Chapitre 25-1

8 2 0
                                    

Les yeux d'Aurore s'ouvrirent brusquement sur un paysage de poutres en bois. La panique la saisit à la gorge en un instant. Immobile, elle tentait d'analyser où elle se trouvait. Une couverture la recouvrait jusqu'au menton, lui cachant la vue du reste de la pièce. Dans un moment de terreur, elle imagina le pire : était-elle dans la chambre de Nikola ? Sa main s'aventura contre la chaleur du matelas, complètement terrorisée à l'idée de rencontrer un corps. Mais seule la douceur des draps l'accueillit.

Un soupire la gagna, au moins était-elle seule dans ce lit. Comptant jusqu'à dix dans sa tête, Aurore s'accouda sur ses avant-bras pour se redresser sur le matelas, les yeux rivés à l'obscurité qui régnait dans la chambre. Où était-elle ? La pièce était grande et décorée avec goût, mais point encore plus étonnant, elle n'était pas sous terre. Au contraire, une brise fraîche souleva quelques mèches de ses cheveux, lui apportant la douceur dont elle ne pensait pas avoir besoin. Son regard navigua de gauche à droite avec lenteur, comme pour mieux assimiler ce qu'elle voyait. Une commode en chêne massif, un tapis fin et effiloché, un escalier en colimaçon qui descendait, une lampe posée sur un petit meuble clair et un homme avachi dans un fauteuil. Quoi ? Elle se figea, troublée. Ses yeux se plissèrent pour tenter de distinguer qui c'était. Son cerveau, loin d'être encore bien réveillé, mit plusieurs secondes avant de reconnaître ces bras halés couverts de tatouages.

Aurore cilla. C'était Adriel ! Il était là, tout près d'elle. Ses yeux se remplirent de larmes, et bientôt l'une d'elle vint dévaler la peau glacée de son visage. Elle n'en revenait pas, elle qui avait fini par croire qu'il était mort quelque part dans ce bâtiment abominable !

Une minute, se dit-elle, confuse. Quelque chose lui échappait. Sans prévenir, des flashs de la soirée lui apparurent soudainement : Nikola et son corps pressé contre le sien, Cassandra et Paul, et puis Adriel qui entre comme une furie dans la cellule. Grimaçant, elle tenta de chasser les souvenirs de cette atroce soirée ; encore bien trop chamboulée. Mais ils affluaient malgré tout, comme dans un brouillard.

Bizarrement, un passage en particulier semblait revenir sans cesse. Le corps dur d'Adriel contre elle et ses mains qui la serraient doucement. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour se sentir apaisée dans ses bras, son oreille tout contre son cœur qui battait puissamment. Le rouge lui monta aux joues : ça aussi, elle aurait préféré l'oublier.

Son regard se posa sur lui avec curiosité et elle le contempla, transportée malgré elle. Sa tête reposait sur le dossier du fauteuil, légèrement inclinée, et il arborait un visage détendu, presque enfantin. Ses boucles rebelles cachaient son front, oscillant au rythme de sa respiration, et des bandages dépassaient de sous son tee-shirt : ses mains ainsi que ses bras étaient zébrés de méchantes estafilades. Son cœur se serra, que lui était-il arrivé, là-bas ? Il avait l'air épuisé, et pourtant il l'avait rejoint et s'était battu pour elle ; c'est avec un pincement au cœur qu'elle se souvint avoir douté de lui. Elle s'en voulait de s'être fait avoir ainsi et de ne pas avoir attendu sagement chez Ashley, mais surtout, elle s'en voulait d'avoir cru qu'il n'aurait pas risqué sa vie pour elle, comme elle l'avait fait pour lui quelques heures plus tôt. Jamais plus elle ne douterait de lui.

Il faisait encore nuit, aussi supposa-t-elle qu'elle n'avait dormi que quelques heures ; elle avait donc le temps de se rendormir. Glissant un bras sous la couette pour se maintenir pendant qu'elle s'allongeait, elle laissa échapper un gémissement de douleur quand son poignet frotta douloureusement sur les draps rêches du lit.

— Aurore ?

Elle se figea. Son intention n'avait pas été de le réveiller, mais une part d'elle ne put s'empêcher d'exulter à l'idée de lui parler et d'entendre sa voix.

Elle leva une tête timide de sous les draps.

— Oui ?

Il rigola dans sa barbe, à moitié caché dans la pénombre.

La Terre des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant