La Terre des oubliés

Chapitre 10-2

— C'était quoi ce truc ?

Adriel avait pris Ethan à part, il voulait absolument savoir ce qui s'était passé. Ethan se gratta la nuque d'une main tâchée de sang, une grimace sur le visage. Puis il soupira bruyamment, fatigué.

— La dernière fois que je l'ai vu, il se tenait sur le corps de ma mère, maculé de son sang, déclara-t-il, la voix grave et les mâchoires serrées.

Adriel pinça les lèvres. Dans ce genre de situation, il ne savait jamais quoi répondre. Ses parents étaient morts depuis longtemps et il ne faisait pas spécialement dans la compassion.

— C'était le même ?

Ethan hocha la tête.

— Il a une tâche blanche sur le flanc et ses yeux sont de la même couleur. Je pourrais le reconnaître entre mille.

Adriel hocha la tête.

— Je suis désolé pour ta mère. Mais elle peut désormais reposer en paix, car elle a été vengée.

— Il fut un temps où je t'aurais répondu que la vengeance ne m'intéresse pas, mais depuis que cette chose s'est attaquée aux deux personnes les plus importantes de ma vie, ça ne tient plus. Je suis bien content que vous l'ayez tué, toi et Aurore.

Adriel acquiesça.

— J'ai bien cru qu'on n'arriverait jamais à temps, avoua-t-il. J'ai commis l'erreur de me laisser distraire et tu as failli le payer de ta vie, dit-t-il d'une voix blanche, agacé contre lui-même.

— Je t'en prie, tu crois sincèrement que tu es celui qui a commis une erreur, ici ? J'aurais pu le tuer quand je l'ai vu, mais je ne pouvais pas bouger. J'étais complètement tétanisé. 

Puis il ajouta, les dents serrées : 

— Il a fallu qu'il s'en prenne à Ashley pour que je réagisse enfin.

— Arrête de t'en vouloir, n'importe qui aurait réagi de la même façon, répliqua Adriel dans une tentative pour le rassurer. 

Ethan restait silencieux, perdu dans ses pensées.

 — C'était quoi ce bordel avec Ashley ? Tu l'as sauvée au péril de ta vie et elle est simplement restée assise sans rien faire alors que tu aurais pu te faire tuer. 

Ethan secoua la tête, le regard soudain étincelant.

— Tu ne comprends pas. Ashley et moi, on se connait depuis cinq ans et on ne s'est plus quittés depuis. Après que ma mère se soit fait tuer, on est plus ou moins devenus une famille l'un pour l'autre. Quand tu n'as personne, l'autre devient très rapidement une faiblesse. Et puis, elle est si fragile qu'elle ne tient plus qu'à un fil et j'ai peur qu'un jour elle explose en mille morceaux. 

Adriel ne comprenait plus rien, de quoi parlait-il ?

— À l'instant où cette bête s'est jetée sur moi, il était déjà trop tard pour elle. Elle a tout de suite pensé que j'étais mort, mais en même temps, elle ne voulait pas le croire. Alors elle s'est refusée à regarder, car pour elle, tant qu'elle ne m'avait pas vu mort pour de vrai, ce n'était pas réel.

— Mais ça n'a aucun sens, persifla Adriel. Si elle tient tant que ça à toi, elle aurait dû se battre au lieu de rester là à rien faire. 

— Peut-être, mais on traîne chacun nos bagages, Adriel. Même toi qui te la joue si dur, je suis sûr que tu es loin d'être parfait. 

Puis baissant le ton, il ajouta, le regard flamboyant :

— Qui sait tout ce qu'elle a subi dont elle ne m'a encore jamais fait part. C'est des putains d'enfoirés, là-bas. Tu n'as aucune idée de ce qu'elle a vécu. De ce qu'on a vécu.