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LOIN DES YEUX, PRÈS DU CŒUR

Un nouvel ami

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   — Oh seigneur, cette odeur est immonde, dit Fyodor en se dépêchant d'ouvrir les fenêtres.
   — Moi j'aime bien, dit Yosano en croquant dans son hamburger.
   — C'est l'odeur de la friture, dit Atsushi.
   — C'est l'odeur de l'Amérique, répliqua Fyodor avec dégoût.
   — On peut refermer les fenêtres ? Il fait froid, dit Gin.
   — Hors de question, je ne compte pas sentir le hamburger. Et il ne fait pas froid du tout.
   — Si il fait froid !
   — Il fait dix degrés, affirma Yosano.
   — Il ne fait pas froid, répliqua Fyodor.
   — Il fait froid.
   — Ils ont raison, dit alors Chûya.
   — Il ne fait pas du tout froid, vous êtes vraiment fragiles.
   — On n'est pas fragile, c'est juste toi qui es russe, s'indigna Yosano en se penchant sur les côtés pour remonter les fenêtres.
   Fyodor ne prit pas la peine de répondre et bloqua les commandes des fenêtres, ce qui déclencha une guerre entre les deux. Chûya laissa tomber sa tête en arrière et referma son livre de poèmes. Ce voyage allait être long. Les deux premières heures de route s'étaient bien passées, seuls Atsushi et Yosano avaient discuté ensemble, et ils avaient essayé de faire davantage connaissance avec Gin, qui était assise à gauche, près de Yosano. Fyodor n'avait presque pas parlé, et Chûya, qui était plongé dans sa lecture, n'avait pas vraiment fait attention à eux.
   Et puis ils avaient eu faim, alors ils s'étaient arrêtés au premier fast-food qu'ils avaient croisé, et ils avaient pris leur menu à emporter. Enfin, Atsushi, Yosano et Gin avaient pris à emporter. Fyodor avait catégoriquement refusé de manger de la malbouffe, et de « pactiser avec l'Amérique. ». Et Chûya n'avait rien pris non plus, il détestait manger aussi gras, après il se sentait énorme.
   À présent, une odeur de friture flottait dans la voiture, et Chûya était d'accord pour dire que c'était insupportable. Il avait l'impression que le gras collait à ses vêtements et s'imprégnait dans le tissu des sièges, c'était particulièrement désagréable. Mais d'un autre côté, la température avait baissé avec le soleil, la nuit était fraîche et rouler avec les fenêtres grandes ouvertes n'était pas la meilleure des idées.
   — Ouvre les fenêtres de quelques centimètres, juste le temps que l'odeur s'en aille, décida alors Chûya avec calme.
Par chance, Fyodor l'écouta et accepta de refermer les fenêtres, pour ne laisser entrer qu'un filet d'air frais dans la voiture.
— Merci, dit Chûya en retirant son chapeau.
— Vous êtes sûr que vous ne voulez pas manger, demanda Atsushi.
— Ça va aller.
— Je n'ai pas faim, dit simplement Fyodor.
— Chûya je t'ai acheté une salade si tu veux, dit Gin en lui tendant un emballage auquel personne n'avait touché.
Chûya tourna la tête avec surprise. Gin lui avait acheté une salade, un mélange de feuilles de laitue, de morceaux de mozzarella, et de pâtes en forme de spirales, sur lesquelles étaient parsemés des tomates tranchées. Gin savait que Chûya n'aimait pas manger gras, c'était sûrement pour cela qu'elle avait pensé à lui prendre un plat moins caloriques. Même si venant d'un fast-food, il devait rester assez gras. Chûya prit tout de même la salade en remerciant Gin, pour lui faire plaisir, et se retourna vers la route.
— Tu veux qu'on partage, demanda Chûya à l'adresse de Fyodor.
— Non.
Il avait essayé, tant pis. Allez, il pouvait bien tout manger, ça n'allait pas le tuer. Ce n'était pas une salade qui le ferait devenir énorme, n'est-ce pas ? Chûya ouvrit le plastique qui contenait la salade et plongea dedans la fourchette que lui avait donnée Gin. Il leva une pâte devant lui avec appréhension, les yeux posés sur l'huile qui coulait dessus. Il pouvait le faire. Allez, il pouvait le faire. Il avait vu pire dans sa vie.
— Quand est-ce qu'on arrive, demanda Yosano, qui n'avait pas remarqué le malaise de Chûya.
— Il doit nous rester cinq bonnes heures de route, dit Gin en regardant sa montre.
— Ça va être très long...
— Vous feriez mieux de dormir, conseilla Chûya en se forçant à manger.
— Il faudrait qu'on fasse des pauses quand même, Fyodor vous pourrez tenir sept d'affilées au volant, demanda Atsushi d'un air perplexe.
   — Oui.
   — On pourrait se passer le relais, j'ai le permis, dit Yosano.
   — Non.
   — En tout cas il ne faudra pas oublier de prévenir Dazai quand on sera arrivé, dit Atsushi.
   — Oui ne t'inquiète pas. On verra ça en temps et en heures, répondit Chûya.
Ils n'étaient pas prêts d'appeler Dazai pour l'instant, il leur restait encore beaucoup de route à faire. Et puis connaissant Dazai, il allait sûrement les oublier et partir dormir, ou bien il partirait faire n'importe quoi, comme d'habitude. Chûya ne s'attendait pas à ce que Dazai reste éveiller toute la nuit, à patienter sagement pour leur appel. Ce serait étonnant.
Le silence fut bientôt de retour dans la voiture. Une fois que tout le monde eut terminé de manger, Atsushi se chargea de mettre tous les emballages carton dans un sac et les plaça dans le coffre, et chacun s'occupa comme il le voulait. Atsushi fut le premier à s'endormir. Il laissa tomber sa tête sur la vitre près de lui, et son souffle ralentit, faisant apparaître de la buée sur le verre. Yosano succomba à son tour à la fatigue, elle posa sa tête sur l'épaule d'Atsushi pour être plus à l'aise, et déploya une couverture sur elle. Gin tenta de résister un moment, mais le silence nocturne et l'heure avancée eurent raison d'elle. Elle s'endormit sans pouvoir lutter, et sa tête tomba sur l'épaule d'Atsushi. Chûya se tourna alors et lui retira son masque pour qu'elle soit plus à l'aise, puis il tira une partie de la couverture de Yosano sur elle pour la couvrir.
Environ deux heures après le repas, tout l'arrière de la voiture était endormi. Fyodor finit par fermer entièrement les fenêtres et l'air se réchauffa lentement. Chûya posa sa tête contre la fenêtre près de lui et regarda la route défiler. Il aurait bien aimé lire un peu, mais avec l'obscurité c'était impossible. Et puis il n'était pas sûr dans être capable, il avait l'esprit trop ailleurs pour réussir à se concentrer sur des poèmes. Chûya retint un soupir, et regarda le ciel. Maintenant qu'il y faisait attention, il pouvait voir que des étoiles étaient apparues au-dessus de lui. Il y en avait bien plus qu'il n'en avait jamais vu. C'était normal, plus ils roulaient et plus ils s'éloignaient de la ville et de sa pollution, alors le ciel se dégageait. Il n'y avait plus de nuages gris, le ciel était comme balayé de ses traînées de coton, et révélait alors son manteau de lumière. Il était merveilleux, presque irréel. Chûya savait que des milliards d'étoiles brillaient au-dessus de lui, près de la lune, mais les découvrir soudainement lui donnait l'impression d'être plongé dans un rêve. De ne plus être sur terre et de flotter dans l'espace. Et avec les phares blancs des voitures qui passaient près d'eux, c'était comme si des étoiles filantes le frôlaient.
Ce décor était apaisant. Sous les taches de lumière de la nuit, les pins se dressaient le long de la route, ils dansaient ensemble, ils se balançaient de gauche à droite, valsant avec le vent et sifflant une allègre mélodie. Chûya garda un long moment les yeux rivés sur le paysage, et l'espace d'un instant, il s'arrêta de penser. Depuis qu'ils étaient partis, il n'avait pas arrêté de penser à Dazai et à son comportement envers lui. Dazai avait toujours été insupportable, et il énervait tellement Chûya qu'il avait toujours du mal à le comprendre. Mais en ce moment, c'était encore plus difficile. Dazai repoussait Chûya autant qu'il le réclamait. Il se battait à ses côtés et prenait son de lui après chaque combat, le ramenait chez lui et soulageait son corps de son épuisement, et le lendemain, il disparaissait et l'ignorait comme s'il ne s'était rien passé. Lorsqu'ils se croisaient, Dazai passait son temps à l'énerver et à lui dire qu'il ne voulait pas le voir, et lorsqu'ils ne se voyaient pas, Dazai n'arrêtait pas de l'appeler et de réclamer sa présence. Chûya savait qu'il était pareil, c'était pour cette raison qu'il ne se plaignait pas, mais lui il ne se plaignait pas lorsque Dazai partait en mission avec quelqu'un d'autre.
Dazai avait l'air de lui en vouloir comme s'il avait fait quelque chose de mal, mais Chûya ne comprenait pas ce qu'il avait pu faire. Il n'avait pas choisi qui l'accompagnerait en mission, il n'avait rien demandé, et Dazai agissait comme si c'était de sa faute. Qu'avait-il fait de mal ? Il n'y pouvait rien s'ils ne partaient pas ensemble. Et puis pourquoi ce choix d'équipe dérangeait Dazai ? Ça n'avait aucun sens, depuis quand se préoccupait-il des partenaires de Chûya ?
C'était incompréhensible, Chûya ne parvenait pas à saisir la logique de Dazai. On bien il n'y avait aucune logique, et Dazai était tout simplement stupide. C'était sûrement cela, Chûya ne voyait aucunes autres raisons.
— Tu peux arrêter, dit soudain Fyodor.
Chûya tourna la tête avec surprise vers lui et fronça les sourcils.
— Quoi ?
— Tu peux arrêter de réfléchir autant ? Ça embrouille mon cerveau.
— ... Pardon ?
— J'ai l'impression d'entendre ton cerveau tourner à mille à l'heure, je ne peux même plus réfléchir. C'est de la pollution neurologique, expliqua Fyodor avec sérieux. Donc arrête de réfléchir. Ou pense à quelqu'un d'autre que Dazai.
— Comment tu sais que je pense à lui ?
— Parce que je lis en toi comme dans un livre ouvert.
— N'importe quoi, dit Chûya avec un rictus moqueur.
— Ne me crois pas, je sais que j'ai raison.
— Ok, alors qu'est-ce que tu lis en moi ?
— Ça fait quatre heures que tu essayes de comprendre le raisonnement de Dazai parce que Monsieur s'amuse à t'envoyer des signaux incompréhensibles. Tu n'as pas voulu manger de hamburger parce que c'est très gras et que tu es mal à l'aise avec ton poids, d'ailleurs à chaque fois que tu entres dans une voiture tu actives ta capacité pour te rendre plus léger, pour être sûr que ton poids ne fasse pas baisser la voiture. Tu as le permis, mais tu ne veux pas conduire parce qu'il faudrait que tu règles le siège pour qu'il soit à ta taille et tu n'as pas envie qu'on te fasse de remarques sur ça. Dazai se moque tout le temps de ta taille, et ce sont aussi ses moqueries qui t'ont crée des complexes. Tu adores le vin mais tu détestes le raisin, surtout le raisin vert. Tu agis comme si tu étais le grand frère de tout le monde et tu passes ton temps à aider tout le monde. Tu t'es fait trahir par toutes les personnes à qui tu as accordé ta confiance, et pourtant tu continues de faire confiance à ces personnes. Tu n'es pas à l'aise avec ta capacité, tu ne te sens pas humain non plus-
— Ok c'est bon j'ai compris, coupa Chûya en rougissant de colère et de gêne. Comment ça se fait que tu saches tout ça ? T'analyses tout le monde ou t'es juste obsédé par moi ?!
— J'analyse tout le monde, mais j'avoue que tu attises ma curiosité. Je me demande comment c'est possible de supporter autant Dazai.
   Chûya ne sut pas quoi répondre. Fyodor avait dit tout cela avec indifférence, il n'avait pas l'air d'en avoir grand-chose à faire de ses problèmes de poids ou de confiance, mais c'était tout de même embarrassant. C'était si évident que cela ? Chûya pensait être plutôt discret, mais Fyodor l'avait parfaitement cerné alors qu'ils ne se parlaient jamais. Alors tout le monde l'avait remarqué ? Non impossible, Chûya était certain que personne ne savait autant de choses sur lui. Même Kôyô, qui était comme une mère pour lui, n'avait rien vu. Et Dazai non plus. Alors il n'y avait que Fyodor qui y avait fait attention ? Mais pourquoi y avait-il fait attention ?
   Chûya ouvrit la bouche pour lui poser la question, mais Fyodor le devança.
   — J'ai faim.
   — Tu... Ah. Il y a ma salade si tu veux ?
   — Je suppose que je n'ai pas le choix... Fais-moi goûter.
   Chûya attrapa sa salade, qu'il avait posée sous le pare-brise devant lui. Il reprit sa fourchette et piqua une pâte et un bout de mozzarella, avant de la rendre vers Fyodor. Fyodor ouvrit la bouche et laissa Chûya placer la nourriture entre ses lèvres, comme si de rien était. Quelle situation étrange, Chûya n'aurait jamais pensé en arriver là avec lui. Mais c'était plutôt amusant.
— Tu peux prendre le volant le temps que je mange, demanda Fyodor après avoir avalé.
Chûya hésita un instant, mais c'était soit ça, soit il continuait à donner à manger à Fyodor comme s'il était un enfant. Il accepta alors, et Fyodor s'arrêta sur le côté de la route pour qu'ils échangent de place. Il sortit de la voiture et la contourna, tandis que Chûya se contentait de passer au-dessus des commandes de la voiture pour s'asseoir au siège conducteur. Il dut avancer le siège de plusieurs centimètres pour atteindre les pédales, et baissa considérablement le rétroviseur pour voir dedans, puis il démarra et reprit la route. Conduire l'empêcherait de trop penser à Dazai, ce n'était pas une si mauvaise idée au final. Il n'aimait pas vraiment conduire des voitures, il préférait les motos, mais ce n'était pas grave. Rouler la nuit était agréable, et comme tout le monde dormait, il ne risquait pas d'être déconcentré.
Sauf si Fyodor se mettait à lui parler. Chûya lui jeta un rapide coup d'œil, et vit qu'il avait négligemment ramené le devant de ses cheveux en arrière pour les nouer en un chignon, il avait aussi ramené ses jambes en tailleur, et prit la salade qu'il restait pour la manger. Il avait l'air à l'aise, mais c'était difficile de savoir s'il comptait entamer une discussion ou non. Chûya ne savait pas vraiment à quoi s'attendre avec lui.
   — Si on a un accident et que l'air bag se déclenche, tes jambes vont être bloquées, fit-il remarquer.
   — Ça sera bien fait pour moi, répliqua Fyodor, d'un ton qui montrait clairement qu'il n'en avait pas grand-chose à faire.
— Je croyais que tu ne voulais pas pactiser avec l'Amérique, demanda Chûya en le regardant manger.
— Tu as intérêt à ne parler de ça à personne, dit aussitôt Fyodor. C'est la première et dernière fois que je fais ça.
— Fais attention, ça risque de salir tes origines.
— Très drôle. Comment tu fais pour aussi bien supporter Dazai ? À ta place je l'aurais déjà tué depuis longtemps.
— J'ai l'habitude, dit simplement Chûya en haussant les épaules. Il est pas toujours insupportable, des fois il est... acceptable...
— Hm, fit Fyodor d'un air peu convaincu. Pourtant c'est un connard avec toi.
— Je suppose que je le suis aussi avec lui.
— Tu penses ?
— Je sais pas trop.
— Je ne trouve pas que tu sois un connard.
— Je suppose que c'est une question de point de vue.
— Tu ne devrais pas revenir vers lui à chaque fois, il mérite que tu le laisses sauter d'un pont dans son coin.
— Dazai n'est pas toujours un connard avec moi, quand on se bat ensemble il est... Différent.
— Il a besoin de te voir jouer avec ta vie pour être différent, tu ne trouves pas qu'il y a un problème ?
— C'est pas aussi simple Fyodor. Et toi, qu'est-ce que tu trouves à Nikolaï ?
— Rien.
   — C'est pas l'impression que tu donnes.
   — Je donne quelle impression ?
   — Hmm... C'est difficile à savoir, tu as toujours l'air indifférent à tout, comme si tu ne ressentais jamais rien...
   — Je suis indifférent à Nikolaï.
   — ... Mais lui, c'est le seul avec qui tu as l'air de ressentir quelque chose.
   — Je ressens de l'agacement.
   — Tu le regardes avec des étoiles dans les yeux. Enfin, c'est derniers jours c'étaient des étoiles bien humides...
   — Je ne le regarde jamais comme ça ! Je-
   — Oh s'il te plaît pas à moi, c'est ma spécialité de faire ça avec Dazai. On est dans la même situation tous les deux visiblement.
   — Très rassurant, dit Fyodor d'un ton cynique.
   — Au moins on est désespéré ensemble.
   — Tu rigoles ? On n'est pas désespéré, on a juste choisi les premiers connards qui nous passaient sous le nez.
   — Je savais que j'aurais dû choisir Tachihara, soupira Chûya. Les roux sont les meilleurs.
— Je savais que j'aurais dû choisir les femmes, Kôyô était parfaite..., répliqua Fyodor d'un air dépité.
Chûya tourna brièvement la tête vers lui et ils s'échangèrent un regard qui en disait long sur leur pathétique situation. Fyodor n'était pas si différent de lui au final, lui aussi avait choisi d'aimer le seul homme capable de le blesser. Ils n'étaient pas l'air très malins à présent, mais Chûya était rassuré de voir qu'il n'était pas seul.
— On devrait faire alliance pour supporter nos boulets, dit Chûya en se re-concentrant sur la route.
— Je suis d'accord, au point où on en est, ça ne nous fera pas de mal. Je suppose qu'il ne s'est jamais rien passé entre toi et Dazai ?
— On s'est déjà retrouvé dans une position intéressante, mais c'était après que j'ai utilisé ma corruption alors je me suis endormi entre les jambes de Dazai.
— Quelle situation cocasse.
— Et toi ?
— Je te rappelle que Nikolaï préfère Sigma. Il ne veut pas de ce merveilleux corps, dit Fyodor en se désignant.
— Alors t'es...
— Non, même là je ne suis plus pur. Il m'a quand même pris dans son lit pour me tester mais ensuite il s'est rendu compte que Sigma était mieux.
— Oh. Mais tu ne peux pas être pire que moi.
   — Pourquoi ?
   — J'avais ma tête entre les jambes de Dazai et je me suis endormi. Rien n'est pire que ça, dit Chûya en secouant la tête.
   — Nikolai m'a pris les mains, c'est le seul à me toucher, et son visage s'est retrouvé à cinq centimètres du mien. Et je me suis écarté parce que je pensais qu'il était malade. Personne ne peut faire pire, répliqua Fyodor.
   — J'avais mon visage à quelques centimètres de celui de Dazai et je l'ai frappé, sans aucune raison en plus. Je me tire une balle dans le pied tout seul.
   — Nikolaï m'a demandé si j'aimais les hommes et je lui ai dit que j'aimais les femmes, alors que pas du tout.
   — Ok hum... J'ai abandonné tout ce que j'avais pour rejoindre un mec qui m'a finalement jeté pour partir dans le camp ennemi.
   — J'ai abandonné mon pays pour un mec qui ne sait même pas correctement prononcer mon nom de famille. Il n'y a pas plus honteux.
   — Si, parce que j'utilise ma corruption et je mets ma vie en danger en faisant confiance à un mec qui ne peut même pas me supporter.
   — Oui, mais moi j'ai dit à un mec que je tenais à lui juste après qu'il ait couché avec mon meilleur ami, dit Fyodor d'un ton triomphal. J'ai gagné.
   — T'as pas fait ça, dit Chûya en ouvrant grand la bouche.
   — Je l'ai fait, affirma Fyodor d'un air amer.
   — Oh mon Dieu Fyodor tu es super cringe, comme dirait Higuchi.
   — Je ne sais même pas ce que ça veut dire.
   — Moi non plus. Je suis gêné pour toi, ça devait être horrible.
   — Ça l'était. J'ai dit à Nikolaï « Je tiens vraiment, vraiment, à toi », et cet imbécile m'a répondu « Oh. Je viens de coucher avec Sigma. ». Je ne sais même pas pourquoi il m'a sorti ça, je ne lui avais rien demandé.
   — Tellement gênant... Qu'est-ce que t'as fait ?
   — J'ai retourné ma veste plus vite que Tachihara et je lui ai dit « Ah c'est bien. », et je suis parti pleurer dans ma chambre.
   — Comment on peut s'enfoncer à ce point, s'exclama Chûya, partagé entre l'envie de rire et la peine qu'il ressentait pour Fyodor.
   — Le pire c'est qu'on fait comme si de rien était. Au final j'aurais dû être le clown du groupe.
— J'arrive pas à y croire.
— Tu veux toute l'histoire ?
— Oui !
— Ça a commencé quand Nikolaï a voulu sortir s'amuser avec moi, donc il m'a emmené plusieurs fois dans des boîtes ou des bars. Au début j'aimais pas du tout, mais ça me permettait de passer un moment avec lui, et puis être entouré d'inconnu c'est agréable parce qu'ils ne me connaissent pas, alors ils n'ont pas peur de moi et de mon pouvoir. Plus on sortait ensemble et plus j'étais à l'aise et on s'amusait, jusqu'à ce qu'un soir, Nikolaï me demande de le chauffer en dansant.
— Vraiment ?!
— Oui, mais il me l'a pas du tout dit comme ça. Il m'a dit « donne-moi encore plus envie de te faire l'amour toute la nuit ».
— Sérieusement, demanda Chûya, qui était de plus en plus intéressé.
— Oui. Donc moi c'est ce que je voulais, et j'avoue que je n'étais pas très sobre, alors je me suis mis à danser devant lui d'une manière qui aurait vraiment dû être censurée.
— Tu dansais comment ?
— Je ne sais pas, comme ceux qui font des films X je suppose. J'étais dans mon délire il ne faut pas me juger.
— Je rêve de voir ça.
— Arrête j'ai besoin du peu de dignité qu'il me reste.
— J'aurais essayé. Qu'est-ce qu'il s'est passé après ?
— Nikolaï m'a récupéré, il m'a ramené chez lui, et il m'a fait l'amour toute la nuit, raconta Fyodor d'un ton dépourvu de joie.
— Et c'était nul, demanda Chûya avec perplexité.
— C'était incroyable, c'était la plus belle nuit de ma vie. Le lendemain, quand je me suis réveillé j'étais tout seul dans le lit.
— C'est mauvais signe.
— On est d'accord. Mais je me suis dit que c'était normal puisque je savais que Nikolaï avait une mission tôt de prévue, et il m'avait laissé un mot et un petit déjeuné.
— Quelle délicate attention.
— Oui. On s'est vu plus tard dans la journée et Nikolaï a fait comme si de rien était, et je me suis pas questionné, puisqu'on travaillait, et on n'était pas seul.
— Tu aurais dû te poser des questions.
— Je sais, mais je me suis dit que c'était normal ! Sauf qu'on s'est revu plus tard, et on ne s'est pas parlé. Et pendant des jours, il a fait comme si de rien était, alors qu'il m'avait fait hurler son nom toute la nuit.
— Mais quel chien, s'exclama Chûya sans pouvoir s'en empêcher.
— Je me suis dit que c'était sûrement de ma faute, et qu'il devait avoir honte parce que j'étais nul au lit ou quelque chose comme ça, dit Fyodor en baissant les yeux. Donc j'ai essayé de lui parler et de lui dire que je l'aimais, tout ça pour qu'au final... Il me dise qu'il venait de coucher avec Sigma.... Et... Il l'avait fait quelques minutes avant, parce qu'il sortait de la chambre.
— C'est un connard, comment est-ce qu'il peut te dire ça ?!
— Ça équivalait à un « tu étais juste un coup d'un soir »... Heureusement que je ne lui ai pas clairement dit je t'aime...
   — J'arrive pas à y croire. À chaque fois que je voyais Nikolaï il était toujours super content d'être avec toi.
   — Peut-être qu'il faisait simplement semblant.
   — Mais ça semblait si sincère... Comment est-ce qu'il a pu te faire ça ?!
   — Je ne sais pas, j'ai l'impression que ce n'est rien et que je réagis trop dramatiquement.
   — Pas du tout, à ta place je les aurais tués tous les deux ! Et tout à l'heure Nikolaï t'as même pas dit au revoir ! Et Sigma ? T'as dit que c'était ton meilleur ami et il est même pas venu ?! Comment ils peuvent faire ça ?!
   Fyodor ouvrit la bouche pour répondre, mais il se ravisa, et n'ajouta rien. Il ne devait pas avoir de réponse à ses questions, et peut-être que lui aussi, il ne comprenait pas pourquoi il recevait un tel traitement.
— Tu as dû te sentir mal après ça, non, demanda Chûya avec peine.
— Avec le temps ça va mieux. Je le comprends, entre nous deux j'aurais aussi choisi Sigma. Ça ne me fait rien au final, je m'en suis remis.
Chûya jeta un coup d'œil à Fyodor. Il avait les yeux baissés, il remuait sans conviction la fourchette qu'il avait plantée dans sa salade, et l'une de ses jambes pliées avait commencé à trembler frénétiquement. Chûya faisait aussi cela quand il pensait à tous ses échecs avec Dazai, alors il ne pouvait que comprendre ce que ressentait Fyodor. Il devait être loin de s'en être remis.
   — Ok, je te décerne le prix du plus grand clown en amour. Tu m'as devancé, dit finalement Chûya pour le détendre.
   — Merci, je le mérite de loin.
   — Tu devrais faire un discours.
   — Ok... J'aimerais remercier ceux qui m'ont permis d'en arriver jusque-là, Nikolaï, qui m'a envoyé tous les signaux possibles avant de partir avec mon meilleur ami, et Sigma, qui s'est tapé mon ex futur petit ami en sachant que je le voulais, déclara Fyodor d'une voix éteinte. Et toi, tu veux faire un discours ?
   — Je remercie Dazai qui m'a retiré tout ce qu'il m'avait offert, Kunikida, qui m'a très clairement volé mon partenaire, et... allez, Oda, qui a eu la merveilleuse idée d'envoyer mon ex futur petit ami dans le camp ennemi.
   — Bravo, dit Fyodor en applaudissant.
— Merci. Est-ce qu'il faut considérer Nikolaï comme un pédophile du coup ? Sigma il a quoi ? Quatre ans ?
Fyodor tourna vivement la tête vers lui en écarquillant les yeux.
— Tu es sérieux, demanda-t-il d'un air mi-incrédule, mi-amusé.
— Très sérieux. Sigma c'est un bébé, tu penses qu'il a toutes ses dents ?
— Il doit lui en manquer quelques-unes au fond de la bouche...
— C'est pour ça qu'il se couche toujours aussi tôt, il doit être au lit à neuf heures.
— Arrête, dit Fyodor en souriant.
— C'est aussi pour ça qu'il est toujours perdu, les enfants connaissent pas le monde autour d'eux. Tu penses qu'il met des couches ? On en met jusqu'à quel âge ?!
Fyodor enfouit son visage en éclatant de rire, en faisant de son mieux pour rester discret et ne pas réveiller ceux qui dormaient à l'arrière. Chûya le regarda avec surprise. C'était la première fois qu'il l'entendait rire, d'habitude Fyodor gardait toujours un visage sérieux, et les seules fois où il riait, il ne laissait échapper qu'un rire bref et sadique. Mais là, il semblait être pris par un véritable fou rire ! Et son rire était vraiment drôle à apprendre. Il était étrangement aigu et il ressemblait plus à des pleurs qu'autre chose, ce qui amusait beaucoup Chûya.
— C'est quoi ce rire, demanda-y-il en éclatant de rire à son tour.
— Arrête c'est pas drôle, dit Fyodor d'une voix étouffée.
   — On dirait une fillette en train de pleurer !
   — Laisse-moi ! Chûya tu conduis même plus droit, dit Fyodor en posant sa main sur le volant pour le guider.
   En effet, la voiture avait commencé à dévier de sa trajectoire pour se diriger vers l'herbe qui brodait la route. Heureusement qu'il n'y avait presque aucune voiture, sinon ils auraient pu avoir un grave accident. Mais Chûya avait du mal à retrouver son calme, il riait tant que des larmes étaient apparues dans ses yeux. Le simple fait de repenser au rire de Fyodor le faisait rire, et à présent il ne pouvait s'empêcher d'imaginer Sigma en bébé, ce qui ne l'aidait pas à se calmer.
   — Ton rire va pas du tout avec ta tête, dit-il en hoquetant.
   — Arrête de te moquer de moi ! En plus maintenant j'imagine Sigma en tenue de bébé et dans un berceau, avec Sophie la Girafe à la main, dit Fyodor, alors qu'il essuyait ses larmes.
   — Dans un lit avec des barreaux autour et un petit manège au-dessus de lui, rajouta Chûya d'une voix étranglée.
   Fyodor enfouit de nouveau son visage entre ses mains pour contenir son hilarité, et Chûya dut se mordre la lèvre pour essayer de garder un minimum de concentration. Il devait vraiment se calmer, sinon il le ferait avoir un accident... Et puis Fyodor semblait être sur le point de mourir d'asphyxie tant il riait, il valait mieux que Chûya arrête de lui faire imaginer Sigma en petit enfant.
   — Bon faut qu'on arrête là, en plus en va réveiller les petits, dit-il en soufflant pour retrouver son calme.
   — J'adore me moquer de Sigma avec toi, dit Fyodor en relevant la tête, la voix pleine de larmes et de rires.
   — Mais c'est pas ton meilleur ami ?
   — Il s'est tapé mon ex futur petit ami sans remords, c'est plus personne pour moi, dit Fyodor en essuyant ses joues.
   — Alors moquons-nous de lui, Nikolaï et Dazai ensemble !
   — O-Oui voilà...
   — Tu veux de la Ventoline ?
   — Arrête Chûya j'ai mal au ventre à force de rire !
   — Mais je suis sérieux, on dirait que tu vas faire une crise d'asthme quand tu ris !
   — Laisse mon rire tranquille ! Bon... Respirons calmement... Tout va bien...
   — J'ai jamais autant fait rire quelqu'un, d'habitude Dazai me dit tout le temps que je suis pas drôle.
   — L'avis de Dazai ne compte pas, je te rappelle que lui pour s'amuser il s'allonge dans la rue et il essaye de devenir une gaufre, rappela Fyodor.
   — C'est vrai. Tu as donc officiellement meilleur humour que lui, en fait tu es comme lui mais en mieux.
   — On aurait dû se plaire mutuellement, comme ça plus de problème.
   — Si tu veux, si Nikolaï se met avec Sigma, et que Dazai refait n'importe quoi avec moi, on aura qu'à se mettre ensemble. On imaginera Sigma en bébé et Dazai en gaufre, on rigolera bien, déclara Chûya en souriant.
   — C'est une proposition qui me plaît, avoua Fyodor, d'une voix encore fragile. On aura qu'à s'embrasser devant Dazai la gaufre pour le faire réagir.
   — C'est une très bonne idée, même si je pense qu'il en aura rien à faire. Soyons des clowns ensemble Fyodor, proposa Chûya en lui tendant la main.
   — Tu sais que je pourrais te tuer si je te touchais ?
   — Ben... Vas-y, mais tu seras le seul clown dans cette voiture. Après moi je rirais bien d'en haut.
— Je préfère qu'on soit deux clowns alors, dit Fyodor en serrant sa main. C'est exactement ce que Nikolaï et Dazai redoutaient.
   — De quoi ?
   — Qu'on s'entende bien. Ils ne veulent pas qu'on se parle et qu'on devienne ami, pour ne pas qu'on se ligue contre eux.
   — Oh... Et bien... Réalisons toutes leurs craintes ensemble, dit Chûya avec un sourire.
   — J'en serai ravi, répondit Fyodor.

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Ne vous inquiétez pas, dans le dernier chapitre Aku n'a pas passé la nuit par terre, Tachihara est venu le chercher !! Oui parce que Dazai et Nikolaï l'avaient vraiment abandonné sans pitié...
Atsushi leur dira deux mots 🤺

En attendant, on en apprend plus sur ce qu'il s'est passé entre Fyodor et Nikolaï ! Comparé aux autres intrigues, là c'est vraiment un connard... Mais bon, j'avais prévenu que le Fyolai souffrirait-

Demain l'os sera un ranpoe, avec Ranpo et Poe qui écouteront les problèmes de Dazai et Nikolaï !

Zoubi zoubi :)

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant