Chapitre 10-1

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Le soleil tapait sur sa tempe, le forçant à plisser les yeux sous ses ardents rayons. Cela faisait maintenant trois heures qu'ils marchaient, et la chaleur, ajoutée à la rude montée qu'ils entreprenaient, terrassait leurs corps.

Adriel pouvait sentir la sueur lui couler le long du dos, traçant un chemin brûlant sur sa peau tendue. Il marchait seul, en tête du groupe. Une de ses mains tenait fermement la bandoulière de son sac, l'autre pendait le long de son corps, à quelques centimètres du couteau glissé à sa ceinture. Son regard restait concentré sur le sentier, mais il écoutait d'une oreille distraite la conversation qui agitait les trois jeunes gens. Seules quelques bribes lui parvenaient, mais il parvenait à entendre Ethan répéter la même chose à Aurore.

— Va lui parler, murmurait-il.

Sans comprendre ce qu'elle répondait, il pouvait sentir à son ton qu'elle était énervée. Secouant la tête, il raffermit sa prise et accéléra le rythme, agacé d'être au cœur des conversations. Certes, la colère avait pris le dessus et il n'aurait peut-être pas dû s'énerver autant contre elle, mais cela ne regardait qu'eux. Le fait qu'elle ait mis Ethan et Ashley dans la confidence l'irritait : Pourquoi fallait-il toujours qu'ils soient au courant de tout ?

Tu es bien contradictoire, susurra sa conscience d'un ton doucereux. L'ignorant, il tenta de se vider l'esprit. Ses pieds foulaient le sol à un rythme démesuré, et bientôt, il n'y eut plus que la forêt et lui. Comme au bon vieux temps, pensa-t-il avec nostalgie.

Il fut un temps où traverser la forêt de la sorte, se confondre dans ses teintes profondes et tirer profit de la position du soleil, était la seule chose qui lui permettait de se sentir en paix. Il pouvait passer des heures, tapi derrière les fourrés, à attendre le bon moment pour s'attaquer à une proie. Après un bref recueil auprès de l'animal pour le remercier de son sacrifice, il l'aurait ramené au camp, directement chez Nona, la cuisinière, qui l'aurait remercié de deux baisers baveux sur les joues. À son souvenir, un doux sourire vint étirer ses lèvres. Il avait toujours adoré Nona. À défaut d'avoir une mère, elle avait été pour lui une sorte de figure maternelle, s'occupant de lui quand il se faisait mal ou quand il avait besoin de quelqu'un à qui parler lorsqu'il n'était qu'un enfant. Elle était bien la seule, d'ailleurs, les autres habitants se contentant de chuchoter sur son passage en arborant une grimace de dégoût.

Son pied buta contre une racine et il jura. Il était tellement plongé dans ses pensées qu'il n'avait même pas fait attention à la piste qu'il empruntait. Le chemin s'était rétréci et la végétation l'avait complètement envahi.

Adriel s'arrêta net. C'était bien trop silencieux à son goût ; le chant des oiseaux, le cri des animaux, et même le bruissement du vent s'étaient arrêtés. Rien n'avait changé, et pourtant tout lui paraissait différent. L'air était plus lourd, les ombres plus étirées, mais surtout, les charnières semblaient l'observer comme si elles cachaient un lourd secret. Contractant la mâchoire, il sortit son couteau et tâta son carquois dans son dos pour s'assurer qu'il avait bien toutes ses flèches. Les muscles tendus, il revint sur ses pas avec l'espoir que son instinct se trompait. 

Adriel accéléra le pas, surpris de voir à quel point il s'était éloigné. Se baissant pour esquiver une branche basse, il cligna des yeux pour chasser la sueur qui gouttait de ses sourcils. Les traits tendus par la concentration, il grogna en brisant une branche dont les racines s'étaient prises dans ses pieds. Une goutte de sueur coula le long de sa nuque, dévalant sa peau brûlante avant d'aller se perdre dans son maillot. Sans comprendre pourquoi, il ne parvenait pas à calmer les battements de son coeur.  

Soudain, un cri perçant résonna avant de disparaître au loin dans un écho paniqué. Poussant un juron après avoir reconnu la voix d'Aurore, Adriel se précipita dans sa direction. 

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