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SUR LES PAS DES ANGES

La dispute

────── ҉ ───────

   — ... J'ai peur de dormir dans le noir.
   — Oh la la mais t'as quel âge, s'énerva Nikolaï.  
   — J'y peux rien si j'ai peur, je suis en pleine période de panique, se défendit Sigma. En plus il y a de l'orage, et j'ai peur de l'orage !
   — Oh mon d-... Sigma grandis je t'en supplie ! C'est pas parce que t'as trois ans que tu dois te comporter comme un bébé !
   — Je suis grand, j'ai pas choisi d'avoir peur ! J'aime pas l'orage, en plus on est près des arbres, on peut prendre feu ! Et il fait super sombre ici, à la campagne y'a moins de lumière qu'en ville et j'aime pas le noir, et on est en cavale alors j'ai peur ! Je veux pas qu'on éteigne !
   — Fyodor fais quelque chose, supplia Nikolaï en se roulant dans son lit. Sigma veut pas se coucher !
   — J'ai peur !
   — Mais arrête d'avoir peur !
   — Je peux pas !
   — Fyodor occupe-toi de ce gamin !
   Quel gamin au juste ? Celui qui avait peur du noir et de l'orage, alors qu'il était tout de même un criminel, ou celui qui se roulait dans son lit depuis dix minutes en se plaignant ? Non parce que Fyodor avait du mal à déterminer lequel des deux étaient le plus immature. Dans une situation pareille, il valait mieux ignorer et les laisser se chamailler dans leur coin. Fyodor fit alors comme s'il n'entendait rien du tout, et tourna calmement une page de son livre. C'était un livre de métro, il l'avait pris au hasard dans une gare, histoire de se divertir un peu.
   La nuit était tombée, et ils avaient fini par abandonner la voiture qu'ils utilisaient pour se déplacer. C'était ça ou Nikolaï, qui avait pris le volant pour détendre Fyodor, les tuait dans un accident. Il conduisait encore plus mal que Sigma, il roulait beaucoup trop vite, il freinait brusquement, et il ne tenait même pas le volant. C'était un vrai danger ambulant, Fyodor avait sérieusement cru que son heure était arrivée. Mais ils étaient arrivés en vie jusqu'à une gare, alors ils s'étaient rabattus sur les trains, et avaient fini par arriver dans une ville de campagne. Fyodor avait réussi à trouver un hôtel, heureusement, et même s'il devait partager sa chambre, il avait au moins son propre lit.
   Il aimerait bien pouvoir se reposer car il était exténué, mais avec Sigma qui gémissait parce qu'il avait peur de l'orage, et Nikolaï qui faisait le clown dans son lit... C'était impossible de fermer l'œil.
   — Sigma, comment tu veux qu'on fasse la fête si t'as peur de l'orage, reprit Nikolaï en se contorsionnant dans son lit.
   — Je veux pas faire la fête, je veux dormir dans un endroit sécurisé !
   — Et ben va en prison, qu'est-ce que tu veux que je te dise ?!
   — J'ai pas envie !
   — Moi non plus je veux pas aller en prison !
   — Si vous dites un seul mot de plus, j'appelle Dazai pour qu'il vienne vous chercher et vous serez tous les deux en prison, déclara Fyodor en refermant sèchement son livre.
   Nikolaï et Sigma se turent immédiatement. C'étaient de vrais enfants, ils étaient insupportables. Mais Fyodor devait rester calme, sinon il allait vraiment finir par les tuer. Ce serait dommage de perdre ses compagnons à ce stade. Au lieu de leur crier dessus et de s'énerver, il ferait mieux de trouver une solution pour Sigma.
   — Tu veux qu'on change de chambre, demanda-t-il d'un air patient.
   — Non...
   — Si tu veux on peut aller chercher un somnifère, ça t'aiderait à dormir.
   — Oui je veux bien, dit Sigma en hochant la tête.
   — Très bien, Nikolaï vas-y, ordonna Fyodor en rouvrant son livre.
   — Quoi ?! Pourquoi moi ?!
   — Tu tournes en rond, ça t'occupera.
   — Mais-
   — Il n'y a pas de mais, vas-y, tu nous fais perdre du temps.
   — C'est toujours moi qui fais les tâches ingrates..., marmonna Nikolaï en se relevant.
   — Je peux y aller, s'exclama soudain Sigma en se levant. Je reviens !
   Fyodor leva les yeux de son livre, et le regarda trottiner pour sortir de la chambre. Il ne voulait sûrement pas rester seul avec lui. Il était beaucoup trop peureux...
   — On est tous les deux, fit remarquer Nikolaï avec un grand sourire.
   — Hmm, marmonna Fyodor en se replongeant dans sa lecture.
   — Sans personne d'autre.
   — Oui, c'est le principe de n'être que deux.
   — On est rarement seuls, il faut en profiter !
   — Hmm.
   Nikolaï contourna son lit et vint s'asseoir près de Fyodor, en se collant volontairement à lui. Fyodor sentait très bien son regard insistant sur lui, et il avait très bien compris que Nikolaï avait une idée en tête. Mais il aimait bien l'ignorer et faire comme s'il ne le remarquait pas, alors il continua de lire tranquillement, comme si Nikolaï n'était pas là.
   — On peut s'amuser tous les deux, non ?
   — Hmm.
   — L'occasion se présentera rarement !
   — Hmm.
— Tu veux pas ?
— Hmm.
Fyodor sentit le regard mécontent de Nikolaï sur lui, mais il continua de l'ignorer. Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait en tête, mais il savait qu'il voulait faire une bêtise. Et Nikolaï était du genre à toujours faire de grosses bêtises. Fyodor n'avait aucune idée du genre de bêtise qu'il voulait faire, mais il préférait ne pas le suivre dans son délire.
Il voulait juste se reposer, et que Nikolaï reste près de lui. Son corps était collé au sien, leur jambe se touchait, leur bras aussi, et d'ici Fyodor pouvait sentir le parfum de Nikolaï. Un mélange de menthe, de fraîcheur, et de primevère. Son parfum était léger, pour le sentir il fallait prendre son temps, se concentrer, et laisser son odeur flotter dans l'air. Fyodor ne le sentait pas toujours, seulement lorsque Nikolaï s'approchait de lui et le prenait dans ses bras, ou alors qu'il restait immobile à côté de lui, légèrement en retrait, et que son parfum pouvait s'envoler jusqu'à lui.
Il se sentait bien ainsi, baignant dans la douce odeur de Nikolaï. Lorsqu'il ne le connaissait pas encore, Fyodor se disait qu'il devait sentir l'alcool, le jeu, la tentation, la folie. Une odeur prenante, étourdissante, qui donnait la nausée. Mais ce n'était pas le cas. Son odeur était aussi légère et fraîche que la couleur qu'il portait, aussi pure que le blanc qui le couvrait. Et quand Fyodor la respirait, qu'elle l'entourait et emplissait ses poumons, il sentait un agréable froid se répandre en lui. C'était différent du froid polaire de la neige, du vide glacial de la solitude. C'était un froid calme et doux, comme un souffle nouveau, et Fyodor l'adorait. Il se sentait bien avec Nikolaï.
Alors il n'avait pas envie que Nikolaï s'en aille faire n'importe quelle bêtise, il voulait juste rester à ses côtés.
— Hé arrête de m'ignorer, dit Nikolaï d'un air boudeur.
— Je suis en train de lire, j'ai pas envie de m'amuser. Mais tu peux rester à côté de moi.
— Mais tu sais même pas comment je veux m'amuser !
— Non, mais je sais que demain on aura encore beaucoup de trajet, alors on doit se reposer.
Nikolai ne répondit pas, il laissa seulement sa tête tomber sur son épaule, et Fyodor tourna une page de son livre. Mais il n'eut pas le temps de terminer la première phrase de la page qu'il sentit des lèvres se poser au creux de son cou. Il se raidit aussitôt, les yeux fixés sur un mot qu'il n'arrivait plus à lire, et ses mains devinrent moites. Était-il en train de rêver ou les lèvres de Nikolaï venaient bel et bien de se poser sur lui ?!
— Nikolaï qu'est-ce que tu...
— Chut... Laisse-moi faire..., dit Nikolaï en remontant le long de sa peau.
Fyodor le laissa l'embrasser, incapable de bouger, et Nikolaï lécha soudain sa gorge. Fyodor écarquilla les yeux en s'agrippant à son livre, alors que le rouge lui montait aux joues. Mais qu'est-ce qui prenait Nikolaï ?! Il l'embrassait ?! Mais pourquoi ? Est-ce que c'était une provocation ? Une manière pour lui de... jouer ? Ou alors il... il essayait de lui faire passer un message ?! Et pourquoi l'une de ses mains venait de se poser sur sa cuisse et la serrait ?!
— Nikolaï... Qu'est-ce qui te prend ?
Son ami sourit contre sa peau, en laissant une traînée de baisers sur son passage, et arriva près de son oreille.
— C'est comme ça que je veux m'amuser..., dit-il d'une voix plus grave que d'habitude.
— Quoi ?!
   — Sigma est parti chercher un somnifère alors on est tous seuls, il faut qu'on en profite... Je propose que nous commencions ton éducation sexuelle, expliqua Nikolaï en passant sa langue sur son lobe.
   — Pardon, demanda Fyodor avec un petit rire.
— Je ferais que ce dont t'as envie, t'inquiète pas. Fyodor t'as la peau toute douce... Je suis sûr que si la neige avait un goût, elle aurait celui de ta peau...
— T'es pas sérieux, dit Fyodor, qui était de plus en plus rouge.
— Fyodor... Tu t'es déjà touché, demanda Nikolaï en lui prenant le menton pour tourner son visage vers lui.
— ... Quoi ?
— Entre les jambes. Tu t'es déjà touché, répéta Nikolaï, tout près de ses lèvres.
Fyodor dévisagea Nikolaï, le souffle court. Est-ce qu'il plaisantait ? Non, il avait l'air parfaitement sérieux... Ou alors c'était Fyodor qui comprenait mal. Oui, c'était forcément ça. Nikolaï ne pouvait pas être en train de lui demander cela...
— Tu t'es déjà fait du bien, insista son ami en souriant.
   Fyodor avait bien compris, il lui parlait vraiment de sexe. Nikolaï lui demandait vraiment s'il s'était déjà masturbé. Il lui avait souvent posé des questions tordues, déplacées ou gênantes, mais alors là... Nikolaï battait ses propres records. Il n'était pas dans son état normal, ce n'était pas possible...
Pourtant, il avait l'air parfaitement sérieux et maître de lui-même. Ses yeux étaient voilés, beaucoup plus brillants que d'habitude, mais il était bien dans son état normal.
— Alors, demanda Nikolaï en caressant ton menton.
Fyodor ouvrit la bouche, mais il ne réussit pas à parler.
Il s'était déjà touché. Sa main avait déjà glissé entre ses cuisses pour faire naître son plaisir, il avait déjà offert quelques caresses à son intimité, dans l'espoir de perdre ses esprits et de monter au paradis... Mais il n'avait jamais vraiment réussi. C'était agréable, mais sans plus. Il s'ennuyait rapidement, son esprit divaguait, et il finissait toujours par penser à autre chose. Il n'arrivait jamais à prendre de plaisir. Mais... Peut-être que Nikolai parviendrait à changer cela ?
— Je n'y arrive pas vraiment...
— Si tu veux je peux t'aider, dit Nikolaï, si près de ses lèvres que Fyodor les sentit effleurer les siennes. Je peux te toucher ?
Il venait vraiment de lui demander l'autorisation de le toucher ? C'était bien la première fois que ça lui arrivait, c'était vraiment surprenant. Fyodor n'aurait jamais imaginé qu'on lui demande une telle autorisation un jour...
— C'est plutôt à moi de te demander ça. T'as pas peur ?
Nikolaï eut un petit rictus d'amusement.
— Fyodor, je t'embrasse depuis tout à l'heure. Et au pire, j'adorerais mourir en faisant l'amour, dit-il avec satisfaction.
Il n'avait aucune idée de ce qu'avait l'intention de faire Nikolaï, mais Fyodor mourrait d'envie de sentir ses mains sur lui, et Nikolaï l'avait très bien compris. Il glissa sa main entre ses jambes et la posa sur son intimité, faisant rougir Fyodor, et sa paume épousa la forme de la bosse qui apparaissait sur son pantalon. La main de Nikolaï était entre ses jambes, et ses lèvres étaient de nouveau posées sur son cou... Il devait se calmer, tout allait bien se passer. Fyodor n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire, les baisers de Nikolai l'empêchaient de réfléchir, et pour la première fois il sentait un réel plaisir grimper en lui...
Mais... Il ne pouvait pas le faire... Nikolaï comptait pour lui, mais il savait que ce n'était pas réciproque. Sigma lui avait dit qu'il voulait le tuer et qu'il lui avait demandé son aide. Nikolaï voulait le tuer... Et si Fyodor était prêt à ignorer cela pour rester avec lui, il n'était pas sûr d'être capable de coucher avec lui. C'était trop lui en demander, il ne voulait pas que Nikolaï lui mente à ce point...
   — T'es sûr que t'en as envie, demanda Fyodor en le sentant jouer avec l'élastique de son caleçon.
— Oui. Depuis toujours, et depuis que je t'ai vu en prisonnier, j'en ai encore plus envie. En plus je suis super jaloux que t'aies passé autant de temps en prison avec Dazai. Maintenant je te veux pour moi tout seul... et je sais que tu le veux aussi, dit Nikolaï en serrant son entrejambe.
— Nikolaï..., murmura Fyodor en s'accrochant à son poignet. Arrête tout ça, je sais que tu le fais parce que tu veux me tuer...
La main de Nikolaï s'immobilisa et ses lèvres restèrent suspendues à quelques centimètres de lui. Il resta un moment ainsi, comme paralysé, avant de s'écarter et de regarder Fyodor sans comprendre. Fyodor en profita pour reprendre son souffle et s'écarta, ses joues étaient toutes rouges à présent, et son entrejambe le brûlait d'une étrange manière, ça ne lui était jamais arrivé...
— Qu'est-ce que tu viens de dire, demanda Nikolaï en fronçant les sourcils.
— Ne fais pas semblant d'avoir envie de moi, je sais que tu veux juste me tuer, dit Fyodor, la main posée sur son cœur pour se calmer.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Sigma me l'a dit, et je m'en doutais.
— Attends, qu'est-ce qu'il t'a dit ?
— Que j'étais ton seul et unique ami, et que c'était pour ça que tu voulais me tuer. Pour ne plus rien ressentir. Je suppose que coucher avec moi me rendrait encore plus important, et donc la satisfaction de me tuer n'en serait que plus grande, expliqua Fyodor d'un air impassible. Désolé mais je ne vais pas te donner cette satisfaction.
— Non, je... Fyodor c'est pas du tout ça, ça n'a rien à voir, s'empressa de dire Nikolaï.
— Mais tu veux me tuer.
— Non ! Enfin oui mais- Non ! Je voulais, c'était ce que j'avais prévu pas je... Je le veux pas vraiment ! Entre temps il s'est passé des choses et... Je veux pas te tuer ! Enfin il n'est pas question de toi, c'est... C'est par rapport à moi, ça ne veut pas dire que je t'aime pas, au contraire justement ! Mais je ne veux pas vraiment te tuer !
— C'est bon Nikolaï, je m'en fiche.
— Mais non tu te trompes ! Tu peux me faire confiance, je te le jure !
   — Je ne fais confiance à personne, et personne ne me fait confiance, c'est comme ça. Sors de mon lit.
   — Non Fyodor attends, moi je te fais confiance et tu peux me faire confiance !
   — Nikolaï... Tu étais le seul avec qui je m'autorisais de baisser mes gardes. Et j'aurais aimé que ça reste comme ça. Mais là... C'est juste... Trop pour moi. Arrête s'il te plaît.
   — Mais je-
   — Arrête de faire semblant, ça ne sert plus à rien. Tu peux arrêter d'essayer de te rapprocher de moi, et je sais très bien que tu préfères Sigma.
   — Non pas du-
   — Tu lui as demandé de l'aide pour me tuer et il a été ravi d'accepter.
   — Sigma c'est personne pour moi !
   — Si tu le dis.
— Non, c'est vrai je te-
— Nikolaï je suis sérieux, lâche-moi, dit froidement Fyodor avec un regard sombre.
Nikolaï ouvrit la bouche pour répliquer, mais en voyant son regard, il se ravisa et se releva. Fyodor détourna la tête de lui et rouvrit son livre, mais il ne réussit pas à lire une seule phrase. Il n'aurait pas dû dire cela à Nikolaï, maintenant tout allait changer entre eux. Mais il n'avait pas réfléchi, il n'avait rien trouvé d'autre pour que Nikolaï arrête de le toucher. Il aurait pu lui dire stop, ou juste non, mais au moins ses raisons étaient claires.
Il était prêt à s'offrir à lui, si ça ne tenait qu'à lui, il serait déjà dans ses bras à l'embrasser avec fureur. Mais il ne pouvait pas faire comme s'il ne savait rien des intentions de Nikolaï. Il savait qu'il voulait le tuer, et il ne pouvait pas l'ignorer. C'était déjà suffisamment blessant de savoir que la seule personne à qui il tenait voulait sa mort, si en plus il couchait avec lui... Ça ne serait que plus douloureux.
Tout allait être différent entre eux désormais, Nikolaï allait sûrement changer de comportement. Rester avec lui n'avait plus d'intérêt, ça n'en avait jamais eu mais... Avant, Fyodor pouvait se raccrocher à leur relation d'une certaine manière, il pouvait se dire que Nikolaï n'avait pas de raison de l'abandonner...
Le jeune homme ferma son livre et sortit de son lit. Il s'accroupit près de la fenêtre à côté de lui et rassembla ses affaires, avant d'enfiler son manteau et de se relever.
— Qu'est-ce que tu fais, demanda Nikolaï en remarquant qu'il se rhabillait.
— Je pars.
— Où ça ?!
— Je rentre chez moi.
— Quoi ?! Mais on ira à l'aéroport demain !
— Non, j'y irai seul.
— Fyodor, tu peux pas partir pour ça, je suis désolé !
— Je pars parce que c'est mieux pour nous tous, pas seulement à cause de... ça. Je veux rentrer chez moi et vous voulez rester ici, et on ne s'entend pas, c'est mieux qu'on se sépare maintenant, déclara Fyodor en passant devant Nikolaï pour sortir.
— Mais si, on s'entend très bien, on est une équipe, s'exclama Nikolaï en le retenant par le bras.
Vous êtes une équipe, moi je n'en ai jamais fait partie.
— Bien sûr que si !
— Tu trouves ? Pourtant il est toujours question de vous deux. Vous vous alliez, vous choisissez de partir en cavale. Je ne vous blâme pas, mais je dis juste que j'ai toujours été à part, c'est vous deux, et moi à côté. Peut-être parce que je suis censé diriger les opérations, mais c'est comme ça, dans notre trio, il y a votre duo. Surtout que vous voulez me tuer.
— Tu n'as jamais essayé de te rapprocher de nous.
— Je ne peux pas me rapprocher de ceux qui ont peur de moi, ni de ceux qui veulent me baiser pour me tuer, dit Fyodor d'un ton sec. Lâche-moi.
   Nikolaï le lâcha en détournant ses yeux, qui commençaient à étrangement briller. Fyodor n'y prêta pas attention et partit vers la porte, mais au moment où il fit un pas vers elle, il sentit un étrange trou noir l'aspirer, une vague de fraîcheur submergea son corps, et il se retrouva à l'autre bout de la chambre.
   — Laisse-moi partir, dit calmement Fyodor.
   Nikolaï ne répondit pas, il avait la tête baissée et semblait incapable de le regarder. Mais lorsque Fyodor se dirigea de nouveau vers la porte, un portail réapparut et il fut renvoyé près de la fenêtre de la chambre. Fyodor regarda Nikolaï avec colère. Il voulait vraiment jouer à ça avec lui ? Pourquoi s'entêtait-il à le retenir ici ? Il n'avait plus rien à gagner, c'était ridicule !
   — Nikolaï arrête, cria Fyodor en se faisant une nouvelle fois téléporter.
   — Je ne peux pas te laisser partir, je suis désolé, murmura Nikolaï en serrant les poings.
   Fyodor ne l'écouta pas et courut vers la sortie de la chambre, mais en vain. Furieux, il changea alors de tactique et fit volte-face. Avant que Nikolaï n'ait le temps de comprendre, il ouvrit la fenêtre près de lui et enjamba le rebord, et sauta aussi vite que possible. Il se trouvait au deuxième étage, mais avec de la chance il atterrirait sur les grandes poubelles de recyclage, qui étaient au pied de l'immeuble.
   Mais à peine eut-il sauté dans le vide qu'un portail s'ouvrit sous ses pieds, et il s'étala sur son propre lit, avant de tomber au sol.
   — Fyodor, c'est inutile ce que tu fais, dit Nikolaï en se tournant vers lui.
   — Qu'est-ce que tu veux, s'écria Fyodor avec colère.
   — Je veux que tu restes avec moi et que tu m'écoutes, je-
   — Et je t'ai dis non ! Nikolaï putain, non c'est non, je veux juste que tu me laisses, tu connais le consentement ?! Le consentement ça commence par la discussion, si je ne veux pas te parler, tu me lâches, et si je ne veux pas rester avec toi, dans la même pièce que toi, t'as pas le droit de me retenir !
— Fyodor, arrête, je veux juste te parler, j'ai jamais voulu te faire de mal, dit Nikolaï en s'agenouillant devant lui.
— Mais tu l'as fait.
— Je voulais...
— J'ai ignoré, je ne t'ai rien dit, j'ai fait comme si tout allait bien. Je t'ai laissé m'approcher, m'offrir ton contact, tout ça en sachant que tu voulais me tuer. Mais t'as pas le droit de me toucher, parce que tu sais que je peux pas t'éloigner. T'as pas le droit d'aller jusque-là, si tu veux me tuer fais-le, fais comme tout ceux qui veulent me détruire, mais t'as pas le droit de coucher avec moi. T'as pas le droit.
Fyodor se releva et tenta de partir, mais quelque chose d'invisible le bloqua et une horrible douleur tirailla son bras. Il tourna la tête sans comprendre, et vit que Nikolaï avait utilisé un nouveau portail. Mais cette fois-ci, il ne l'avait pas utilisé sur tout son corps. Un petit portail doré encerclait son poignet, comme s'il portait un étrange bracelet aux motifs solaires. Et sa main avait disparu, ou plutôt, elle avait été bloquée au sol près de Nikolaï, là où Fyodor se trouvait quelques secondes plus tôt.
C'était une sensation assez particulière, le cercle était frais et diffusait une sorte de brise dans le bras de Fyodor, il le sentait s'engourdir. Mais il ne sentait pas l'absence de sa main, il pouvait toujours la bouger à distance, c'était seulement douloureux lorsqu'il essayait de s'avancer. Il tira sur son bras avec force, mais il était impossible de bouger, son bras semblait enfoncé dans du ciment et tirer dessus était affreusement douloureux. Mais Fyodor continua de tirer, perdant de plus en plus son calme, sans que Nikolaï ne fasse quoi que ce soit pour l'aider. Il était prêt à s'arracher la main s'il le fallait, mais il ne voulait pas rester une seconde de plus ici.
— Tu vas te faire mal, prévint Nikolaï sans se tourner vers lui.
— Et alors ?!
Aucune réponse. Fyodor n'attendit pas que Nikolaï dise quelque chose, et il ne voulait pas l'entendre. Il continua de tirer sur son bras, en utilisant toute la force qu'il possédait. Il forçait tant que son bras bleuissait, prenant une étrange couleur pâle et effacée. Il devait avoir l'air fou, hystérique, à tirer ainsi sur son bras alors qu'il savait pertinemment que Nikolaï ne le relâcherait pas. Mais il voulait se libérer, il ne supportait pas de rester bloquer ici, ni de perdre son calme face à lui.
   Il parvenait toujours à contrôler ses émotions, il se mettait rarement dans un tel état, il faisait en sorte de ne jamais rien laisser paraître. Mais tous ses masques tombaient avec Nikolaï, il ne se reconnaissait plus. Il ne savait plus s'il était en colère contre lui pour le retenir ici, s'il lui en voulait de lui avoir donné envie de lui, s'il était jaloux de sa relation beaucoup plus saine et sincère avec Sigma... Ou s'il était seulement blessé. Il n'en savait rien, il n'avait plus ressenti de douleur depuis des années...
   — Fyodor, arrête, murmura Nikolaï avec impuissance.
   Son murmure était à peine audible à travers les gémissements de Fyodor, mais il l'entendit comme s'il avait chuchoté tout près de son oreille. Nikolaï glissa lentement sa main dans la sienne, et serra sa paume, sans le libérer pour autant. Sa main était chaude, moite, comme s'il venait de prendre une douche brûlante. Ou bien c'était la main de Fyodor qui était gelée. Il n'eut pas le courage de le repousser, alors il le laissa lui prendre sa main, et s'immobilisa.
   — Je veux pas que tu te fasses de mal, chuchota Nikolaï d'une voix tremblante. Ni que tu partes loin de moi. Fyodor... J'ai peur de ressentir quoi que ce soit et avec toi... C'est comme si un feu d'artifice explosait dans mon ventre. Je ressens, je vis avec toi, et ça m'effraie... J'ai toujours pensé que la liberté c'était s'affranchir des sentiments, et je réussissais à me sentir libre, à me sentir vide. Mais toi, tu fais naître des émotions en moi qui m'effraient, qui me donnent l'impression que je suis un monstre... La dernière fois que j'ai ressenti de telles choses, j'ai été traité comme un monstre, et... Je ne veux pas que tu me traites aussi comme ça... Alors j'ai voulu te tuer, oui, mais j'en suis incapable, et je refuse de te faire du mal, parce que ce que je ressens est trop fort.
   Les jambes de Fyodor cédèrent et il s'écroula au sol, laissant son bras suspendu au portail qui flottait dans les airs. Il avait compris ce que lui disait Nikolaï... Il avait compris, car lui aussi ressentait quelque chose d'effrayant pour lui.
   — On est deux hommes, murmura Nikolaï. On est deux hommes... Deux criminels, deux parias... Et tu es le seul à me faire ressentir quelque chose que j'aime autant que je déteste...
   — Me fais pas ça Nikolaï..., murmura Fyodor avec impuissance.
   — Je sais, je suis désolé Fyodor...
   — Je pourrais te tuer.
   — Ça ne m'empêchera pas de t'aimer.
   — Je t'ai utilisé pour nos plans.
   — Mais je t'aime. 
   — C'est à cause de moi qu'on a échoué, et qu'on en est là, s'exclama Fyodor.
   — Et je t'aime.
   — Arrête, je vais détruire ta vie, je détruis tout ce qui est autour de moi, je suis manipulateur et la vie n'est pour moi qu'une partie d'échecs que je refuse de perdre ! Tu ne peux pas m'aimer moi, et tu sais que je n'ai pas le droit de t'aimer parce que je suis dangereux, je traîne la mort partout avec moi, je pourrais te tuer n'importe quand ! Tu n'as pas le droit de me faire ça...
   Essoufflé, la voix pleine de sanglots, Fyodor se tut et ferma les yeux. Son cœur battait à toute vitesse dans sa poitrine, plus vite qu'il ne l'avait jamais fait. Il avait mal... Mais la douleur n'était pas que physique, elle se rependait dans tout son être et le brûlait, comme si un froid polaire grimpait en lui et déposait du givre sur ses veines.
   Nikolaï n'avait pas le droit de l'aimer. Pas après avoir voulu le tuer, pas après avoir été son seul ami et l'avoir trahi. Pas après avoir été le seul en qui Fyodor pouvait avoir confiance... Il n'avait pas le droit, Fyodor préfèrerait qu'il le déteste et le tue...
— Fyodor... J'aime que tu détruises tout ce que tu veuilles. Moi tu pourras pas me détruire, c'est pour ça que j'aurais jamais peur de toi.
— Tu devrais avoir peur.
— J'en suis incapable. S'il te plaît, ne me déteste pas pour ça..., murmura Nikolaï avant d'embrasser sa main.
   Un frisson parcourut la peau de Fyodor, avant qu'une vague de chaleur emplisse son bras prisonnier. Il sentit alors que son bras était de nouveau entier, et il put le baisser pour voir sa main au bout de son poignet.
— Je vais partir chercher Sigma, il a dû se perdre le connaissant, finit par dire Nikolaï en se relevant.
— Je pourrais partir en ton absence, dit Fyodor d'une voix tremblante.
— Je te retrouverai toujours.
Nikolaï ouvrit un portail devant lui et passa au travers, disparaissant instantanément. Fyodor resta au sol, incapable de bouger.
La sensation des lèvres de Nikolaï était encore présente sur le dos de sa main.

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Voici le premier os triste du recueil :(. Il faut bien passer par-là, tous les os ne peuvent pas être joyeux...
J'aime bien le Fyolai pour faire des histoires tristes. C'est le couple que je peux faire souffrir le plus facilement en tout cas, et j'aime bien ce que j'ai construit autour des personnages 👀

J'espère que l'os vous a plu :)

Zoubi zoubi mgl

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant