🧺

1.4K 92 109
                                    

L'IDYLLE DU ROI DE CŒUR

Fyolai

Le retour de Russie

────── ҉ ───────

— Seigneur c'est pas possible, j'étais sûr que ça se passerait comme ça... Nikolaï VIENS ICI TOUT DE SUITE, cria Fyodor en croisant ses bras sur sa poitrine.
   Aucune réponse. Et en plus il osait ne pas lui répondre ?! Ce n'était plus de la provocation à ce stade, c'était clairement une incitation au meurtre. Que personne ne s'étonne si le corps de Nikolaï était retrouvé sans vie, minutieusement découpé en morceaux, et enterré dans un endroit parfaitement ridicule. Comme près d'une fête foraine pour enfants. Ou alors sous un cirque. Oui, c'était une très bonne idée, c'était la place idéale pour Nikolaï.
   Si le futur mort ne se décidait pas à venir dans la minute qui suivait, Fyodor irait chercher un couteau dans la cuisine, et il s'assurerait personnellement que son colocataire ne puisse avoir aucune descendance. Ce qui l'énervait le plus, c'était que ça se passait toujours de la même façon, malgré toutes les disputes qu'ils avaient pu avoir. Nikolaï continuait de laisser traîner ses affaires partout dans l'appartement.
   Cela faisait environ un an qu'ils étaient en colocation, un an que chaque jour, Fyodor devait se retenir d'étrangler son colocataire qui était la personne la plus désordonnée qu'il connaissait, un an qu'à chaque fois que Nikolaï passait un week-end seul chez eux, une tornade semblait retourner l'appartement, un an que chaque jour, Fyodor se demandait ce qu'il avait fait pour mériter un tel colocataire. En signant le contrat pour la colocation, Fyodor ne pensait pas qu'il tomberait sur un tel spécimen. Le propriétaire de l'appartement lui avait présenté son colocataire comme « quelqu'un de très énergique, bien vivant, atypique mais très facile à vivre ».
   Énergique, ce n'était pas un problème. Nikolaï passait son temps à courir partout, il parlait toujours très vite et faisait plusieurs choses à la fois, mais ce n'était pas un problème, Fyodor s'était habitué à son énergie. Bien vivant, oui, pour le coup Nikolaï était bien vivant. Atypique, c'était le cas de le dire. Nikolaï était très étrange, il vivait dans son monde et se parlait à lui-même, mais ça ne dérangeait pas Fyodor, qu'il soit atypique ou non, ça lui importait peu. Mais « facile à vivre » ? Non, certainement pas ! Fyodor était facile à vivre, mais pas Nikolaï ! Fyodor s'adaptait, il patientait, il restait calme, il essayait de comprendre. Nikolaï était une véritable terreur bruyante et imposante !
   En voici la preuve : Fyodor était parti en vacances une semaine avec sa petite amie, et en revenant, qu'est-ce qu'il trouvait ? Son appartement en désordre, avec des vêtements qui traînaient partout et des bols de riz sur le sol.
   — Il est vraiment dégoûtant, soupira Fyodor en attrapant un caleçon qui traînait à ses pieds. Je vais le tuer...
   — Fyodor !!!
   Le jeune homme releva la tête en entendant un bruit de course, et vit rapidement son colocataire apparaître dans le couloir devant lui. Nikolaï fit un grand sourire en le voyant et courut vers lui avec surexcitation.
   — T'es enfin rentrée ! T'étais censé revenir hier, s'exclama-t-il en se jetant sur lui.
   — Nikolaï, t'aurais pas oublié de faire quelque chose par hasard, demanda Fyodor avec irritation.
   — Ah si, je t'ai pas embrassé !
   Nikolaï souleva Fyodor avec une facilité déconcertante et le fit tourner dans les airs, tout en l'embrassant sur les deux jours, ce qui fit rougir le jeune homme.
   — Non, ranger l'appartement, s'exclama-t-il en se débattant.
   — Mais j'avais pas envie, et puis au moins ça te donne une bonne raison de me crier dessus !
   — C'est dégoûtant, on dirait une porcherie ici, dit Fyodor en repoussant Nikolaï. Et puis pourquoi est-ce que tes caleçons traînent partout ? T'as fait une orgie ou quoi ?
   — Mais non, s'exclama Nikolaï en secouant la tête. Si je l'avais fait je t'aurais invité pour qu'on couche ensemble !
   — Très drôle. Si tu ne ranges pas tout ça immédiatement, je repars en vacance et je te laisse payer le loyer tout seul.
   Nikolaï poussa une expression horrifiée et partit aussitôt en courant. Il se dépêcha de ramasser tous ses vêtements, avant de disparaître dans la cuisine. Fyodor sourit avec satisfaction et retira enfin ses vêtements. Il enleva ses chaussures et son manteau, puis il traîna sa valise derrière lui et partit dans sa chambre. Même si Nikolaï l'agaçait, ça lui avait un peu manqué de lui crier dessus et de voir sa mine effrayée lorsqu'il le menaçait de l'abandonner. Mais juste un peu, ça ne lui avait pas trop manqué non plus, il ne fallait pas rêver.
   Ce n'était pas comme s'il s'était senti de lui envoyer un message tous les jours pour lui demander de ranger ses affaires. Et il l'avait appelé trois fois pour s'assurer que l'appartement n'avait pas brûlé. Et il avait souvent hésité à regarder la localisation de Nikolaï pour vérifier qu'il sortait et qu'il ne restait pas cloîtrer dans sa chambre. Mais il ne lui avait pas manqué pour autant, il ne fallait pas aller trop loin.
   Fyodor ouvrit sa valise sur son tapis et sortit ses vêtements pour commencer à les ranger. Il tendit l'oreille pour essayer d'écouter ce que faisait Nikolaï, et comme il s'y attendait, il entendit rapidement son colocataire trottiner vers sa chambre. Nikolaï ne tarda pas à débarquer dans sa chambre et à se jeter sur son lit. Fyodor avait l'habitude qu'il fasse ça, alors il ne fit aucune remarque. Et il savait très bien que Nikolaï avait dû passer la semaine dans son lit.
   — Je me suis ennuyé sans toi, dit Nikolaï avec tristesse.
   J'ai vu ça, pensa Fyodor avec un sourire. D'après ce qu'il avait vu, Nikolaï n'était pas sorti de la semaine, et vu l'état de l'appartement, il avait dû tourner en rond toute la semaine. C'était assez... plaisant, de savoir que Nikolaï s'ennuyait à ce point sans lui.
— Et toi ? C'était bien avec Katerina ? Je suppose que vous êtes pas beaucoup sortis de votre chambre ?
— Elle s'appelle Clara, et si, on est beaucoup sorti.
— Katerina, Klara, c'est la même, répliqua Nikolaï en se laissant rouler au sol.
Il tomba près de chevet, d'une manière si peu élégante que Fyodor se demanda s'il n'était pas en colocation avec un enfant de cinq ans. Mais Nikolaï ne fit pas attention au regard de jugement qu'il lui lança, et s'accroupît près de sa valise et commença à fouiller dedans.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je regarde si t'as des culottes.
— Des culottes ?
— Ou de Katinka.
— Clara ?
— Au cas où vous auriez mélangé vos affaires par hasard. Elle avait de la lingerie, questionna Nikolaï avec sérieux.
— Ça ne te regarde pas, de quoi tu te mêles ?
— Je veux juste savoir si elle a emmené de quoi te chauffer ! Je suppose que vous avez dû beaucoup vous amuser au lit, dit Nikolaï d'un air dépité.
— C'est ma petite amie, c'est normal qu'elle emmène de quoi me chauffer, et arrête de fouiller, tu n'as pas à voir sa lingerie, c'est son intimité, déclara Fyodor en donnant un coup de pied à Nikolaï pour le pousser.
— Donc tu as sa lingerie ?! Elle t'offre ses culottes ou quoi ?!
Fyodor ne prit pas la peine de répondre, après tout Nikolaï n'avait pas besoin de savoir comment Clara s'y prenait pour lui faire plaisir, ça ne concernait qu'eux. Pour distraire Nikolaï, il sortit un paquet de sous ses vêtements et lui tendit.
— Je t'ai pris un cadeau.
— C'est vrai ?! Oh merci, s'écria Nikolaï avec excitation. C'est quoi ?! De la vodka ??
— Ouvre ton cadeau au lieu de dire n'importe quoi.
— Oh, s'écria joyeusement Nikolaï en déchirant l'emballage de son cadeau.
— Je ne savais pas vraiment quoi te prendre, alors j'ai acheté tout ce qui te plaisait, expliqua Fyodor.
Nikolaï ne répondit pas et étudia ses différents cadeaux, les yeux remplis de larmes. Pourtant il n'y avait pas vraiment de quoi pleurer, les cadeaux que lui avait ramené Fyodor n'était pas très important. Il avait commencé par lui prendre plusieurs gourmandises qui n'existaient qu'en Russie et dont Nikolaï raffolait, des guimauves comme des zéfirs ou des pitchye moloko. Il lui avait aussi pris de nombreux tubes de nourritures spatiales, car, il n'avait jamais compris pourquoi, mais Nikolaï raffolait de cela. Fyodor trouvait cela ignoble pourtant. Il lui avait aussi ramené des livres dans sa langue maternelle, et plusieurs jeux de cartes. Fyodor ne trouvait pas cela exceptionnel, mais Nikolaï avait l'air très touché.
— Tu m'as ramené des tubes d'astronautes, dit-il d'un air ému.
— Évidemment, c'est ta nourriture préférée, dit Fyodor avec amusement.
— T'es un vrai ami, dit Nikolaï en le prenant dans ses bras.
— Niko c'est juste de la nourriture.
— C'est super important pour moi la nourriture ! Et t'as pas ramené d'alcool ?!
Fyodor jeta un regard entendu à Nikolaï, et souleva une partie des vêtements de sa valise, révélant plusieurs bouteilles d'alcool qu'il avait soigneusement cachées. Il s'était peut-être un peu lâché, mais ça en valait le coup... Il avait pris une bouteille de vodka traditionnelle, de l'hydromel, un incontournable, deux sets de petits shots de nalivka, des alcools aux fruits, du massandra, et du champagne soviétique. Pour sa défense, il n'allait qu'une fois en Russie par an, alors à chaque fois il faisait le plein.
— Du champagne, s'excita Nikolaï en saisissant la bouteille.
— Oui, j'ai eu du mal à en trouver.
— T'as ramené plein d'alcool, on va tellement s'amuser !
— Hé fais attention, c'est moi qui gère l'alcool, et on en boira de façon modérée, déclara Fyodor en lui reprenant la bouteille surtout toi et Sigma, je ne vous fais pas confiance.
— Pfff t'es pas drôle Fyodor.
— Je vais cacher les bouteilles de toute façon, répliqua Fyodor en se relevant, pour continuer de ranger ses affaires.
— On va pas s'amuser alors..., soupira Nikolaï alors qu'il se rallongeait sur son lit.
— Qui est venu ici d'ailleurs ?
— Sigma et c'est tout.
— Et vous avez fait quoi ensemble pour que ça soit autant le bazar ?
— On a joué aux cartes et ensuite il est parti, c'était nul sans toi... Je propose que la prochaine fois, tu m'invites en vacances avec toi, proposa joyeusement Nikolaï.
— Je pense pas que Clara soit d'accord, répondit Fyodor en fermant un placard, avant de venir s'asseoir près de son ami.
— Elle n'a qu'à pas venir, elle ne manquera à personne !
— C'est quand même ma petite amie.
— Mais moi aussi je peux être ton petit ami !
— Tiens donc ? Quand je suis parti, tu m'as crié à la gare que de toute façon tu préférais Sigma.
— Mais parce que t'étais en train de m'abandonner, se défendit Nikolaï. Tu m'as laissé tout seul alors que tu sais que je déteste ça, et que je vrille quand je suis seul, alors j'étais obligé de te dire que je préférais Sigma et que je t'aimais pas, sinon-
— Je suis là maintenant, coupa Fyodor avec un petit sourire.
   Nikolaï le regarda longuement, beaucoup plus calme que quelques minutes plutôt. Fyodor savait que Nikolaï ne supportait pas d'être seul, et que c'était l'une des raisons pour lesquelles il n'était pas sorti cette semaine. Nikolaï n'était pas atypique seulement dans sa personnalité. Il l'était aussi psychiatriquement.
   Fyodor l'avait compris au bout de deux mois passés à ses côtés, lorsqu'il s'était aperçu que Nikolaï parlait vraiment tout seul, un peu comme si le ciel était à son écoute et qu'il conversait avec lui. Parfois il voyait ses mains trembler et son corps se raidir, mais lorsqu'il avait posé des questions, Nikolaï s'était toujours énervé en lui criant qu'il n'était pas fou. Et Fyodor savait qu'il ne l'était pas. Il était seulement différent. Lorsque la réalité le terrorisait, qu'il se sentait dépassé par ce qu'il devait faire, ou qu'une tristesse trop forte l'envahissait, Nikolaï perdait le contrôle. Mais avec Fyodor, ça allait, même si Fyodor n'avait aucune idée de ce qui rongeait son partenaire.
   Il restait simplement avec lui. Lorsqu'il l'écoutait lui parler, et que le flot de ses paroles s'accélérait et devenait incohérent, Fyodor l'aidait à ralentir. Lorsqu'il l'entendait parler seul dans sa chambre, il venait vers lui pour qu'ils aient une réelle conversation. Et lorsque Nikolaï arrivait dans sa chambre en pleine nuit pour lui dire qu'il avait parlé avec le Roi de Carreaux, Fyodor suivait son délire comme s'il y avait bel et bien un roi sorti d'un jeu de cartes dans leur appartement.
   Ce n'était pas simple, mais ce n'était pas difficile non plus. Fyodor s'était habitué et il trouvait qu'il se débrouillait particulièrement bien avec Nikolaï.
   — Je déteste les vacances, dit Nikolaï en se redressant. T'es jamais là, tu pars toujours avec ta chérie.
   — Je pourrais me passer d'elle si tu me le demandais, dit Fyodor en haussant les épaules.
   — Alors passe-toi d'elle et quitte-la !
   — Je t'ai pas dit que je pouvais la quitter.
   — Mais tu l'aimes même pas, alors que moi tu m'aimes et tu veux vivre ta vie avec moi !
   — Je me souviens pas avoir dit ça, répliqua Fyodor d'une voix pensive.
   — ... Ton cœur le dit, déclara alors Nikolaï en posant sa main sur sa poitrine. Et il m'appelle ! Nikolaï je te veux, Nikolaï libère-moi de cette folle de Katcha, je n'aime que toi et je n'aimerais que toi Ô Nikolaï, mon amour ! Mais oui petit cœur, je vais te libérer de t'inquiète pas ! Je vais te voler et te cacher dans mon cœur pour que personne ne puisse le reprendre, et tu vivras heureux avec moi, au chaud, et chaque battement de mon cœur sera comme un nouveau souffle à ta vie, comme un nouveau jour qui s'écoule alors que tu vis un parfait bonheur, et nous serons bien tous les deux, et nous-
   — Nikolaï, interrompit Fyodor sans bouger. Mon cœur est très bien dans ma poitrine.
   — Pourtant il bat plus vite quand ma main est dessus, renchérit Nikolaï avec un sourire. Et je suis sûr qu'il ne bat pas comme ça avec ta Kristina !
   — Clara.
   — Katerina, Karla, Kristina, Klara, Katinka, c'est la même chose, ça commence par un K ! Les prénoms russes se ressemblent tous en même temps... Le plus important c'est que tu connaisses le mien ! Tu le connais n'est-ce pas ?!
   — Nikolaï, j'aimerais bien me reposer, prendre l'avion m'a épuisé, dit Fyodor avec calme.
   — Très bien, comme tu veux, de toute façon moi aussi je suis fatigué, faire le ménage m'a épuisé, dit aussitôt Nikolaï en s'allongeant comme si de rien était dans son lit.
   C'était à prévoir, Fyodor se doutait que son colocataire ne partirait pas pour si peu. De toute façon il avait l'habitude, à chaque fois qu'il partait en vacances en Russie et qu'il revenait, Nikolaï se mettait à le coller. Il le suivait partout toute la semaine de son retour, et il venait même dormir avec lui. Une fois il avait même réussi l'exploit de virer sa petite amie pour dormir à sa place avec lui, ce qui avait bien fait rire Fyodor.
   Le jeune homme se changea alors sans chercher à virer son colocataire, et s'installa dans son lit en l'ignorant. Il se glissa sous sa couette en laissant Nikolaï s'installer à son aise, et lui tourna le dos pour dormir sur le flanc. 
   — Le colocataire de ma vie me tourne le dos, s'horrifia Nikolaï en le remarquant.
   — C'est comme ça que je dors.
   Nikolaï ne répondit rien, et Fyodor imagina parfaitement l'air boudeur qu'il devait avoir en ce moment.
   — C'est bon, tu peux venir, dit-il avec amusement.
   Nikolaï se rapprocha immédiatement de lui et l'entoura de ses bras, comme s'il le prenait pour une peluche qu'il pouvait étouffer contre lui.
   — La main c'est nécessaire, demanda Fyodor en sentant sa main s'installer entre ses cuisses, tout près de son intimité.
   — T'es chaud ici.
   Et il était encore plus chaud un peu plus haut...
   Fyodor se retint de le dire, et laissa Nikolaï faire. Encore une fois, il avait l'habitude, et ça ne le dérangeait pas. Il aimait bien sentir Nikolaï près de lui, c'était agréable et rassurant. Sa petite amie aimait moins en revanche.
   Mais Fyodor ne lui parlait jamais de sa relation avec Nikolaï. Après tout il n'y avait absolument rien d'ambigu entre eux... Il ne faisait que l'aider, non ?

────── ҉ ───────

J'espère que cette première partie vous a plu 🤭
J'ai trop peur que cette intrigue ne vous plaise pas, parce qu'il n'y a pas d'autres personnages que Fyodor et Nikolaï (a part Sigma qu'on voit un peu). Et puis comme c'est pas ceux qu'on préfère en général... j'ai un peu peur 😭

En tout cas j'ai hâte que la suite sorte 🤭
Zoubi zoubi 🦦

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant