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LE REVERS DU MIROIR NOIR

Les ronronnements

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— Qu'est-ce que c'est que ce bruit ?
— Quel bruit ?
— J'entends quelque chose depuis tout à l'heure, dit Akutagawa regardant autour de lui sans comprendre.
Atsushi se tourna et parcourut son salon du regard. Tout était habituel, rien ne bougeait et tout était à sa place. Il n'entendait rien du tout.
— Qu'est-ce que tu entends, demanda-t-il d'un air perplexe.
— Je sais pas, on dirait un vrombissement.
— Ça vient peut-être de dehors.
Akutagawa se contenta d'un haussement d'épaules, et Atsushi se ré-installa confortablement dans le canapé. Ils étaient tous les deux dans son salon, un bento rempli de sushis en mains, et prenaient leur repas en silence depuis quelques minutes. Atsushi ne s'était pas attendu à trouver Akutagawa chez lui en rentrant pour sa pause-déjeuner, mais il commençait à avoir l'habitude de ses visites imprévues, alors il n'était pas vraiment surpris. Ses visites étaient de plus en plus régulières, rien que cette semaine, Atsushi l'avait retrouvé trois fois chez lui, tranquillement assis en tailleur sur son canapé.
Il n'y avait pas vraiment de raison à ses venues, Atsushi s'était habitué à le voir chez lui sans avoir d'explications. Parfois, lorsqu'il venait le soir, Atsushi comprenait qu'Akutagawa voulait passer la nuit à ses côtés, mais lorsqu'il venait en journée, c'était plus difficile de comprendre ce qu'il faisait là. Il pouvait venir pour faire passer le temps, avoir de la compagnie, lui annoncer une mission à faire, ou juste se réfugier chez lui pour fuir ses collègues trop envahissants. Atsushi ne cherchait pas toujours à comprendre, et Akutagawa s'expliquait rarement de lui-même.
C'était presque comme s'ils vivaient ensemble, c'était assez étrange, mais Atsushi s'était habitué à ce quotidien et il l'appréciait. Ils vivaient ainsi depuis qu'ils avaient fait leur première fois ensemble, et... comme c'était à prévoir, Akutagawa était vite repassé chez lui pour partager une nouvelle nuit à ses côtés. Et depuis ce moment-là, leur vie sexuelle s'était soudain éveillée. Atsushi comprenait mieux pourquoi Dazai aimait tant passer ses nuits auprès de Chûya. Le sexe avait quelque chose d'addictif... En tout cas, il avait découvert qu'il pouvait s'entendre à merveille avec Akutagawa, et... ça ne lui déplaisait pas forcément. Akutagawa aussi avait l'air d'aimer ça...
Ce fut d'ailleurs lui qui l'interrompit dans ses pensées, en se penchant vers lui.
— Qu'est-ce que tu fais, demanda Atsushi en sursautant.
— Tu ronronnes, demanda Akutagawa d'un air surpris.
— Quoi, s'exclama Atsushi en rougissant.
— Ce que j'entends depuis tout à l'heure, ce sont des ronronnements. Tu ronronnes ?
— M-Mais non !
— Comment tu peux ronronner ?
— Je ne ronronne pas !
— Je l'ai entendu.
— Non, je ronronne pas, c'est les chats qui ronronnent !
— Si tu le dis, répliqua Akutagawa en enfouissant un sushi dans sa bouche.
Un ronronnement, n'importe quoi...
... Bon, d'accord, Atsushi ronronnait. Il savait depuis longtemps qu'il pouvait le faire, il l'avait découvert lorsque Kyoka et Ranpo s'étaient amusés à lui caresser les cheveux pour le faire ronronner, mais il ne l'avait jamais dit à Akutagawa ! C'était assez gênant, même si cette capacité venait de son pouvoir, ça pouvait paraître étrange... Il ne voulait pas qu'Akutagawa le prenne pour un animal.
Même si Atsushi l'avait déjà griffé sans faire exprès, et qu'il l'avait déjà mordu avec ses crocs sans le vouloir, ce qui lui avait valu un bon coup de coussin dans la tête. Il n'y pouvait rien, parfois son excitation déclenchait son pouvoir et faisait sortir ses griffes et ses crocs... Mais entre ça et ronronner, il y avait une différence. S'il ronronnait, c'était qu'il était heureux d'être avec Akutagawa, et si Akutagawa le comprenait, ça allait être très gênant... mieux valait faire comme si de rien était.
Le jeune homme reporta alors son attention sur son bento et tenta d'ignorer Akutagawa près de lui. Par chance, Akutagawa sembla passer à autre chose, et finit par poser son bento sur la table devant lui. Il allait sûrement partir, lui aussi devait avoir du travail.
Mais il leva soudain sa main et la posa sur la tête d'Atsushi pour lui gratter la tête, avant qu'il n'ait le temps de réagir.
— Tu vois que tu ronronnes, dit-il d'un air supérieur, satisfait d'avoir raison.
   — Arrête, c'est gênant, s'exclama Atsushi en essayant de s'écarter.
   — Tu miaules aussi, demanda Akutagawa sans arrêter de lui caresser les cheveux.
   — Mais non, gémit Atsushi avec gêne, en tentant de l'éviter. 
   — Et tu fais ta toilette, continua Akutagawa en passant sa main sous son menton pour le chatouiller.
   — Arrête de te moquer !
   Pourquoi, sur les milliers de pouvoirs qui existaient, Atsushi avait dû tomber sur celui qui lui attribuait certaines caractéristiques des félins ?! Et pourquoi avait-il fallu que l'une de ces caractéristiques soit le ronronnement ?! Et pourquoi devait-il ronronner devant Akutagawa ?!! C'était tellement gênant...
   Mais ça avait l'air de beaucoup amuser son amant-ennemi, Akutagawa prenait un malin plaisir à le chatouiller pour le faire ronronner. Il souriait, il riait même légèrement, et il le touchait avec un tel détachement qu'on pourrait croire qu'il était son petit ami. Atsushi ne s'en était pas rendu compte jusque-là, mais plus ils passaient de temps ensemble et plus le contact était facile entre eux. Un mois plutôt, Akutagawa ne l'aurait pas touché ainsi, il n'aurait jamais caressé ses cheveux ni chatouillé son menton, et aujourd'hui, il le faisait comme si c'était parfaitement naturel.
   Mais il n'y avait pas que cela. Ils étaient beaucoup plus proches l'un de l'autre, lorsqu'ils s'asseyaient leur genou se touchait, leur bras se frôlaient lorsqu'ils marchaient côte à côte, Atsushi avait même déjà posé sa main sur la cuisse d'Akutagawa sans s'en rendre compte ! Dans leur intimité aussi ils étaient plus proches. Atsushi connaissait par cœur le corps d'Akutagawa à force de l'avoir touché, ses lèvres aussi l'avaient découvert, et elles avaient pu parcourir chaque centimètre de sa peau jusqu'à ce qu'il soit encré dans son esprit. Mais le plus étrange, un soir Akutagawa était venu chez Atsushi en étant très malade, et ils avaient dormi ensemble sans rien faire. Ils ne dormaient jamais ensemble sans raison, d'habitude ils... ils couchaient ensemble... et ensuite ils s'écroulaient de fatigue. Mais Akutagawa ne venait pas juste pour dormir, et excepté ce soir-là, il ne s'était jamais blotti dans ses bras...
   D'ailleurs, après cette nuit avec lui, Atsushi était tombé malade, et Ranpo avait immédiatement compris pourquoi. Il était alors parti le raconter à toute l'agence, et Atsushi avait dû lui offrir un carton de confiseries pour le faire taire. Il devait vraiment être plus prudent...
   En tout cas, sa relation avec Akutagawa n'était plus la même. Il était incapable de dire s'ils étaient toujours vraiment ennemis. Atsushi avait l'impression que son corps appartenait à Akutagawa, et qu'en échange il possédait aussi son corps. Il pouvait le toucher, l'embrasser, le caresser, sans que cela ne soit vraiment bizarre. C'était une sensation particulière... Et le plus déroutant, c'était de voir Akutagawa sourire et rire, comme en ce moment. Atsushi ne l'avait jamais vu ainsi. Il l'avait toujours vu rire sadiquement, sourire avec provocation, mais pas... pas faire de vrai sourire...
   Atsushi tourna la tête vers Akutagawa et regarda son sourire. Il était doux, timide, et bien plus fragile que les sourires de triomphe qu'il avait lors de leurs combats. C'était un magnifique sourire. Mais lorsqu'Akutagawa se rendit compte qu'il le regardait, il s'arrêta immédiatement de sourire et retira sa main.
   — Qu'est-ce qu'il y a ?
   — Je te vois pas souvent sourire, expliqua Atsushi d'un air attendri.
   — J'ai pas de raison de sourire.
   — On trouve toujours des raisons de sourire.
   — J'ai pas très envie de sourire quand je travaille et que je tue quelqu'un, répondit Akutagawa avec indifférence.
   — Oui c'est logique... Mais t'es mignon quand tu souris, avoua Atsushi en rougissant. 
   — Je vois pas ce qu'il y a de mignon, c'est juste un sourire.
