même gravitait autour de cet événement. Mais sa réaction semblait si sincère qu'il finit par douter. Son amnésie était-elle si poussée qu'elle couvrait également cette information ? Son regard se posait frénétiquement autour d'eux, son corps tournant sur lui-même avec ferveur, angoisse même, comme à la recherche d'indices. La vérité s'imposa à lui avec violence : elle ne savait vraiment rien ! Ce constat l'ébranla, et ce n'est plus avec confusion qu'il posa son regard sur elle, mais avec pitié. 

Les yeux perdus dans le vide, elle paraissait en proie à une véritable affliction.

— Je ne comprends pas. Tous ces gens qui ont perdu la vie, murmura-t-elle d'une voix tremblante.

Ses mains se posèrent sur son cœur et elle serra les pans de son tee-shirt avec force. Soudain, ses yeux s'écarquillèrent :

— C'est pour ça qu'il restait encore des affaires dans ce bus, tout le monde a dû partir précipitamment.

Il secoua la tête. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pensé à ce qui s'était passé, et pourtant, à chaque fois son cœur se serrait de rage. Il observa la jeune fille prendre conscience de ce que cela impliquait. Sur le point de lui proposer de s'occuper de sa blessure, une douleur fulgurante le poussa à se plier en deux, terrassé par la souffrance. Il avait l'impression qu'une lame chauffée à blanc fouillait l'intérieur de sa plaie et pouvait presque sentir le sang brûler dans ses veines. Se persuader que la douleur passerait n'était apparemment pas suffisant, parce que celle-ci ne fit qu'empirer. Ses forces le quittèrent pour de bon et son corps s'effondra à terre dans un bruit sourd.

La vision teintée de rouge par la douleur, il aperçut à travers ses yeux plissés la fille hésiter en le regardant. Après quelques instants, pourtant, elle soupira, presque ennuyée, et s'accroupit auprès de lui.

— J'ai besoin de toi. Je ne peux pas me permettre de mourir dans cette forêt, et tu dois me raconter tout ce que tu sais sur ce qui est arrivé. Tu vas me dire ce dont tu as besoin pour guérir et j'essaierai de te le fournir, finit-t-elle par dire.

Il n'aimait pas le ton qu'elle avait employé, mais en même temps, il ne pouvait pas lui en vouloir de le haïr ; il avait tout de même essayé de la tuer. Ses yeux se fermèrent avec rage et la haine lui dévora le cœur. Il aurait dû tuer Elan, pensa-t-il, exaspéré contre lui-même.

— Très bien, grogna-t-il.

La fille approuva, puis se releva :

— Dis-moi ce que je peux faire, lança-t-elle.

— Il y a une plante très efficace contre les poisons qui pousse dans le coin. Elle est assez difficile à reconnaître, il faut avoir l'œil, souffla-t-il, toujours à terre.

Il lui décrivit du mieux qu'il put cette plante sur laquelle tous ses espoirs reposaient. Dans le camp, on l'appelait Gakodi, et rares étaient ceux qui pouvaient se vanter de l'avoir vue une fois dans leur vie. Il lui demanda ensuite d'aller récupérer de la sève d'un arbre dont il lui décrivit l'apparence. Cette substance était très souvent utilisée comme nettoyant et permettait une meilleure cicatrisation. La fille l'écoutait avec attention, mémorisant avec efficacité les différents détails dont il lui faisait part.

— Je viens de me rendre compte que je ne connais même pas ton nom, déclara-t-il. À moins que tu ne t'en souviennes pas ?

— C'est l'une des seules choses dont je me souviens. Je m'appelle Aurore, murmura-t-elle. 

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