Chapitre 28-2

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C'était loin d'être son truc de consoler quelqu'un. En revanche, il savait être franc et dire les choses, même si la personne risquait d'être blessée en retour.  

— Tu veux que je te dise ce que j'en pense ? C'est simple, vous êtes ridicules tous les deux. C'est vrai, vous vous prenez constamment la tête pour n'importe quoi, tu veux la protéger mais tu es incapable de lui dire pourquoi, et elle se vexe pour la moindre remarque. Vous devriez mettre les choses à plat avant que ça ne gagne tout le groupe, déclara-t-il en essayant malgré tout de rester doux. 

Ethan plissa les yeux à son adresse. Ils paraissaient presque noirs dans la pénombre et Adriel pouvait voir qu'il se retenait de lui répondre d'une remarque acerbe. Au lieu de ça, il acquiesça simplement et se redressa brusquement comme si sa poitrine s'était allégée d'un poids. 

D'une tape amicale dans le dos, il lui répondit avec légèreté :  

— Il se pourrait que tu aies raison pour une fois, espèce d'enfoiré. Et merci aussi d'avoir subtilement précisé qu'on vous avait gâché la soirée, ça fait plaisir. 

Adriel ricana, gagné malgré lui par sa désinvolture. Il hocha la tête et observa le jeune homme hâter le pas pour rattraper Ashley. En le voyant, elle croisa les bras et tourna la tête, mais il insista en lui barrant le chemin, avançant à reculons pour la suivre. Aurore se retourna vers Adriel et leva les yeux au ciel. Il sourit en coin devant son expression outrée. Nul besoin de se tordre le cerveau pour savoir ce qu'elle aurait voulu dire : « S'il croit qu'il va s'en sortir comme ça, il rêve ! ». 

Il allait lui lancer une remarque railleuse quand un sifflement bref l'interrompit. 

Le signal de Samuel : ils étaient arrivés. Aurore s'arrêta, le sourire figé. Elle l'observa avancer sans un mot, mais il l'entendit murmurer « fais attention » après qu'il l'ait dépassée. Rattrapant rapidement Samuel qui l'attendait accroupi derrière des fourrés, Adriel siffla entre ses dents. Ils n'avaient pas fait les choses à moitié. 

Une dizaine de gardes, alignés devant le grand portail de l'entrée Sud, faisaient face au chemin qui menait au coeur du camp. Chacun armé d'une arme longue et imposante, leur regard morne et maussade demeurait braqué droit devant eux. Adriel les avait sous-estimés, jamais il n'aurait pensé qu'ils puissent être autant. 

Il grimaça. Ils allaient devoir se salir les mains pour passer, et pas qu'un peu. 

— Tu penses que ça va le faire ? demanda dans un murmure Samuel d'un ton inquiet. 

— Il n'y a pas le choix, si on veut partir. On va se débrouiller. Laissez-moi deux minutes pour en tuer le plus possible et envoie-moi Ethan si ça tourne mal. 

Samuel le fixa durant quelques instants, inquiet, puis finit par hocher la tête. De toute façon, il n'aurait pas pu dire grand-chose. Il ne savait pas se battre, ç'aurait été du suicide de l'aider. Lui accordant un bref sourire, qui se voulait rassurant, il l'abandonna pour s'approcher davantage. 

D'un geste habile, Adriel banda son arc et encocha une flèche. Après avoir attendu quelques secondes que le vent lui confirme sa trajectoire, il souffla un bon coup, la flèche contre la peau de sa mâchoire.  

Elle atteignait à peine sa cible qu'une autre la suivit, se plantant cette fois dans la nuque du garde à l'extrémité du portail. Des cris de panique gagnèrent peu à peu leurs rangs et Adriel sourit en voyant la peur déformer leurs traits : pas si courageux que ça, finalement. Après un dernier tir qui alla se ficher dans le dos d'un garde qui tournait frénétiquement sur lui-même dans l'espoir de le repérer, il enjamba un tronc d'arbre tombé en travers de son chemin et poussa sur les muscles de ses jambes. Plus que sept, se dit-il en s'élançant vers le sentier, son couteau en main. Il avait préféré laisser son épée près de Samuel pour éviter de la salir. Un simple couteau ferait largement l'affaire. 

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