   — C'est vrai. Mais quand tu souris ton visage est plus doux et tes yeux brillent, et j'aime bien de voir comme ça, expliqua le jeune homme avec gêne.
   — Oh... Merci...
   — Tu sais que les ronronnements procurent du bonheur, demanda Atsushi en penchant la tête.
   — Comment ça ?
   — Quand on sent le ronronnement d'un chat sur nous, ça nous détend et ça nous calme.
   — Et alors ?
   — Ça te ferait du bien...
   — Tu veux me ronronner dessus ou je rêve ?
   Atsushi sourit et posa son bento sur la table devant lui. Il se tourna ensuite vers Akutagawa et le poussa en arrière, pour le faire s'allonger sur le canapé. Akutagawa se laissa faire sans comprendre, et Atsushi vint s'allonger sur lui avec timidité. Il posa sa tête sur sa poitrine pour écouter son cœur, prit les mains de son amant, et les posa sur cheveux pour qu'il le caresse. Akutagawa resta immobile un instant, sûrement trop surpris pour réagir, avant de commencer à délicatement le caresser.
   Ses doigts s'enfoncèrent dans ses cheveux et massèrent doucement son crâne, ses pouces dessinèrent des cercles sur ses tempes, il ramena lentement en arrière des mèches qui tombaient sur son front. Atsushi ferma les yeux et de nouveaux ronronnements s'élevèrent. Il se sentait bien ainsi, les caresses d'Akutagawa le détendaient, la mélodie de son cœur l'apaisait, et le léger parfum qui imprégnait sa peau embaumait son esprit et suspendait ses pensées. C'était si bon, de sentir son corps chaud sous le sien, d'être blotti dans sa chaleur, protéger par ses bras autour de lui. Si dormir sur un nuage était possible, cela ferait sûrement la même sensation que d'être dans les bras d'Akutagawa. Doux, chaud, hors du temps et inoubliable. C'était la plus belle sensation qu'Atsushi n'ait jamais ressentie.   
   — C'est notre première fois..., murmura Akutagawa au bout d'un moment.
   — Notre première fois ?
   — Ce que font les couples. Se caresser, s'embrasser...
   — Des papouilles ?
   — Oui. C'est la première fois qu'on s'en fait.
   Atsushi ne répondit rien. Akutagawa avait raison, c'était leur premier moment de tendresse ensemble. Un moment de tendresse avec son ennemi... Tout cela avait de moins en moins de sens...
— C'est agréable, dit Akutagawa d'une voix plus posée.
— Oui... J'aime bien être dans tes bras...
   — J'aime bien que tu sois dans les bras.
   Atsushi sourit et leva la tête vers Akutagawa. Encore une fois, ses lèvres portaient ce doux sourire qu'il avait eu tout à l'heure, et Atsushi voulait de plus en plus y goûter.
   — Je peux t'embrasser, demanda-t-il en se redressant sur ses avants-bras, pour se pencher au-dessus d'Akutagawa.
   — J'ai pas envie de sexe.
   — Non ! Non je voulais dire... juste t'embrasser...
   — Pourquoi ?
   — Pour... Je sais pas, j'en ai envie... C'est pas grave si tu veux pas.
   Atsushi allait se rallonger sur lui, mais Akutagawa prit son visage entre ses mains et l'attira vers lui. Il l'embrassa de lui-même, et Atsushi lui rendit son baiser avec soulagement. C'était la première fois qu'ils s'embrassaient dans un contexte aussi... normal, aussi calme. Chaque baiser qu'ils avaient échangé était plein de plaisir, ils étaient toujours suivis de caresses sensuelles, de gémissements, d'halètements. Mais aujourd'hui, c'était un baiser doux, délicat, timide. Leurs lèvres se mouvaient les unes contre les autres avec lenteur, elles ne s'abîmaient pas, ne se froissaient pas. Ils faisaient preuve d'une délicatesse nouvelle, et Atsushi adorait cela.
   Ils continuèrent de s'embrasser un moment, si bien qu'Akutagawa serra ses jambes autour de sa taille. Mais ils durent se séparer lorsqu'ils furent à bout de souffle, et Atsushi s'écarta timidement de lui pour se rallonger sur son torse.
   — Est-ce que... c'est normal de vouloir t'embrasser sans raison, demanda-t-il avec gêne.
   — Pas plus que de passer des nuits avec moi, répondit Akutagawa en plongea sa main dans ses cheveux. Tu as déjà eu envie de m'embrasser ?
   — J'y pensais pas avant... Mais depuis qu'on... depuis notre première fois, oui, j'ai souvent eu envie.
   — Moi aussi.
   — Pourquoi tu ne l'as jamais fait ?
   — Je me suis dit que t'embrasser pour te dire bonjour serait un peu étrange.
   En effet, ça le donnerait encore plus l'impression d'être un couple... Mais ça ne dérangerait pas Atsushi...
   — Heureusement que tu n'habites pas au rez-de-chaussée, parce que si quelqu'un de l'agence était passé devant tes fenêtres, il nous aurait vus et on aurait plus été tranquille, finit par dire Akutagawa.
— C'est vrai, surtout si c'était Dazai. Il l'aurait répété à tout le monde !
— Pourquoi tu n'as pas de rideaux devant tes fenêtres ?
— Parce que j'adore regarder la nuit, répondit Atsushi alors qu'Akutagawa ramenait doucement une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle me fait penser à toi.
— Pourquoi ?
— Avec ton manteau noir, c'est comme si tu portais la nuit autour de toi. Il est aussi noir que le ciel, ton visage est aussi clair que la lune, et ta peau brille comme si elle était éclairée par les étoiles. Quand je regarde la nuit, c'est comme si je te regardais toi, murmura Atsushi avec un sourire.
Akutagawa ne répondit rien, et Atsushi put entendre son cœur changer de cadence dans sa poitrine. Ils restèrent un moment ainsi, le silence n'était pas gênant, Atsushi avait l'habitude de rester dans les bras de son amant sans parler, et il n'attendait pas de réponse de sa part. Il avait bien conscience qu'il venait presque de lui faire une déclaration, mais... Il ne voulait pas cacher ses sentiments, il ne voulait pas prendre de court Akutagawa en lui révélant trop tard...
   — Atsushi, t'as déjà pensé qu'on devait arrêter de se voir, demanda Akutagawa sans cesser de le caresser.
   — Oui souvent.
   — Alors pourquoi est-ce que tu ne m'as jamais repoussé ?
   — Je me dis que si Dazai peut avoir Chûya... Moi aussi je peux avoir mon ennemi...
   — Dazai a fait du mal à Chûya.
   — Mais Chûya l'aime quand même.
   — Dazai l'abandonnera un jour en se suicidant.
   — Il ne se suicidera vraiment que lorsqu'il aura perdu Chûya. Ils ne peuvent pas exister l'un sans l'autre, Chûya a besoin de Dazai s'il veut vivre avec son pouvoir, et Dazai à besoin de Chûya pour avoir une raison de vivre. L'un sans l'autre ça n'aurait pas de sens.
   — Mais toi tu peux vivre sans moi, murmura Akutagawa.
   — Peut-être... Mais j'en ai jamais eu envie, répondit Atsushi à voix basse. Pour moi, tu es devenu... juste Ryû... Et j'aime ça. J'ai peut-être pas besoin de toi dans le sens où si tu n'es pas là pour m'arrêter, je mourrais. On n'est pas Dazai et Chûya, on n'est pas deux diamants faits pour se polir et nos pouvoirs ne sont pas aussi étroitement reliés... Mais quand je suis avec toi j'ai l'impression d'être fait sur mesure pour toi. J'aime me battre contre toi, mais j'aime encore plus me battre avec toi. J'aime voir ton pouvoir se mêler aux miens comme s'ils étaient deux faces d'une même pièce. J'aime sentir ta pensée courir avec la mienne et te parler sans prononcer le moindre mot. Et maintenant j'aime passer du temps avec toi...
   — Atsushi je-
   — Que tu le veuilles ou non, j'aime ta présence et je veux pas retourner à ce moment où on se comportait comme de simples ennemis. Je veux que tu continues de venir chez moi et de dormir avec moi, soupira Atsushi sans oser la tête vers Akutagawa. Je veux que tu continues d'être seulement Ryû avec moi...
   — Atsushi... Me laisse pas tomber amoureux..., souffla Akutagawa avec désespoir.
   — Je peux pas t'en empêcher... Moi aussi je tombe amoureux...

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Coucou ! Pour la semaine prochaine, j'ai deux intrigues à vous proposer. La première, c'est une intrigue entièrement sur Fyodor et Nikolaï, dans laquelle ils sont colocataires et Nikolaï est malade, donc Fyodor s'occupe de lui (ce n'est pas une intrigue triste.). La deuxième, c'est avec le soukoku, shin soukoku et le Fyolai, un peu dans le contexte de l'animé. Atsushi, Aku, Dazai et Chûya partent à la recherche de Fyodor et Nikolaï, donc ils partent en voyage et doivent dormir dans un hôtel (oui, il a le délire de « un lit pour deux »).

Lequel vous préférez ?

Zoubi zoubi :)

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant