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LOIN DES YEUX ET TOUJOURS PRÈS DU CŒUR

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  Fyodor s'assit sur l'herbe, au milieu des fleurs blanches au cœur jaune, et ramena ses jambes en tailleurs près de lui. Il posa ses mains sur ses chevilles et ferma les yeux, pour laisser la nature prendre possession de ses sens, en espérant trouver un peu de repos. Il respira longuement le parfum floral qui flottait dans l'air. Il était discret, en passant rapidement par le jardin il n'était pas possible d'en sentir les différents composants. Mais en y faisant attention, Fyodor parvenait à distinguer l'odeur des pâquerettes qui l'entouraient. Il y avait aussi celui des roses qui longeaient le jardin, du jasmin, mêlé aux hortensias bleus en face de lui. Le parfum était doux, il n'était pas entêtant ni lourd, il était aussi léger que l'air.
   Il resta longtemps concentré sur cette odeur, les yeux clos, à sentir l'air caresser son visage. À écouter l'herbe danser dans le vent, les feuilles des arbres se frottaient les unes aux autres, les oiseaux lointains pousser de petits cris. Il écouta la nature et la ressentit, il fit de son mieux pour ne penser qu'à elle et apaiser son cœur. Mais au bout d'un moment, son esprit divagua, et il ne put s'empêcher de repenser à Nikolaï.
Trois jours s'étaient écoulés depuis qu'il lui avait envoyé ces photos, et depuis il n'avait toujours aucune nouvelle. Chûya ne parlait plus à Dazai non plus, mais... Lui au moins il avait eu une réaction. Il avait eu des messages depuis son départ.
   Cela faisait deux semaines qu'il était parti, et Nikolaï ne l'avait pas contacté une seule fois. Il ne lui avait pas demandé comment s'était déroulé son trajet jusqu'ici, s'il était bien arrivé, s'il s'entendait bien avec ses partenaires. Il ne lui avait pas demandé comment il allait, s'il n'avait pas eu de problèmes, s'il ne s'était pas blessé en mission. Il ne lui avait pas passé un appel, ni envoyé un message. Pas un « Bonne mission », ni un « Fais attention à toi ». Il ne lui avait pas porté la moindre attention depuis son départ, il n'avait pas cherché à le contacter, et il n'avait demandé de ses nouvelles à personne. Fyodor avait essayé de lui parler, il lui avait envoyé quelques messages pour lui transmettre des informations récoltées lors de sa mission. Officiellement, c'était pour que Nikolaï les transmette à Mori, mais Fyodor avait espéré que cela engagerait une conversation avec lui. Mais Nikolaï avait lu ses messages sans y répondre, et Fyodor n'avait pas osé lui demander comment il allait en voyant qu'il l'ignorait. Nikolaï n'avait même pas réagi à ses photos...
   Pourtant il les avait vues. Dazai avait réagi, il avait envoyé une dizaine de messages à Chûya pour lui demander des explications, il l'avait appelé, puis il était parti faire la tête dans son coin, et depuis il ne voulait plus parler à personne. C'était stupide, car cela n'arrangerait rien, mais au moins il avait réagi. Il avait montré qu'il était en colère, qu'il détestait voir Chûya proche de Fyodor, et que cela le blessait au fond. Mais Nikolaï n'avait rien fait. Il avait vu les photos, mais il n'avait pas répondu. Il n'avait pas appelé, il ne s'était pas énervé, il ne s'était pas plaint, pas même auprès d'un autre qui aurait pu le rapporter à Fyodor. Il n'avait rien fait, et son indifférence était pire que tout ce qu'avait pu imaginer Fyodor.
   Elle était terriblement douloureuse, et il ne savait pas comment réagir face à cette douleur qui le submergeait. Il savait qu'il n'aurait jamais dû embrasser Chûya, ni prendre des photos avec lui, et encore moins les envoyer à Nikolaï. Il savait que c'était mal, stupide et inutile, et il savait que tout était de sa faute. Mais il ne méritait pas de se faire ignorer de la sorte. C'était bien au-delà des photos envoyées, car Nikolaï ne lui adressait plus la parole depuis qu'il était parti, mais Fyodor ne comprenait pas pourquoi. Avait-il fait quelque chose de mal ? Il se souvenait être parti agacé, car Dazai lui avait rappelé que Nikolaï avait couché avec Sigma, mais c'était son droit d'être énervé, Nikolaï ne pouvait pas lui en vouloir. Alors pourquoi l'ignorait-il ainsi ? Était-ce parce qu'il était parti en mission sans lui ? Ou bien parce qu'il était juste... Loin de lui ? Alors c'était ainsi ? Si Fyodor n'était pas près de lui, il n'avait plus d'intérêt ? Nikolaï ne lui parlait que s'ils se voyaient, sinon c'était une perte de temps ?
   Ou bien Nikolaï l'ignorait car il avait déjà obtenu ce qu'il voulait. Fyodor avait couché avec lui, et depuis Nikolaï le regardait à peine. Il ne voyait pas d'autres explications. Nikolaï s'était rapproché de lui pour passer une nuit à ses côtés, et une fois fait, il l'avait oublié, et Fyodor avait beau s'accrocher à lui, il ne pourrait jamais retrouver l'attention que lui portait Nikolaï auparavant. Il avait l'impression d'être responsable de cette situation, d'être le seul problème dans cette histoire. Peut-être que tout était de sa faute après tout. Il n'aurait jamais dû s'attacher à lui, ni coucher avec lui. Mais Fyodor avait espéré, et pendant un instant, il avait cru que Nikolaï tenait à lui. Il lui avait tout offert, son amour, sa confiance, ses secrets, ses espoirs, et par-dessus tout, il lui avait offert son corps. Nikolaï lui avait pris sa virginité et il avait adoré cela, il lui avait ravi son innocence en le faisant crier son nom dans son lit, il avait marqué son corps, mordu sa peau, embrassé ses lèvres jusqu'à y laisser le goût des siennes. Fyodor pouvait encore le sentir contre lui. Il pouvait sentir son souffle sur ses lèvres, ses mains sur sa poitrine. Il avait l'impression que Nikolaï continuait de le toucher même sans être là, et il s'était senti nu à chaque fois qu'il avait croisé son regard depuis leur nuit ensemble.
   Leur nuit d'amour était ancrée dans son corps. Nikolaï l'avait comblé de bonheur, et il l'avait abandonné pour partir dans les bras d'un autre.
   Avait-il embrassé Sigma de la même manière qu'il l'avait embrassé lui ? Fyodor pouvait voir leur corps entremêlé, leur bassin s'emboîter, leur bouche s'unir. Comme s'il se trouvait juste devant eux, paralysé, et qu'il les regardait s'offrir l'un à l'autre avec passion. Il pouvait imaginer l'expression de plaisir de Sigma, ses sourcils froncés, sa bouche ouverte dans un cri de plaisir, ses yeux étroitement fermés. Il voyait son corps nu dans les bras de Nikolaï, ses bras et jambes qui entouraient son cou et sa taille, et comment son bassin descendrait sur le sien. Et il voyait Nikolaï. Il le voyait étreindre Sigma avec amour, lui dévorer la gorge avec passion, lui murmurer ses mots les plus doux. Il voyait son regard rempli de tendresse pour lui. Ses mains caresser ses cuisses. Ses baisers plein de désir. Il voyait tout, et cette vision lui était atroce.
Et si Nikolaï se vengeait en retournant avec lui ? Et s'il se vengeait des photos qui lui avait envoyées et partant dans les bras de Sigma ? Il pourrait le faire, ce ne serait pas surprenant... Un puissant sentiment de panique écrasa le cœur de Fyodor, si violemment que sa tête se mit à tourner, et qu'il oublia comment respirer pendant un instant. Il avait envoyé Nikolaï vers un autre. Il savait déjà qu'il n'était qu'une personne remplaçable pour lui, mais avec ses photos... Nikolaï ne manquerait pas de lui rappeler, et il ne le supporterait pas. Il avait gâché le peu de chose qui restait à sauver entre eux...
   Fyodor avait si mal qu'il en perdait le souffle. Son cœur noirci de chagrin se consumait dans sa poitrine, des fils de barbelés étranglaient sa gorge, et il se sentait s'effondrer. Il avait mal, et les larmes qui avaient commencé à tomber sur ses joues étaient des perles enflammées qui brûlaient son visage.
   Il ne voulait plus jamais ressentir cela, il ne voulait plus souffrir, ni ressentir d'amour. Il voudrait s'arracher le cœur de la poitrine et le piétiner lui-même pour ne plus rien éprouver. Il voudrait faire souffrir Nikolaï autant que lui l'avait fait souffrir, le faire se sentir comme un objet abandonné, comme un souvenir pour celui à qui il tenait. Il voudrait tuer Sigma et le torturer pour avoir embrassé Nikolaï. Il voulait le tuer. Le réduire en cendres, le faire souffrir jusqu'à ses dernières secondes de vie, l'anéantir et détruire tout ce qu'il possédait devant ses yeux. Il voulait qu'il souffre, qu'il ait mal, qu'il se sente mourir de l'intérieur. Il broierait son cœur dans ses mains s'il le pouvait, il lui ferait regretter d'avoir existé près de lui. Il voulait le voir s'écrouler à ses pieds, et le supplier de l'épargner, pleurer devant lui jusqu'à s'étouffer dans ses propres larmes.
Il sentait ses pouvoirs grimper en lui et pulser dans ses veines. Comme une coulée de lave qui ferait fondre son corps, ses pouvoirs bouillaient en lui et devenaient si puissants qu'ils seraient capable de tout anéantir. C'était aussi douloureux qu'agréable, sa douleur alimentait ses pouvoirs si bien que son corps ne parvenait plus à les contenir. Il les sentait s'échapper de lui et entraîner son fil de vie avec eux, comme s'il explosait avec eux.
   — Fyodor !
   Fyodor rouvrit soudain les yeux, sortant brutalement de sa transe, et battit des paupières pour chasser ses larmes. Gin se trouvait juste devant lui, elle ne portait plus son masque habituel, et elle semblait prise de panique.
   — Le jardin ! C'est toi qui as fait ça ?!
   Fyodor la regarda sans comprendre, puis il baissa la tête et écarquilla les yeux. L'herbe, qui était encore verte tout à l'heure, avait jauni comme si le soleil l'avait brûlée. Elle avait tellement brûlé par endroit qu'elles avaient disparu, ne laissant derrière elles qu'un sol poussiéreux et sec. Les pâquerettes avaient noirci, et plus loin, toutes les fleurs avaient fané. Leurs pétales jonchaient sur leurs racines, les tiges des roses s'étaient affaissées, les feuilles des arbres étaient toutes tombées, et les troncs étaient devenus secs, rigides et sombres. Une odeur de brûlé flottait même autour d'eux. Le jardin semblait être mort, empoisonné, et l'herbe était même devenue noire là où Fyodor était assis.
   C'était lui qui avait provoqué cela ? Il avait senti ses pouvoirs bouillir en lui mais... Il ne savait pas qu'il était capable de faire cela...
   — Je... Je l'avais pas remarqué, dit-il d'une voix bouleversée.
   — Le ciel est devenu sombre d'un coup, et tout a noirci en quelques secondes ici. Il y a même un arbre qui est tombé, alors j'ai eu peur, dit Gin en le regardant avec inquiétude.
   — Désolé...
   Gin fronça les sourcils et le regarda avec inquiétude, mais Fyodor n'ajouta rien. Étaient-ce ses envies de meurtre qui avaient provoqué cela ? Non, ce n'était jamais arrivé auparavant. C'était sa douleur qui avait détruit la nature autour de lui. Fyodor ne savait pas que c'était possible, il n'avait jamais détruit les vies de la nature...
Incapable de comprendre, il posa sa main au sol, et l'herbe noircit aussitôt. C'était bien lui qui avait fait cela.
   Il ferait mieux s'éloigner avant de tuer tout ce qui l'entourait. Fyodor voulut se relever, mais il remarqua que Gin continuait de le fixer d'un air inquiet, et il ne réussit pas à bouger. Il ne s'en était pas rendu compte, mais il s'était mis à pleurer, et il était incapable de cacher la douleur qu'il ressentait. Il ne savait plus quoi dire, il arrivait à peine à parler.
Sa douleur était-elle si visible ?
   — Je crois que tu as besoin de parler, finit par dire Gin en s'asseyant devant lui.
Elle s'assit en tailleur et l'étudia un moment, avant de se pencher vers lui et d'essuyer délicatement ses larmes. Ses pouces passèrent sur ses joues écorchées sans qu'elle ne manifeste la moindre peur, et Fyodor la laissa faire, trop surpris pour s'écarter. Il n'avait jamais vraiment passé de temps avec Gin, ils ne s'intéressaient pas plus que cela l'un à l'autre, et ils n'avaient jamais essayé de se rapprocher. Ils ne s'étaient jamais retrouvés seuls, c'était la première fois qu'ils n'étaient que tous les deux. Gin semblait réellement soucieuse de sa douleur, et Fyodor sentait qu'il pouvait lui parler librement. Gin dégageait un sentiment de réconfort et de sûreté.
Mais Fyodor ne savait pas par où commencer. Il n'avait jamais exprimé ce qu'il ressentait, la seule fois où il s'était ouvert à quelqu'un, c'était lorsqu'il avait dit à Nikolaï qu'il tenait à lui. Il lui avait fait entrevoir son cœur et Nikolaï en avait profité pour le briser. Et Fyodor sentait les débris de verre de son cœur gésir au fond de sa poitrine, le griffer sans répit, le faire inlassablement saigner. Il sentait son cœur couler dans ses larmes et déchirer ses joues, il se sentait réduit en lambeaux, mais ses saignements restaient invisibles. Et il ne savait pas comment dire à quel point il pouvait avoir mal. Les mots qu'il trouvait n'étaient pas assez puissants pour témoigner de sa peine.
Il ne réussit pas à parler, alors Gin lui vint en aide, et lui fit un petit sourire.
— Ça fait mal les peines de cœur, dit-elle avec calme.
Fyodor ne réussit pas à la regarder, il acquiesça difficilement, la tête baissée, laissant de nouvelles larmes tomber sur ses joues.
— J'ai l'impression... J'ai l'impression d'être une poupée brisée, dit Fyodor en battant des paupières.
Gin ne lui répondit pas et prit seulement sa main dans la sienne, éloignant de lui le sentiment de solitude qui le saisissait.
   — Je... Je ne sais pas quoi dire...
   — Tu peux me dire ce que tu ressens. Prends ton temps.
— Je... Nikolaï agit comme si je n'étais personne pour lui, e-et je comprends pas pourquoi, dit Fyodor d'une voix étranglée. J'ai l'impression d'être le problème a-alors que... Jusqu'à ce que je fasse des photos, j'avais rien fait... Il m'ignore et il me traite comme un étranger, a-alors qu'à Yokohama il... I-il... Tout allait bien entre nous jusqu'à ce qu'on couche ensemble... Et du jour au lendemain il m'a fait sortir de sa vie sans que je ne comprenne pourquoi, et il est parti coucher avec Sigma alors que Sigma savait très bien tout ce que je ressentais. J'ai l'impression d'avoir d'été utilisé et jeté...
Fyodor battit des paupières et son regard se perdit dans le vide, entre les fleurs aux pétales desséchés et les branches d'arbres courbées. Gin garda le silence, pour ne pas briser sa parole.
— Si Nikolaï m'avait dit qu'il ne m'aimait pas, j'aurais compris et je n'aurais pas cherché à avoir d'explications... Mais il ne m'a rien dit du tout. Il m'a fait l'amour et il est parti... Il ne m'a pas dit un mot sur ça, il ne m'a même pas adressé un regard..., murmura Fyodor d'une voix tremblante. E-Et... Je me sens sale... J'ai l'impression que mon corps n'a été qu'un jouet pour lui et que tout le monde le sait... Je me sens nu quand on me regarde... Je sens ses mains sur moi... Ses lèvres sur les miennes... Et ça n'a... Ça n'a plus rien de plaisant.... J'ai juste l'impression d'avoir été son jouet pour une nuit et que maintenant que j'ai été utilisé, j-j'ai perdu toute ma valeur... Et je ne sais pas quoi faire pour arrêter d'avoir mal... J'essaye de faire comme si rien ne s'était passé mais à chaque fois que je vois Nikolaï, je le vois m'ignorer et j'en viens à me demander si je suis vraiment là... Pourtant il est toujours aussi proche de Sigma alors qu'il s'est passé la même chose entre eux... Il lui parle, il rit avec lui, ils sortent ensemble et... Et moi j'ai été rayé de sa vie sans que je ne comprenne pourquoi, alors que je l'aime vraiment...
Sa voix se brisa et il fondit en larmes, incapable de se retenir plus longtemps. Gin écouta ses pleurs sans chercher à les calmer, et se contenta de lui serrer la main en silence. Ils restèrent un moment ainsi, jusqu'à ce que Fyodor se calme et parvienne à retrouver une respiration normale. Il gonfla ses poumons et essuya ses joues, avant de réussir à affronter le regard de Gin.
— Tu penses que je suis le problème, demanda-t-il d'une voix mal assurée.
— Non. Et tu as le droit de te sentir mal.
— Peut-être que je l'ai dégoûté alors.
— Pourquoi tu l'aurais dégoûté ?
Fyodor haussa les épaules et détourna la tête. Il ne s'était jamais questionné sur son physique, mais maintenant que Nikolaï avait passé une nuit avec lui... Il n'arrêtait pas de se demander si son apparence ne l'avait pas fait fuir. Peut-être qu'il l'avait trouvé répugnant et qu'il n'avait pas osé le dire.
— Je te trouve magnifique, dit finalement Gin.
— T'es pas obligé de me dire ça.
— Je le pense. Et je vois pas en quoi tu aurais pu dégoûter Nikolaï.
— Alors pourquoi est-ce qu'il me fait ça.
— C'est un homme et en plus de ça il demande des conseils à Dazai, dit Gin en haussant les épaules. Il faut pas chercher plus loin.
Fyodor la regarda avec surprise et Gin lui sourit. Elle se décala pour venir à sa droite, et s'allongea dans l'herbe sèche, avant de faire signe à Fyodor de l'imiter. Fyodor s'exécuta sans comprendre, et ses yeux se posèrent sur le ciel.
   Il avait une étrange couleur. Au loin, l'horizon était azur, il tirait sur un jaune pâle mêlé à des nuances d'orange, qui annonçait le crépuscule qui allait débuter. Il était beau à voir, ses couleurs semblaient irréelles, magiques, en les regardant Fyodor se sentait transporté ailleurs. Mais lorsqu'il relevait les yeux au-dessus de lui, il était aussitôt ramené à la réalité.
   Un nuage gris flottait aussi de lui, comme si une goutte de peinture de la mauvaise couleur était tombée sur le ciel. Le nuage était grand, il ressortait sur le bleu du ciel, et grandissait au-dessus de lui. Le ciel était décoloré à cet endroit, comme s'il était une aquarelle et que cette partie de la toile était trop humide pour retenir les couleurs. Pendant un instant, Fyodor se demanda si c'était sa noirceur qui avait fait apparaître ce nuage. Mais ce n'était que le ciel qui reflétait sa peine.
   — Le seul à pouvoir t'accorder de la valeur, c'est toi. Les actes de Nikolaï envers toi ne déterminent pas qui tu es. Il ne t'a pas retiré ta valeur, dit Gin au bout d'un moment.
   — J'ai l'impression que si. Je ne sais plus à quoi sert mon existence, il a retiré le peu de sens que j'avais trouvé à ma vie.
   — Parce que tu le laisses te faire du mal. Qu'est-ce que tu ferais s'il était là, devant toi, et qu'il te voyait dans cet état ?
   — J'essaierai de le prendre dans mes bras, de lui parler...
   — Mais il te fait du mal.
   — Je l'aime quand même. Si je ne peux pas l'aimer, je veux qu'il me détruise jusqu'à ce que je ne puisse plus rien ressentir.
   Gin tourna la tête vers lui.
   — Il le fait déjà.
   Fyodor ferma les yeux et des larmes roulèrent sur ses tempes, alors que ses épaules se secouaient en silence. Nikolaï le consumait déjà et il était incapable de l'arrêter.
   — Je déteste pleurer pour de l'amour, il y a tellement plus grave, dit Fyodor avec impuissance.
   — N'importe qui pleurerait à ta place, c'est normal que tu te sentes aussi mal.
   — Pourquoi il ne m'a pas choisi moi, dit Fyodor en enfouissant son visage dans ses mains. Pourquoi Sigma et pas moi ? Pourquoi est-ce qu'il me rejette à ce point ? Pourquoi est-ce qu'il a fait tout ça avec moi... ?
   — Je sais pas, répondit tristement Gin. Avant tout allait bien entre vous, je comprends pas son changement de comportement mais... Ça ne lui ressemble pas, avant il était vraiment gentil avec toi...
   — Il me donnait l'impression de compter pour quelqu'un, et quand il m'a embrassé il avait l'air... Il avait l'air d'aimer tellement ça... Il m'a serré dans ses bras jusqu'à ce que je m'endorme, en me caressant et... Et le lendemain il m'avait déjà oublié... E-Et... Je me demande si Sigma aussi... Il l'a embrassé comme il m'a embrassé moi...
   Gin ne trouva sûrement rien à répondre, car elle garda le silence, et se décala plutôt vers lui pour le prendre dans ses bras.
   — Je suis désolée.
   — Tu n'y es pour rien.
   — Non... Mais j'ai vu que tu allais mal et je suis pas venue te voir plutôt... Tu vis ça tout seul depuis des semaines.
   — C'est pas grave Gin.
   — Si, personne ne devrait vivre ça seul. Surtout que...
   — Que ?
   — Fyodor... J'ai l'impression que ce comportement c'est celui de Dazai... Il fait ça aussi avec Chûya, il lui donne de l'attention et il l'ignore, si tu savais le nombre de fois que Koyo l'a ramassé en miettes... Nikolaï s'est mis à agir comme lui et je ne t'en ai pas parlé. J'aurais dû te le dire, ça t'aurais peut-être aidé...
   — Ça ne change rien... Nikolaï ne veut pas que je sois dans sa vie et je l'ai compris, peu importe qu'il agisse comme Dazai ou non..., dit Fyodor en se relevant. On ferait mieux de rentrer, il fait froid ici.
   — Mais...
   — Gin je ne veux pas en parler. J'en peux plus, j'ai besoin de penser à autre chose, sinon je ne vais jamais m'arrêter de pleurer...
   — Alors on rentre.
   Le vent s'était levé et d'autres nuages étaient apparus dans le ciel, il était temps de rentrer avant l'arrivée de la pluie. Fyodor et Gin se remirent debout, époussetèrent leurs vêtements couverts d'herbes brûlées, et partir en direction de leur maison, laissant derrière eux une traînée noire dans l'herbe.
   — On rentre demain, qu'est-ce que tu vas faire avec Nikolaï, demanda Gin alors qu'ils arrivaient dans le salon.
   — Rien du tout. Mais ça m'étonnerait qu'il vienne nous accueillir.
   — Et pourquoi tu n'as pas tué Sigma ?
   — Je ne sais pas, dit Fyodor d'une voix perdue, en se laissant tomber sur le canapé.
   — Moi je peux le tuer, dit Gin avec sérieux.
   — Ça ne servirait à rien.
   — Mais il faut faire quelque chose, tu ne peux pas rester dans cette situation. Tu pourrais essayer de faire réagir Nikolaï ? Montre-lui que tu l'as oublié et passes du temps avec d'autres personnes. Donne-lui l'impression qu'il n'est qu'un nom sur ta liste d'amis.
   — Je n'ai pas d'ami à part lui et Sigma.
   — Tu as Chûya maintenant, et moi. Je peux même t'aider à le rendre jaloux.
   — Tu es un peu jeune pour moi non, demanda Fyodor avec un petit sourire.
   — J'ai vingt-et-un ans, dit Gin d'un air indigné.
   — Vraiment ? Je pensais que tu avais dix-huit ans...
   — Je suis la jumelle de Ryû, j'ai le même âge que lui !
   — Justement, il a l'air d'un bébé...
   — Pas du tout !
   — Dazai et Chûya disent toujours « les petits », pour parler de vous et d'Atsushi. Je pensais que vous étiez en dessous des vingt ans, dit Fyodor avec surprise.
   — Oh mon dieu ! On a vingt-et-un ans ! Et Atsushi a dix-neuf ans ! Chûya et Dazai disent qu'on est des petits parce qu'ils nous prennent pour leurs enfants !
   — Oh... Je me disais bien que c'était bizarre que Chûya vous envoie acheter du vin pour lui... Mais tu es quand même jeune, tu ne peux pas m'aider à rendre jaloux Nikolaï.
   — On a que quelques années d'écarts.
— Peut-être mais ça suffit à me mettre mal à l'aise. Et puis je n'aime pas essayer d'attiser la jalousie d'un autre... Même si je ne pense pas que ça ferait quelqu'un chose à Nikolaï... Il ne me remarquerait pas, même si je me mettais à coucher avec la terre entière, murmura Fyodor, alors que de nouvelles larmes emplissaient ses joues.
Gin le regarda avec tristesse et posa sa main sur son épaule, au moment où un bruit retentissait dans l'entrée. Des voix se firent entendre, signe qu'Atsushi, Chûya et Yosano étaient de retour, et ils ne tardèrent pas à arriver dans le salon. Ils devaient avoir passé un bon moment en ville, car leur expression était légère et ils souriaient, mais lorsque Chûya vit les larmes de Fyodor, il perdit immédiatement son sourire.
— Qu'est-ce que Nikolaï a encore fait, demanda-t-il avec colère.
— Rien, dit Fyodor en essuyant rapidement ses joues. Ça va.
— Ça va pas du tout, t'es en larmes ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Nikolaï est venu ici, demanda Yosano sans comprendre.
— Non... Tout va bien.
— Qu'est-ce qui est arrivé au jardin, questionna Atsushi en regardant par les fenêtres.
— J'ai...
— Fyodor m'a fait une démonstration de ses capacités, inventa Gin.
Atsushi la regarda avec perplexité, et Fyodor évita soigneusement les regards de ses coéquipiers. Chûya finit par retirer son manteau et son chapeau, puis il vint vers Fyodor et l'entoura de ses bras.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Alors, je sais que tu ne connais pas ça, mais ça s'appelle un câlin. On prend quelqu'un dans ses bras et on le sert. C'est un truc qu'on fait entre amis, c'est pas déplaisant.
   Fyodor voulut répondre, mais de nouveaux sanglots montèrent dans sa gorge et il fut incapable de parler. Des gouttes d'eau coulèrent sur ses joues et il fondit en larmes sans comprendre pourquoi.
— Un câlin c'est pas censé faire pleurer, dit Gin.
   — Il a pas l'habitude. Tu peux me rendre mon câlin si tu veux, dit Chûya.
Fyodor renifla et se blottit contre lui, en nichant son visage au creux de son cou. Il ne prenait jamais l'initiative de toucher quelqu'un, sauf pour lui prendre la vie, et venir contre Chûya lui procurait un étrange sentiment. C'était aussi déstabilisant qu'agréable. Chûya ne semblait pas du tout apeuré de le toucher, il le tint dans ses bras en caressant ses cheveux en silence, et Gin se leva pour aller préparer du thé.
— On rentre demain. Qu'est-ce que tu vas faire si Nikolaï est là à notre retour, questionna Yosano en s'asseyant dans un fauteuil.
— S'il en a envie, j'irai avec lui, dit Fyodor d'une faible voix.
— Pour t'expliquer avec lui ?
— Non... Juste pour être avec lui.
— Mais... Et s'il te réutilise comme il l'a fait ? S'il veut de nouveau coucher avec toi ?!
— Je le laisserai faire.
— Tu peux pas enfin !
— Je veux juste qu'il fasse de nouveau attention à moi, dit Fyodor dans un sanglot.
— S'il essaye de t'embrasser ou de coucher avec toi, je peux le castrer, proposa Gin en revenant.
— Ça ne servirait à rien...
— Je refuse qu'il t'approche avant de t'avoir présenté ses excuses à genoux devant toi, déclara Chûya d'un ton dur.
— Les excuses c'est inutile, ça répare pas quelque chose qui a été brisé, dit Gin.
— Je n'ai pas besoin de ses excuses, je veux juste qu'il redevienne comme avant, murmura Fyodor.
— Rien ne peut redevenir comme avant, tu peux pas le laisser faire ce qu'il veut avec toi !
Fyodor haussa les épaules en reniflant. Il était prêt à laisser Nikolaï se comporter comme il le voulait, si en échange, il passait de nouveau du temps avec lui. Il voulait retrouver leur relation, leur bonne entente... Il voulait simplement ne plus être un inconnu pour lui.
— Atsushi, comment tu as fait pour que tout aille bien avec Ryûnosuke, demanda Chûya avec désespoir.
— Oh euh... Mais on est...
— On sait que vous êtes ensemble. Allez, on a vraiment besoin de conseils qui viennent de personnes saines...
Atsushi ouvrit la bouche avec hésitation, puis il vint s'asseoir sur la table en siège en face du canapé et regarda les deux jeunes hommes avec peine.
— Vous savez... Ça ne va pas toujours avec Ryûnosuke. On se dispute parfois... On se quitte en étant en colère... On ne se voit pas pendant plusieurs jours... Mais même quand ça va pas entre nous, on se dit toujours ce qu'on ressent... Et qu'on tient à l'autre malgré tout, expliqua Atsushi avec gêne. Il n'y a pas de solution miracle pour qu'une relation fonctionne, il faut juste communiquer et dire ce qu'on ressent.
— Mais vous vous détestiez et aujourd'hui vous êtes ensemble, comment vous avez fait, demanda Chûya.
— Ça c'est fait naturellement. Notre haine a petit à petit laissé place à d'autres sentiments... Je voulais me forcer à trouver des choses à aimer chez Ryû, pour qu'on puisse s'entendre pendant nos missions... On trouve toujours des choses à aimer, alors je me suis accroché à ça, et j'ai continué de chercher, et... Un jour j'ai réalisé que j'avais plus besoin de chercher pour trouver des choses que j'aimais chez lui. Ça me venait naturellement, et c'était pareil pour lui. Je lui ai dit et il m'a dit qu'il aimait aussi ma compagnie et... Voilà.
— Et voilà ? C'est tout ? Vous vous êtes mis ensemble après ça ?
— On... On s'est d'abord embrassé et puis... Hum... Enfin... On s'est laissé le temps de comprendre et d'accepter ce qu'on ressentait, et on a décidé de se mettre ensemble, dit Atsushi en rougissant.
— Mais vous n'êtes pas dans le même camp, dit Fyodor. Ça ne te dérange pas qu'il tue ?
— Il m'a promis de ne plus le faire depuis longtemps. C'est la seule chose que je lui ai demandée, je peux accepter qu'il soit dans la mafia et qu'il commette des délits. Et même si on est pas dans le même camp... Si pas si difficile que ça.
— Vous avez réussi à vous mettre ensemble alors que vous êtes dans des camps ennemis, et moi je n'arrive même pas à parler avec mon propre coéquipier, dit Fyodor avec tristesse.
— J'y arrivais pas non plus avec Dazai, quand il était dans la mafia, dit Chûya en caressant ses joues pour essuyer les larmes qui tombaient toujours dessus. C'est pas facile pour tout le monde, et Ryûnosuke est plus sain que Dazai et Nikolaï.
— Depuis quand est-ce que vous êtes ensemble, demanda Gin à l'adresse d'Atsushi.
— Depuis quatre mois...
— Quatre mois, s'exclama Yosano avec de gros yeux. Et vous avez rien dit ?!
— On avait peur que vous vous mêliez de notre relation, et que vous essayez de la changer, expliqua Atsushi avec gêne. Et Gin, si Ryû ne t'a rien dit, c'est parce qu'il pensait que tu t'inquièterais pour lui, et que tu allais me tuer...
— ... Il n'avait pas tort. Mais je te tuerais pas, Dazai et Nikolaï doivent y passer avant.
— ... M-Merci...
— Et dire que je pensais que vous étiez trop timide pour sortir ensemble ! Et je pensais que tu me le dirais, ou que tu le dirais à Kyoka ! C'est donc ça les amis, soupira Yosano d'un air vexé.
— J'allais vous le dire !
— Quand ?! Au bout d'un an, répliqua Gin.
— Non ! Au bout de six mois...
— Je rêve !
— Ryû a tellement grandi..., dit Chûya d'un air ému.
— C'est bizarre, je t'ai jamais vu boiter, dit Yosano d'un air pensif.
Atsushi évita soigneusement son regard et se gratta la nuque avec gêne, alors que Yosano et Gin écarquillaient les yeux avec incrédulité. Oh... Maintenant, Fyodor comprenait pourquoi il voyait aussi souvent Ryûnosuke boiter...
— Je n'y crois pas, s'exclama Gin en secouant la tête.
— Tu es au-dessus, dit Yosano d'un air choqué.
— Je... Enfin... C'est que...
— Impossible, Ryû ne se laisserait jamais dominer, dit Gin.
— Tu n'as pas du tout la tête d'un dominant ! Dazai avait parié que tu serais en dessous !
— Hein ?!
— Vous parlez vraiment comme des capitalistes, lança Fyodor.
— Pourquoi, demanda Yosano en haussant les sourcils.
— Ça c'est une réflexion capitaliste et hétéronormée. Vous êtes tellement habitués à vous faire dominer par le système que vous voulez ramener cette domination au lit. Celui qui pénètre n'est pas forcément celui qui domine, le sexe ça se fait à deux, ce n'est pas un qui commande et l'autre qui subit. Celui qui se fait pénétrer n'est pas forcément un soumis non plus, dit Fyodor à voix basse.
— Il a raison, je domine pas Ryû, et il me domine pas non plus, on est à égalité, approuva Atsushi, qui était de plus en plus rouge. Je suppose que vous pensiez que j'étais... En dessous... Parce que je suis le « gentil », mais c'est juste une question de préférence...
— Oui c'est vrai, accorda Yosano.
— Donc je suis le seul à être vierge ici, demanda Chûya d'un air blasé.
— Vous savez c'est pas une honte, s'empressa de dire Atsushi.
— Vraiment ? Mais Gin t'as jamais eu de relation, dit Chûya sans comprendre.
Gin fut soudain prise de passion par le lustre du plafond, car elle leva les yeux dessus et le fixa, évitant ainsi le regard de Chûya. Tandis que dans son coin, Yosano se mit à contempler ses ongles avec concentration.
— Attendez, quoi ?! Mais quand ça ?! Pas après la soirée quand même, s'écria Chûya.
— Oh c'est bon, on était bourrées nous aussi, répondit immédiatement Yosano.
— C'était juste pour essayer, ajouta Gin.
— Oh mon dieu... Je suis vraiment le seul clown.
— Mais t'as pas couché avec Fyodor, demanda Yosano sans comprendre.
— Il a pas voulu !
— Chûya, tu étais encore plus bourré que moi, et tu aurais regretté, dit Fyodor.
— J'aurais pas regretté...
— Mais c'est Dazai que tu veux.
— Sur le moment non. Et puis si ça se trouve tu aurais adoré coucher avec moi, tu aurais oublié Nikolaï, et aujourd'hui tu serais beaucoup plus heureux.
— Je crois que je ne suis plus capable d'être heureux, répondit Fyodor dans un souffle.
Personne ne répondit, et Fyodor ferma les yeux. Ses larmes l'épuisaient et sa peine consumait son énergie. Il n'avait jamais été capable d'être heureux comme une simple personne. Sa vie avait toujours été bâtie sur de la destruction, et le bonheur n'avait jamais eu sa place au milieu du sang et du crime. Mais lorsque Nikolaï était entré dans son cœur, une lumière était apparue en lui et il avait goûté à la joie de vivre. Au bonheur d'être là, en vie, de pouvoir passer du temps avec une personne à qui il tenait, de pouvoir lui parler, lui sourire, et rire avec elle.
Mais à présent que tout cela lui avait été retiré... Il n'était pas sûr de pouvoir retrouver le bonheur. Il ne se voyait plus heureux, il n'était pas capable de faire comme avant. Il pouvait laisser Nikolaï revenir dans sa vie et il était prêt à tout lui pardonner. Mais... Il ne serait plus capable de ressentir le même bonheur qu'avant. Il passerait du temps avec lui, des nuits à ses côtés... Et il serait hanté par le tourment de son abandon. Se réveillerait-il une nouvelle fois seul dans le lit ? Devrait-il partager Nikolaï avec Sigma ? Continuerait-il de n'être qu'une personne interchangeable ?
Il pouvait vivre comme avant... Mais il ne pouvait plus ressentir comme avant.
— On est toujours capable d'être heureux, finit par dire Atsushi.
— C'est facile à dire pour toi, Ryûnosuke t'aime.
— Je sais que c'est difficile à entendre, mais vous pouvez vous en sortir. Quand un cœur s'arrête de battre, on a quelques minutes pour essayer de le relancer. Et avec du travail, de l'acharnement, et les bons gestes, on peut le faire de nouveau battre, même s'il y peut y avoir des séquelles. Vous n'avez pas beaucoup de temps pour faire ça, si vous attendez, ça sera trop tard. Alors saisissez l'occasion et n'attendez pas d'être anéanti. C'est le seul conseil que je peux vous donner. Je vais vous laisser, je pense que vous avez besoin d'être un peu seul...
Atsushi se leva, et Gin et Yosano l'imitèrent. Ils leur adressèrent un dernier sourire, puis ils s'en allèrent et montèrent à l'étage pour les laisser tranquilles. Fyodor ne bougea pas, et Chûya non plus. Ils restèrent l'un contre l'autre, le regard perdu dans le vide, les doigts de Chûya passant lentement sur la joue de Fyodor. Ses larmes avaient séché à présent, laissant des cristaux de sel derrière elles.
Ils restèrent un long moment immobiles, sans qu'aucun des deux n'essaye de prendre la parole. Chûya semblait perdu dans ses pensées, et Fyodor tentait de retrouver son calme et le visage impassible qu'il portait toujours. Pleurer l'avait épuisé, et utiliser ses pouvoirs sans s'en rendre compte lui avait pris son énergie. Il était faible et à bout, alors les caresses de Chûya l'apaisaient et l'endormaient. Il se sentait bien contre lui, il arrivait presque à ne plus penser...
Mais une pensée apparue soudainement en lui, et de nouvelles larmes emplirent ses yeux. Et si Nikolaï ressentait ce même apaisement lorsqu'il était avec Sigma ?
— Chûya, dit Fyodor d'une voix étranglée.
— Oui ?
— Tu penses qu'ils vont se venger ?
— Je sais pas... Il faut s'y attendre. Ils peuvent nous faire la même chose que ce qu'on leur a fait.
Alors Nikolaï partirait avec Sigma. Tout le calme qu'avait retrouvé Fyodor s'envola aussitôt, et il fondit de nouveau en larmes. Il se recroquevilla contre Chûya, sa tête tomba sur son torse alors qu'il se roulait en boule, et il enfouit ses mains dans son visage pour étouffer ses sanglots.
— Fyodor, Nikolaï mérite pas que tu verses toutes ses larmes pour lui, dit Chûya en caressant son épaules.
— Je ne veux pas qu'il parte avec Sigma, dit Fyodor en hoquetant. J'ai tout gâché...
— C'est lui qui a tout gâché, toi tu as juste essayé de supporter ça.
— Si je ne lui avais pas envoyé ces photos... Il... Il ne se vengerait pas avec...
— S'il avait pas couché avec un autre, tu lui aurais pas envoyé de photos. C'est lui qui a tout gâché entre vous.
— Mais qu'est-ce que j'ai fait de mal ? P-Pourquoi il agit comme ça ? O-On était bien ensemble, o-on s'amusait et... S'il ne voulait que du s-sexe avec moi, il aurait dû me le dire et j'aurais compris... A-Alors pourquoi il agit comme ça ?
— Je sais pas Fyodor, dit Chûya en caressant doucement ses cheveux. Je pense qu'il faut lui parler et comprendre pourquoi il agit comme ça. Alors demain, tu vas aller le voir, et tu lui demanderas des explications.
— Je n'en suis pas capable.
— Si, tu peux le faire. Je viendrais avec toi si tu veux, et on réglera ça. Et je veillerai personnellement à ce que Nikolaï ne te fasse plus de mal.
— Et s'il aime Sigma et qu'il ne veut plus me voir ?
Chûya baissa les mains de Fyodor, l'empêchant de cacher sa tristesse, et essuya doucement ses larmes.
— Je t'aiderais à l'oublier.

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J'ai trop hâte que ce chapitre sorte ! Il est triste mais il est important, c'est le premier du point de vue de Fyodor, et il permet de mieux comprendre comment il se sent. On parlait plus de Chûya avant, alors il fallait un peu se concentrer sur lui.

J'espère qu'il vous a plus :)

J'ai eu une nouvelle idée d'intrigue 🤭🤭. J'ai envie de faire une intrigue avec de la mythologie, donc les personnages seraient des dieux, ou des mortels. Je ne veux pas reprendre une mythologie qui existe déjà mais je vais m'inspirer de la mythologie grecque. Il faut donc que je crée de nouveaux dieux et de nouveaux pouvoirs (ou de nouveaux lieux de cultes, etc). J'ai déjà Chûya, Fyodor et Nikolaï, mais si jamais vous avez des idées de pouvoirs, n'hésite pas à me le dire !

À demain 🦦

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant