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LA MÉLODIE DE SON SOUFFLE

Le dernier souffle

────── ༻ ҉༺ ───────

— Tu crois à la vie après la mort ?
— Quoi ?
— Tu penses qu'il y a quelque chose après la mort ? Pas forcément le paradis ou l'enfer, ça peut être juste... Autre chose. Ou alors on disparaît simplement.
— On meurt juste, et après c'est fini, dit simplement Ryûnosuke. Sinon on serait bloqué pour l'éternité quelque part, ça doit être ennuyant et frustrant. Ça voudrait dire que tu verrais le monde changer et disparaître. Et puis je vois pas ce qu'il pourrait y avoir, une fois que ton corps meurt, ton âme disparaît avec, ça s'arrête là.
Atsushi ne répondit pas, et garda les yeux rivés sur le ciel. Il était allongé dans l'herbe, dans un parc qui n'était pas très loin des quartiers de la mafia. Ryûnosuke était allongé près de lui, une fois de plus, il se servait de son bras comme cousin, et contemplait le ciel, tout comme lui. Ils étaient ici depuis un bon moment. Le temps était agréable, l'air était léger et les rayons du soleil doux, quelques nuages décoraient le ciel, comme du coton sur un tissu azur.
Ils avaient profité de cette belle journée pour sortir un peu. Aujourd'hui, Ryûnosuke se sentait mieux que d'habitude, ce qui était de plus en plus rare, alors ils avaient pu se balader un peu. Être allongé dans l'herbe l'aidait aussi à respirer, alors il ne portait pas sa canule, et pour une fois, Atsushi ne l'avait pas obligé à l'emmener avec lui.
— Et toi, t'en pense quoi, demanda Ryûnosuke, en voyant qu'Atsushi ne répondait pas.
— Moi je pense qu'il y a quelque chose après la mort.
— Vraiment ? T'es croyant ?
— Non, mais j'ai du mal à me dire que ça se termine simplement comme ça. Il y a forcément quelque chose après, sinon tout ça serait vain... Non ?
— Pourquoi ça serait vain ? Il n'y a aucun but à la vie en elle-même, alors elle ne peut pas être vaine.
— Tu peux donner un sens à ta vie, dit Atsushi d'un air pensif. Tu vis pour changer le monde, pour laisser ton empreinte sur terre, pour laisser une trace. Peut-être que quand tu meurs, tu peux te reposer, et juste voir ce qu'à apporter ta vie aux autres.
— J'y crois pas trop, dit alors Ryûnosuke. Je vois pas ce que tu apportes aux autres de suffisamment marquant pour que ça vaille la peine d'être... Je sais pas, d'être observé.
— Alors tu trouves que je t'apporte rien, questionna Atsushi en tournant la tête vers Ryûnosuke.
— Si mais c'est différent.
— Pourquoi ?
— Je sais pas... Tu m'as apporté beaucoup de choses, mais si tu meurs, ça m'apportera de la tristesse. Je pense pas que tu veuilles voir ça depuis un au-delà.
— Hmm...
Leur conversation resta en suspens un moment, et Atsushi posa ses yeux sur un oiseau qui volait dans le ciel. Il était noir, il volait sous les nuages, comme s'il cherchait à s'abriter des rayons du soleil. Vu de loin, il semblait minuscule, pas plus grand qu'un papillon de nuit. Atsushi le suivit des yeux, et lorsqu'il disparut derrière un nuage, ses yeux restèrent rivés dessus, à attendre qu'il resurgisse. Mais il ne réapparut pas, il semblait avoir été absorbé par ce nuage.
Le ciel était un peu comme un au-delà. C'était ainsi qu'Atsushi se représentait le ciel mortuaire, celui évoqué lorsque quelqu'un disait « il est monté au ciel ». Lorsqu'il était petit, il imaginait des centaines d'âmes blanches voler au-dessus de lui, des fantômes de défunts, qui observait avec bienveillance la terre sous eux. C'était une conception enfantine de la mort, mais elle le rassurait, et aujourd'hui encore, il ne pouvait s'empêcher d'y penser. Il aimait penser qu'il y avait quelque chose après la mort. En ce moment, il en avait besoin, c'était le seul espoir qu'il s'autorisait à avoir. Cependant... Ryûnosuke avait raison sur un point. S'il mourrait, il n'aimerait pas voir la souffrance que cela pourrait causer à Ryûnosuke. Il ne préférait pas l'imaginer tant ça lui était douloureux... Il ne voulait pas le voir souffrir par sa faute, au contraire, s'il mourrait, il voudrait le voir être heureux...
— J'aimerais juste te voir heureux, dit alors Atsushi.
— Quoi ?
— Si je mourrais, et que je pouvais te voir, de là-haut, je voudrais te voir heureux. Ça sera dur de te voir aller mal, mais je sais que tu surmonterais ça, et que tu trouverais d'autres personnes à aimer. Je voudrais te voir te battre jusqu'au bout et guérir. Je voudrais voir celui que tu es devenu avec moi. J'ai l'impression que depuis qu'on est... Aussi proches... Tu t'ouvres plus aux autres, et j'aime bien me dire que c'est grâce à notre relation. Alors si je n'étais plus là, je voudrais te voir te faire plein d'amis, rencontrer des personnes, et t'autoriser à faire ce que tu aimes..., murmura Atsushi, le regard perdu dans le vide.
— Ça doit être douloureux, répondit Ryûnosuke d'une voix troublée.
— Peut-être qu'avec le temps, la douleur de la séparation diminue. Et puis peut-être que quand tu meurs, tu ne ressens plus rien de négatif !
— Mais si je rencontre quelqu'un d'autre, et qu'ensuite je meurs, on ne pourra pas se rejoindre.
Atsushi tourna la tête vers Ryûnosuke, et plongea son regard dans le sien. Son regard s'était assombri, l'argent qui faisait briller ses pupilles s'était éteint, terni, et un voile grisâtre était tombé dessus. Il n'y avait pas de peur dans son regard, seulement de la tristesse. Cela faisait longtemps qu'Atsushi n'avait plus vu ses yeux briller de cette manière, ces derniers jours, Ryûnosuke avait semblé vraiment heureux, et cette nuit, lorsqu'ils avaient passé leur premier moment intime ensemble, il avait semblé si bien... Atsushi avait presque oublié la couleur de ses yeux lorsqu'ils étaient baignés de tristesse. La lumière, faible, éteinte, qui brillait dedans était aussi belle que déchirante.
Avait-il peur d'être séparé de lui ? Avait-il peur de disparaître ? Atsushi ne s'était jamais réellement posé la question. Bien sûr, il savait que Ryûnosuke supportait mal la pression que lui mettait tout le monde par rapport à sa maladie, qu'il detestait se sentir faible, et qu'il n'aimait pas voir ses proches penser à sa mort. Mais... Et lui, que pensait-il de la mort ? Il était sûr qu'il ne guérirait pas et qu'il mourrait de sa maladie, mais que ressentait-il vraiment par rapport à ça ? Avait-il peur de mourir ? De laisser ses proches seuls ? Avait-il peur de ce qu'il arriverait après sa mort ?
Il n'avait plus rien dit à propos de cela depuis qu'ils s'étaient disputés. Atsushi essayait de ne pas trop lui parler de sa maladie, il le faisait surtout lors de ses rendez-vous médicaux, mais sinon il évitait, pour ne pas l'oppresser avec ses problèmes de santé. Il n'avait pas osé lui demander comment il se sentait par rapport à tout cela. Ryûnosuke ne donnait jamais l'impression qu'il souhaitait parler de ça, mais aujourd'hui... Il semblait différent. Il avait l'air de vouloir en parler, et au fond, Atsushi aussi en avait besoin.
Il se tourna sur le ventre, s'accouda sur l'herbe, et regarda un moment Ryûnosuke.
— T'as peur de mourir, demanda-t-il dans un souffle.
Sa question était à peine inaudible. Comme si elle lui avait échappé, tel un cri du cœur retenu trop longtemps. Mais Ryûnosuke ne sembla pas surpris, ou du moins, il n'en laissa rien paraître. Il ne répondit pas tout de suite, et fixe Atsushi en silence, les yeux plongés dans les siens.
— Pas forcément mourir de ton cancer... Juste... Est-ce que tu as peur de la mort en général, précisa Atsushi d'un ton maladroit.
— Je sais pas trop, répondit finalement Ryûnosuke. J'ai jamais vraiment eu peur de la mort. Je me suis toujours dit que si je mourrais, ça serait dans un combat, et que je serais trop épuisé pour avoir peur.
— Tu le penses toujours ?
— Non, maintenant je m'imagine seulement mourir sur un lit d'hôpital.
— Ryû, dis pas ça...
— Je te réponds juste honnêtement. Je voulais pas en parler, surtout pas avec toi, parce que j'avais besoin de penser à autre chose. Mais j'ai réfléchi à tout ça. À la mort, au cancer, à la peur... J'en ai discuté avec Chûya, et lui aussi il m'a demandé si j'avais peur, et je suis arrivé à deux conclusions.
— Lesquelles ?
— La première, c'est qu'il n'y a pas de raison d'avoir peur. Peu importe ce qu'il y a après la mort, ce qui est sûr, c'est qu'elle marque la fin d'une vie. Alors il n'y a pas de raison d'avoir peur, puisque tu ne risques plus rien après ça, c'est juste... Fini. Si tu meurs, ta vie s'arrête là, c'est comme ça, alors pourquoi avoir peur ? Il ne peut rien t'arriver après ça... Enfin c'est comme ça que je raisonne, dit Ryûnosuke en levant les yeux vers le ciel.
— C'est vrai qu'en y réfléchissant, c'est un peu absurde d'avoir peur de la mort, puisqu'on ne risque plus rien après... Et c'était quoi ton autre conclusion ?
— C'est que ce n'est pas de la mort que j'ai peur. Avant... J'avais peur de mourir avant d'avoir obtenu la reconnaissance de Dazai. Pour moi c'était la pire chose qui pouvait arriver, parce que j'avais absolument besoin de son estime. Mais maintenant...
— T'en as plus besoin, demanda Atsushi avec surprise.
— J'ai l'impression que non... Ça fait un mois que je travaille plus, et je pensais que je le vivrais vraiment mal, mais au final... Ça va. Au final, son estime ne m'apporterait rien de plus que ce que je n'ai déjà. Ça ne m'aiderait à rien, ça ne m'est pas vital, je veux dire, c'est pas ça qui me fait respirer ou qui me fait tenir le coup... Mais maintenant il y a autre chose...
— Quoi ?
Ryûnosuke détourna les yeux, de manière à tourner la tête à l'opposé d'Atsushi, et ses joues se colorèrent doucement.
— J'ai pas envie de te laisser..., avoua-t-il dans un murmure.
— C'est vrai, demanda Atsushi alors qu'un sourire naissait sur son visage.
— Arrête, c'est embarrassant. J'ai juste pas envie que tu m'oublies. Et que tu partes avec quelqu'un d'autre.
— Tu penses vraiment que je pourrais t'oublier ?
— Tout s'oublie un jour ou l'autre, je vois pas pourquoi j'y ferais exception.
— Je suis pas d'accord, il y a des choses qui s'oublient pas ! Les personnes qui ont changé notre vie s'oublient pas, encore moins ceux qui ont vraiment compté. Ni celles qui ont essayé de nous tuer dès notre première rencontre, ajouta Atsushi en plongeant sa main dans les cheveux de Ryûnosuke.
— Il y a des tas de personnes qui ont essayé de te tuer, et si je meurs, je finirai par devenir une de ces personnes dont tu ne te souviendras que vaguement, répliqua Ryûnosuke. Je suis une personne qui t'as fait du mal parmi tant d'autres...
— Et bien figure toi qu'on se souvient de chaque personne qui nous a fait du mal. Et puis toi tu n'as pas fait que ça... Je pourrai pas t'oublier, même si je le voulais.
— Moi je pense que si. Au bout de quelques années peut-être, mais tu finiras par m'oublier.
— On oublie pas ses premières fois, finit par dire Atsushi.
— Ses premières fois ?
— Oui. T'as été le premier à essayer de me tuer avec ton pouvoir, t'as aussi été mon premier combat. T'as le premier avec qui j'ai formé une vraie équipe. Le premier à m'avoir tellement énervé que je me suis mis à crier. Le premier à m'avoir fait avancer avec ma capacité. Le premier à mettre sa vie en danger pour moi. T'es aussi le premier avec qui j'ai dormi dans le même lit. Le premier que j'ai embrassé. Le premier avec qui j'ai couché. Et le premier pour qui j'ai ressenti quelque chose de particulier. Ah, t'es aussi le premier à m'interdire de te dire ce que je ressens pour toi, ajouta Atsushi en souriant. J'oublierai pas tout ça. Et j'espère que tu l'oublieras pas non plus...
— Je peux pas t'oublier, tu as marqué mes hanches à vie, répliqua simplement Ryûnosuke. J'ai plus de courbatures après avoir passé une nuit avec toi qu'après un combat...
— Oui mais... Mais tu as aimé, s'exclama Atsushi.
— Oui, j'ai aimé... T'as raison, je pense pas que je pourrais oublier ça, dit Ryûnosuke d'un air pensif.
— Tu vois !
— De toute façon j'aurais pas le temps pour l'oublier.
— Je suis sûr que si. Dans quelques mois tu iras mieux, et tu repenseras à tout ça, et tu te diras que finalement, j'avais raison. Comme toujours !
— Et si je guéris jamais ?
— Ryû, tu vas pas mourir.
— Oui mais et si je guéris pas ? Et si je reste malade sans guérir ni mourir ?
— Je comprends pas. Pourquoi est-ce que tu dis ça ?
— Ça fait un mois que je suis malade. Mon cancer n'évolue pas, mais il ne rétrécit pas non plus. Rien n'avance, rien ne recule. Et si mon état se stabilise comme ça... Je pourrais rester comme ça pendant des mois. Des années même. Je supporterai pas de rester comme ça pendant des années, d'être toujours aussi faible, de ne vivre qu'à moitié, sans plus avoir de capacité, ni force... Je supporterai pas ça, j'ai besoin que ça s'arrête...
Sa voix se transforma en murmure, avant de s'éteindre. Il resta silencieux pendant un moment, et Atsushi ne chercha pas à relancer la conversation. Il le regardait simplement, avec un regard doux et bienveillant, et continuait de caresser ses cheveux. Ses doigts se plongeaient dans ses mèches et s'y perdaient, leur pulpe effleurait son crâne, le massait furtivement, avant de tomber entre ses cheveux blancs. Ils étaient moins touffus qu'avant, moins épais et dense, car Ryûnosuke avait perdu beaucoup de cheveux. Ils avaient aussi perdu de leur vigueur et de leur éclat, ses mèches étaient moins rebelles, elles ondulaient moins. Mais Atsushi ne trouvait pas qu'il avait moins de charme ainsi, il était toujours aussi séduisant.
Cela faisait un peu plus d'un mois qu'il était malade. Son corps en portait les marques, il avait encore maigri, il toussait tant que sa voix était plus grave, et il était souvent trop épuisé pour bouger. Il n'avait plus de motivation également, et souvent, il était déprimé. Malgré cela, il s'en sortait, et il pouvait aussi se sentir bien.
Ce mois avait été éprouvant. Même pour Atsushi, ces derniers jours avaient été particulièrement difficiles. S'occuper d'un malade n'était pas évident, et voir la personne qu'on aime aller mal était angoissant. Atsushi n'avait jamais autant angoissé que depuis qu'il savait que Ryûnosuke était malade, et pourtant il avait passé d'horribles années à l'orphelinat. Il avait eu l'impression de vivre le pire mois de sa vie, il se réveillait chaque jour avec des pensées sombres, le cœur battant trop rapidement dans sa poitrine, la gorge nouée, et il se levait avec le sentiment que la journée qui l'attendait serait terrible. C'était épuisant, Atsushi ne savait pas s'il pourrait tenir ainsi plusieurs mois, voire toute une année. Alors il comprenait ce que disait Ryûnosuke.
Que devaient-ils faire si son cancer n'évoluait pas ? Que faire s'il était trop développé pour disparaître, mais pas assez pour tuer ? Devraient-ils attendre, le subir pendant des années, jusqu'à ce qu'un jour Ryûnosuke meure ? Comment vivre dans de telles conditions ? Comment trouver la motivation de se lever chaque jour et d'entreprendre quoi que ce soit ? Comment continuer d'avancer si ce n'était que dans le seul but de mourir ? Il n'y avait pas de réponse à cela. Atsushi ne savait pas quoi dire pour rassurer Ryûnosuke.
Il l'observa en silence, et Ryûnosuke finit par le fixer à son tour. Plus Atsushi cherchait une réponse, plus elle se dérobait à sa voix, et se perdait dans sa bouche. Alors, il se baissa vers lui, et déposa ses lèvres. Un baiser. Son amour était la seule réponse sincère qu'il avait à lui donner. Il n'avait que son amour pour le rassurer, et pour espérer lui donner une raison de supporter son cancer.
Il l'embrassa, du bout des lèvres d'abord, puis leur baiser se prolongea, s'intensifia, et chaque recoin de sa bouche caressa celle de Ryûnosuke. Il se pencha un peu plus au-dessus de lui, se couchant sur son torse, et Ryûnosuke passa ses bras autour de son cou. Leur baiser se prolongea encore un moment. Il réchauffait leur cœur et atténuait leur tristesse, Atsushi se sentait bien ainsi, il ne pensait plus qu'à Ryûnosuke. Il finit par poser une main sur sa hanche, il l'attira contre lui, et Ryûnosuke s'appuya contre sa poitrine. Plus leur baiser se prolongeait, et plus il devenait difficile d'y mettre fin. S'éloigner briser la chaleur qui naissait de leur baiser, cela romprait le charme, la douceur de ce moment, et les ramènerait à la réalité qu'ils cherchaient à fuir. Ils restèrent alors comme ça, laissant leur baiser s'enflammer, leur passion se faire de plus en plus forte. Ryûnosuke devait être à court de souffle, mais il ne dit rien, et continua d'embrasser Atsushi, comme si sa vie en dépendait.
Mais après un moment, ils durent se séparer, lorsqu'ils se rendirent compte que leur cœur battait trop vite, et que leur corps s'était trop réchauffé.
— On devrait s'arrêter là, dit Atsushi à contre cœur, sans trop s'éloigner de Ryûnosuke.
— Je pense que c'est déjà trop tard pour toi, dit Ryûnosuke en passant ses mains sur ses bras, un sourire au visage.
— Pourquoi ?
— Atsushi..., dit Ryûnosuke d'un air entendu.
Atsushi baissa les yeux, et observa ses mains passer sur lui, avant de rougir vivement. Ça recommençait... Il devait vraiment apprendre à se contrôler.
Ça lui était déjà arrivé hier soir, lorsqu'il avait fait sa première fois avec Ryûnosuke. Il ne l'avait pas remarqué, mais l'excitation qu'il avait ressentie avait été si forte qu'elle lui avait fait perdre le contrôle de sa capacité. Il ne s'était pas transformé en tigre, évidemment, mais ses muscles avaient légèrement gonflé, comme lorsqu'il était en train de se transformer, et qu'il s'apprêtait à changer d'apparence. Ses biceps se démarquaient plus, ses ongles commençaient à pousser, et ses canines s'affinaient. C'était très embarrassant, Atsushi ne s'en rendait pas du tout compte !
Et voilà qu'il se retrouvait de nouveau dans cette situation, ce qui faisait qu'il emprisonnait Ryûnosuke au sol !
— Désolé, s'exclama-t-il en se redressant immédiatement, et en reprenant son apparence de base.
— Ça me dérange pas, j'aime bien.
— C'est super gênant... Il faut vraiment que j'apprenne à contrôler ça, sinon je vais finir par te mordre sans le vouloir...
— Ça serait peut-être pas si dérangeant, moi je t'ai bien mordu quand j'étais un vampire, répondit Ryûnosuke en se relevant à son tour.
— C'est vrai.
— T'avais aimé ?
— Q-Quoi ?!
— Ça t'avais plu ? J'étais pas vraiment conscient, mais je me souviens que tu t'étais laissé faire.
— Je me suis pas... Enfin c'était juste pour pas te faire du mal. Et puis je me disais que si toi t'étais un vampire, je pouvais l'être aussi...
— Je suis sûr que tu as aimé, finit par dire Ryûnosuke avec un haussement d'épaules. Ça me dérangerait pas que tu me mordes, sur le moment, ça peut être plaisant...
Atsushi ouvrit la bouche pour répondre, mais il se ravisa. Il ne s'attendait pas à ce que la discussion prenne cette tournure, il pensait qu'ils resteraient sur un sujet plus sérieux et plus grave, mais...Toute la tristesse qui emplissait les yeux de Ryûnosuke quelques minutes plutôt avait complètement disparu, et à présent il semblait plus... Plus lui-même. Il semblait bien plus vivant que depuis ces derniers jours. Atsushi sourit alors, et posa sa tête sur son épaule.
— Je suis content de te voir comme ça, dit-il à voix basse.
— Comment ?
— Heureux. Léger. Souriant. C'est bizarre, parce que t'étais jamais comme ça quand on était ennemis, mais depuis qu'on est... Plus proches, je t'ai vu sourire. C'est paradoxal, parce que tu deviens de plus en plus sombre et malade, mais en même temps, tu souris plus avec moi, tu t'ouvres plus, et tu es plus détendu. Et j'aime te voir comme ça.
— Je pourrais être comme ça plus souvent si je guérissais.
— Ça me dérangerait pas, répondit alors Atsushi.
Il leva les yeux vers Ryûnosuke et lui sourit une fois de plus. Ryûnosuke le dévisagea un moment, avant de consentir à lui rendre son sourire.
— On rentre à la maison, finit-il par demander. J'en ai marre d'être ici.
— Oui, on y va, dit alors Atsushi.
Il se releva, épousseta ses vêtements, et prit la main de Ryûnosuke pour l'aider à se remettre debout. Il le prit ensuite par la taille et l'attira contre lui pour l'aider à marcher, passant son bras par-dessus ses épaules pour que Ryûnosuke s'appuie sur lui. Il était un peu faible pour marcher seul et sans canule pour respirer, et puis... Ses jambes tremblaient toujours depuis cette nuit, alors...
— Je t'interdis de rire, ou de commenter ma démarche, murmura Ryûnosuke.
— Je dirai rien, promit Atsushi.
— Hé Atsushi ! Akutagawa !
Les deux jeunes hommes se retournèrent avec surprise, et tombèrent presque nez à nez avec deux yeux vairons, qui les observaient avec une joie non dissimulée. Nikolaï se tenait juste derrière eux, ou plutôt, son visage flottait derrière eux. Il apparaissait grâce à l'un de ses portails dorés, mais son corps n'était pas ici, et sa longue tresse argentée tombait dans le vide. Atsushi recula machinalement en le voyant, il tira Ryûnosuke vers lui pour le protéger, et se mit en posture défensive, prêt à arrêter un coup soudain de Nikolaï à tout moment. Comment se faisait-il que Nikolaï soit là ?! Pourquoi le croisaient-ils encore ?
— Nikolaï, s'exclama Atsushi. Qu'est-ce que tu fais là ?!
— Je vous ai aperçu de loin, alors j'en ai profité pour passer vous faire un petit coucou, expliqua Nikolaï, en souriant de toutes ses dents. Vous êtes bien proches dites donc !
— Comme toi et cette personne aux sources, répliqua Ryûnosuke d'un air calme. C'était qui ?
— Ah ça c'est un secret que je ne peux pas vous dévoiler ! Mais je vois que je ne suis pas le seul à prendre du bon temps ! Vous êtes ensemble ?
— Qu'est-ce que ça peut te faire, demanda Atsushi, en resserrant sa prise sur Ryûnosuke.
— Ça pourrait être utile pour mes prochains plans ! Par exemple, si je décide de vous envoyer en prison comme Dazai, je pourrais m'arranger pour que vous soyez dans la même cellule ! C'est triste de séparer deux âmes-sœurs, non ?
— On a récupéré la page, donc tu ne peux plus m'envoyer en prison, je n'ai jamais rien fait de mal, dit Atsushi. Et puis ça te servirait à rien de faire ça, c'est pas à nous qu'il faut t'en prendre !
— Tu t'y connais en séparation d'âmes-sœurs, non, demanda Ryûnosuke d'une voix toujours aussi posée. Je suppose que Fyodor a dû te manquer quand il était en prison.
— Tu penses qu'on est des âmes-sœurs, s'exclama Nikolaï avec émerveillement.
— Sans aucun doute, répondit Ryûnosuke avec indifférence.
— Je suis d'accord ! Mais il me manquait pas vraiment quand il était en prison, je pouvais le voir quand je voulais grâce à mon pouvoir !
— Vraiment ? Mais Dazai était juste devant Fyodor en permanence, dit Atsushi sans comprendre.
— Je peux être discret quand j'en ai envie tu sais, et Dazai ne voit pas tout !
— L'autre jour tu n'étais pas très discret pourtant, fit remarquer Ryûnosuke. Tu étais avec Fyodor, n'est-ce pas ?
— Quoi, demanda Nikolaï en haussant les sourcils.
— Je pensais que tu voulais le tuer, mais il faut croire qu'entre deux tentatives de meurtre vous vous envoyez en l'air.
Nikolaï dévisagea Ryûnosuke un instant, le visage fermé, et Atsushi se crispa. Nikolaï ne semblait pas du tout apprécier la tournure de la conversation. Atsushi ne savait pas si c'était parce que Ryûnosuke disait n'importe quoi, ou si c'était parce qu'il disait vrai, et que sa relation avec Fyodor était donc découverte, mais Nikolaï n'avait vraiment pas l'air content. Atsushi serra Ryûnosuke contre lui, de manière à pouvoir le tirer derrière lui en cas de danger, et se prépara à activer sa capacité. Il sentait une certaine tension entre eux, et c'était très mauvais signe. Cette rencontre avec Nikolaï n'augurait rien de bon.
Mais contre toute attente, Nikolaï retrouva son sourire, et se détendit immédiatement.
— Fyodor était mon meilleur ami, et Chûya l'a tué. Je ne peux pas aller avec lui aux bains, dit-il doucement. Je n'ai même pas sa dépouille pour le garder avec moi, et son bras se décompose !
— Tu dois être triste alors, dit Atsushi d'un air méfiant.
— Très, il était le seul à me comprendre... Mais je suis sûr qu'il me regarde d'où il est, et qu'il m'attend ! Sur ce, je vais vous laisser, je ne voudrais pas interrompre une balade d'amoureux !
Il leur fit un clin d'œil, puis son portail engloutit son visage, et il disparut entièrement. Atsushi regarda autour de lui en fronçant les sourcils, pour s'assurer qu'il n'était pas réapparu plus loin. Il n'y avait plus aucune trace de lui. Quelle rencontre étrange... C'était la deuxième fois en moins d'une semaine, et Atsushi ne pouvait s'empêcher d'y voir un mauvais signe.
— On devrait aller à l'agence pour dire qu'on a vu Nikolaï, dit Atsushi d'un air peu rassuré. Et on devrait partir habiter chez moi.
— Pourquoi ? On est très bien chez moi.
— Mais j'habite près de Yosano, elle pourra te protéger en cas de problème. Et Dazai aussi, il peut arrêter les pouvoirs. Si jamais Nikolaï réapparaît, ils seront là pour te protéger.
— Mais je suis très bien chez moi, et il y a Chûya et Gin. Je risque rien avec eux.
— Ryû... S'il te plaît. Ça me rassurerait qu'on soit chez moi.
Ryûnosuke regarda longuement Atsushi d'un air agacé, puis il soupira.
— Ok, comme tu veux...
Rassuré, Atsushi lui sourit.
Il serra sa taille et les deux jeunes hommes firent demi-tour sur eux-mêmes, pour reprendre leur route. Mais un étrange bruit retentit soudain, le bruit humide de quelque chose qu'on transperce, et Atsushi se figea. Il regarda son torse avec panique, mais il ne vit rien. Il tourna alors la tête et jeta un regard perdu à Ryûnosuke, avant de voir que son visage avait blêmi, et qu'il s'était courbé en avant.
Un nouveau portail s'était ouvert devant lui, un cercle doré brillait devant son torse, au niveau de ses côtes. Une main gantée passait à travers, elle était refermée sur un manche de couteau, dont la lame venait de s'enfoncer entre les côtes de Ryûnosuke. La main remua et enfonça un peu plus le couteau, et Ryûnosuke cracha du sang.
— Ryû, s'écria Atsushi avec horreur.
— Ça fait mal, hein, demanda une nouvelle voix.
Un nouveau portail s'était ouvert devant Ryûnosuke, et le visage de Nikolaï était réapparu. Il avait un grand sourire au visage, et ses yeux brillaient plus que jamais. Il enfonça son couteau dans la chair de Ryûnosuke, faisant gicler son sang rouge sur ses vêtements, et s'amusa à remuer la lame contre sa peau pour l'entailler davantage. Atsushi voulut bouger, repousser Nikolaï, protéger Ryûnosuke, ne serait-ce que dire quelque chose.
Mais il resta immobile, paralysé par la peur, les yeux rivés sur la tache de sang qui grandissait sur le t-shirt de Ryûnosuke. Il était figé, incapable de réagir. Son corps se glaçait, du givre montait sur lui, partant de ses pieds, et couvrant ses jambes puis son torse, comme s'il avait lui-même reçu le coup de couteau. Il était immobile, seules ses lèvres tremblaient. Elles laissaient échapper son souffle précipité, saccadé par l'effroi qui s'emparait de lui, et claquaient l'une contre l'autre, comme s'il essayait de parler sans y parvenir.
Tant d'informations arrivaient dans son esprit qu'il ne parvenait plus à réfléchir, ni à comprendre ce qui était en train de se passer. Il ne comprenait pas. Nikolaï était parti. Il avait disparu. Il n'avait pas essayé de s'en prendre à eux. Il était parti ! Pourquoi revenait-il ? Pourquoi être parti ? Pourquoi faire ça ? Ça n'avait pas de sens, Atsushi et Ryûnosuke ne représentaient aucun danger, aucun ! Il le savait, ce n'étaient pas eux qui comptaient, et il n'y avait qu'à ouvrir les yeux pour voir que Ryûnosuke n'était pas en état de se battre ! Pourquoi s'en prendre à lui ?! Ça n'avait pas de sens, ça n'avait pas de sens ! Que fallait-il faire ? Comment réagir ? Est-ce qu'il fallait se battre ? Fuir ? Appeler quelqu'un ? Qu'avait Nikolaï en tête ?! Atsushi ne savait pas quoi faire, il n'arrivait même pas à bouger !
Mais après un moment qui lui sembla être une éternité, Nikolaï retira sa lame des côtes de Ryûnosuke, avant de la replanter soudain dans son ventre, puis dans son épaule. Ryûnosuke n'eut pas le temps de réagir, et hurla de douleur en manquant de tomber au sol. Son cri sortit Atsushi de sa paralysie. Il s'empara du poignet de Nikolaï et l'obligea à retirer sa main, il arracha le poignard de l'épaule de Ryûnosuke, et se plaça devant lui pour le protéger. Ses bras se changèrent en bras de tigre, des griffes poussèrent sur ses ongles, et il se jeta sur Nikolaï pour essayer de le frapper au visage. Nikolaï éclata de rire et disparut, et Atsushi tomba au sol. Nikolaï réapparut quelques secondes plus tard derrière Ryûnosuke, cette fois-ci tout entier, et enfonça son poignard dans ses reins.
— Arrête, cria Atsushi en se relevant. .
Il essaya de bondir sur Nikolaï, mais celui-ci attrapa Ryûnosuke par les cheveux et le tira en arrière, de manière à le tenir contre lui, et posa sa lame sur sa gorge. Ryûnosuke ne réussit pas à le repousser, et il tomba contre lui en se débattant faiblement. Il perdait beaucoup de sang, il dégoulinait sur ses vêtements et tombait sur le sol. Il était aussi pâle que la lune fantomatique dans le ciel, ses yeux se fermaient tous seuls, il devait être sur le point de s'évanouir. Il était trop faible. Avant il aurait pu encaisser ces coups sans trop de dégâts, son Rashômon l'aurait protégé, mais là... Il fallait à tout prix le mettre en sécurité, et l'amener à Yosano.
Atsushi serra les poings et regarda avec fureur. S'il faisait le moindre mouvement, Nikolaï risquait de tuer Ryûnosuke... Que faire ?!
— Nikolaï lâche-le, ce que tu fais est inutile, s'exclama Atsushi.
— Atsushi, pars..., murmura faiblement Ryûnosuke. Laisse-moi là...
— Non ! Je t'abandonnerai pas une nouvelle fois ! Nikolaï, lâche-le, ça ne sert à rien de nous éliminer ! Ryûnosuke est malade, il ne se battra plus, et moi non plus ! C'est... C'est à peine si je fais encore partie de l'agence !
— Ah oui ? Il est malade, demanda curieusement Nikolaï.
— Oui, il a un cancer, il ne peut plus rien faire, s'exclama Atsushi avec espoir. C'est comme si tu tuais un inconnu, ça ne t'avancerait à rien !
— Je vois...
— Lâche-le, on te laissera partir, on ne dira même pas qu'on t'a vu !
— Oh c'est gentil ça, je veux bien ! Mais je ne peux pas le lâcher, je me suis promis de toujours protéger le plus cher de mes amis, et aujourd'hui sa sécurité est en danger, à cause de vous. Peut-être que si je tranche la gorge de l'un de vous deux, ça vous donnera une leçon ? Et peut-être que grâce à ça, le survivant comprendra qu'il ne faut pas se mêler des affaires des autres, ni chercher à savoir qui est mort ou non, demanda Nikolaï d'un air doucereux.
Il appuya sa lame sur la gorge de Ryûnosuke, et du sang se mit à perler sur sa chair blanche. Une goutte rougeâtre tomba sur le col de son t-shirt, elle imprégna le tissu, puis une seconde goutte tomba, une troisième, et des lignes de sang se mirent à rayer son cou. Ryûnosuke ne bougea pas. Il tenait à peine debout, il s'accrochait faiblement à Nikolaï, plus pour ne pas tomber que pour l'empêcher de le blesser, et sa respiration était précipitée. Il était à bout de souffle, et ses plaies qui continuaient de saigner abondamment... S'il n'était pas immédiatement soigné, il allait... Non. Non c'était impossible. Atsushi allait le sauver, et le protéger, cette fois-ci il ne le laisserait pas mourir. Il devait juste se calmer et réfléchir, oui, dans quelques secondes il aurait trouvé un plan. Il devait juste se calmer et analyser la situation.
Le corps de Ryûnosuke servait de bouclier à Nikolaï, Atsushi n'avait aucun moyen de l'atteindre. S'il bougeait, Nikolaï tuerait Ryûnosuke, ou bien il ouvrirait un portail et s'en prendrait directement à Atsushi. Son pouvoir était trop contraignant, avec il avait clairement l'avantage sur eux. Ils étaient dans une impasse... Tant pis, Atsushi devait agir pour protéger Ryûnosuke. Plus le temps passait, et plus il perdait de sang.
— Atsushi, murmura faiblement Ryûnosuke.
Atsushi, qui avait fléchi les jambes pour se préparer à bondir sur Nikolaï, releva les yeux, et les ancra dans ceux de Ryûnosuke. Son regard était déjà éteint, terni par un étrange voile blanc. Des larmes brillaient devant ses iris, elles emplissaient ses pupilles, comme si des milliers de cristaux baignaient dans ses yeux. Il y en avait même sur ses cils, qui étaient humides, couverts de gouttelettes étincelantes. Il suffit à Atsushi de croiser son regard pour sentir son cœur se déchirer.
Comme un cœur en diamant se briserait en mille morceaux au sol, il sentit son cœur éclater en lui, et projeter ses débris dans sa poitrine. Des coupures s'ouvraient sur son corps, et son sang, invisible, le recouvrait lentement. Il avait mal, et il ne comprenait pas encore pourquoi. Comme si son corps réagissait avant son cerveau, que son âme avait pris le dessus sur son esprit, et que sa souffrance devant trop grande pour qu'il ne puisse la comprendre.
Le regard de Ryûnosuke était comme un adieu. Il n'y avait plus aucun signe d'espoir et de vie dedans. Il n'attendait pas d'être sauvé, peut-être même qu'il ne le voulait pas.
— Je t'aime, dit-il d'une voix étouffée par les larmes.
Un frisson parcourut Atsushi, et quelque chose de lourd tomba dans son estomac. Il eut alors l'impression d'avoir reçu un véritable coup, comme si un poing venait de s'écraser sur son cœur, le broyant de toutes ses forces, et qu'une main étranglait sa gorge.
Il secoua lentement la tête, incapable de parler. Non. Non. Il n'avait pas le droit de lui dire ça. Pas maintenant. C'était trop tôt, bien trop tôt. Il ne pouvait pas lui dire ça maintenant. Il ne pouvait pas. Il n'avait pas le droit de lui faire ça, il n'avait pas le droit de le laisser. Pas maintenant, pas au moment où Atsushi acceptait ses sentiments pour lui, pas au moment où ils étaient enfin ensemble, et que tout allait bien entre eux ! Il ne pouvait pas partir alors qu'ils avaient tant avancé ensemble ! Ils vivaient ensemble, ils passaient leur journée ensemble, et ils avaient fait tant de choses ensemble ! Ils s'aimaient ! Ils ne se l'étaient pas dit clairement jusque là, mais ils le savaient, ils se l'étaient fait comprendre au travers de leurs actes ! Et même si Ryûnosuke était malade, même s'il était faible et qu'il souffrait, il arrivait aussi à se sentir bien ! Atsushi le rendait heureux, surtout ces derniers jours, il allait bien, ils étaient heureux ensemble ! Ryûnosuke ne pouvait pas partir maintenant, Atsushi avait besoin de lui...
Il avait besoin de le voir tous les jours. De se réveiller à ses côtés, et de constater qu'il était parti à l'autre bout du lit, pour avoir son espace personnel. De le voir assis le matin sur son canapé, une tasse de thé noir à la main, à fixer la ville derrière ses fenêtres. De partir travailler, en sachant qu'il serait là le soir à son retour, à l'attendre pour manger. Et puis de s'endormir dans ses bras, avec sa tête au creux de son cou, et son souffle chaud sur sa peau. Il avait besoin de sa chaleur, de son odeur, de son regard pénétrant. Il avait besoin de sa voix, de ses mots, de sa respiration sifflante, et même de ses toux discrètes. Il avait besoin de son mauvais caractère, de sa froideur, mais aussi de sa douceur, et de son calme. Il avait besoin de ses sourires, de ses rires, et de ses yeux qui brillaient lorsqu'il le regardait. Il avait besoin de tout cela, c'était peut-être absurde, mais il en avait tellement besoin qu'il ne s'imaginait plus vivre sans Ryûnosuke.
Son monde ne tournait plus qu'autour de lui depuis un mois, et encore avant cela, sa présence était déjà vitale à Atsushi. Il pensait à lui lorsqu'il allait mal, lorsqu'il avait besoin de réconfort, lorsqu'il se sentait seul, lorsqu'il avait peur, lorsqu'il s'ennuyait, lorsqu'il voulait de la compagnie. Il ne pensait qu'à lui, et ça ne pouvait pas changer. Atsushi avait déjà perdu Ryûnosuke une fois, et il s'était senti si vide qu'aujourd'hui encore, lorsqu'il y repensait, un étrange sentiment s'emparait de lui et lui enlevait sa joie de vivre. Il ne voulait pas ressentir ce vide une nouvelle fois. Il ne voulait pas être de nouveau seul... Il ne voulait pas perdre la seule personne capable de le compléter...
— Ryû..., murmura Atsushi avec impuissance. S'il te plaît...
— Comme c'est émouvant, dit Nikolaï d'un air solennel. Je n'ai jamais eu l'honneur de séparer deux personnes qui s'aiment, alors j'espère bien le faire...
— Nikolaï, arrête... S'il te plaît ne fais pas ça, supplia Atsushi, alors que des larmes envahissaient ses yeux.
— Je suis désolé, mais vous en savez beaucoup trop sur moi et Fyodor, je ne peux pas vous laisser ensemble. Il faut que vous compreniez qu'il faut rester à sa place, expliqua Nikolaï avec douceur. Je ne sais pas ce que ça fait de perdre celui qu'on aime... Alors je compte sur toi pour me le dire, Atsushi.
Il lui adressa un dernier sourire, avant de bouger sa lame sur la gorge de Ryûnosuke. Il partit d'abord à gauche, puis il repartit en arrière, à droite, dans le même mouvement que faisaient les violoncellistes avec leur arche. Son bras se tendit avec grâce, sa lame scintilla dans une traînée de sang, telle une comète qui tombait dans le ciel. Elle ne laissa sur son passage que la chair déchirée de Ryûnosuke, qui s'était ouverte dans une large plaie ensanglantée. Son visage perdit instantanément ses couleurs, alors que celui d'Atsushi se couvrait de son sang.
Il poussa un hurlement sourd, sans même l'entendre, et se précipita vers Ryûnosuke. Nikolaï choisit ce moment pour disparaître dans l'un de ses portails, laissant alors tomber Ryûnosuke dans les bras d'Atsushi. Les deux jeunes hommes s'écroulèrent au sol, dans la terre du parc, et leurs genoux s'entrechoquèrent. Atsushi n'y fit pas attention, il ne l'avait pas remarqué. Il allongea difficilement Ryûnosuke au sol et essaya de presser sa plaie au cou, mais plus il appuyait dessus, et plus ses mains se couvraient de rouge. Sa plaie était trop profonde, il était en train de perdre tout son sang. Ryûnosuke ne bougeait plus. Ses paupières étaient closes, ses lèvres entrouvertes dans un dernier soupir. Il était si pâle que la couleur de ses lèvres s'effaçait, et son corps était déjà froid.
— Ryû..., appela Atsushi d'une voix étranglée par les larmes. Ryû... Ryû réponds moi...
Mais il n'eut aucune réponse. Impuissant, il leva ses mains tremblantes vers lui et regarda le sang qui les couvrait, avant de regarder le corps de Ryûnosuke. Il baignait dans une mare de sang pourpre et chaud, dans laquelle étaient plongés les genoux d'Atsushi. Il ne bougeait toujours pas, sa poitrine ne se soulevait pas, il ne donnait plus aucun signe de vie.
Non... C'était impossible... Il ne pouvait pas mourir, il était trop fort pour ça... Il ne pouvait pas... La vue d'Atsushi se brouilla, et il fut bientôt incapable de voir quoi que ce soit. Il tremblait de tout son corps, il était glacé, ses dents claquaient presque. Ses mouvements étaient lents, ses membres étaient comme engourdis, il ne parvenait pas à bouger correctement. Sa respiration était saccadée, il était à court de souffle, et l'air qu'il aspirait n'atteignait pas ses poumons. Il suffoquait. Il était incapable de réaliser ce qu'il se passait, son état de choc était trop grand, il était complètement ailleurs.
Il tremblait de tout son corps. Il se laissa tomber sur le torse de Ryûnosuke, et posa sa tête sur son cœur, les yeux écarquillés de terreur. Il n'entendit rien, pas le moindre son, pas même un ultime battement de cœur. Atsushi ferma alors les yeux, laissant tomber des larmes de ses paupières, et tendit l'oreille. Il voulait entendre la respiration de Ryûnosuke. Cette respiration si particulière, d'une mélodie irrégulière, imparfaite, essoufflée. Mais une fois de plus, il n'entendit rien. Seul le silence lui répondit, comme si plus rien n'existait autour de lui.
— Ryû, me laisse pas, supplia Atsushi, avant de fondre en larmes. Je t'aime, me laisse pas... Me laisse pas... S'il te plaît, me laisse pas, j'ai besoin que tu continues de respirer... J'ai besoin que tu vives et que tu guérisses... J'ai besoin de toi...
Mais le chant de sa respiration s'était envolé, et le silence de son absence l'engloutit avec violence. Il serra le corps froid de Ryûnosuke, s'accrochant à son torse avec désespoir, et se recroquevilla contre lui.
— Ryû... Tu m'avais promis de ne plus me laisser seul... Tu me l'avais promis, murmura Atsushi d'une voix brisée. Comment est-ce que je suis censé faire sans toi... Je t'aime Ryû, j'ai besoin de toi... J'ai tellement besoin de toi...

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Sorry pour l'absence 😶 En vrai j'ai des raisons à mon absence, mais bon euh... voilà-
Je comptais quand même poster ce chapitre en octobre, pour Halloween plus précisément, mais je le trouvais trop nul et j'avais un peu honte, donc je me suis dit « mieux vaut ne rien poster que de poster quelque chose de nul ». Ensuite j'ai voulu le poster hier, ou plutôt dans cette journée, mais j'avais plus d'électricité et de réseau, et c'était compliqué après donc... Voilà.

Bref J'espère que le chapitre vous a quand même plu, malgré ce qu'il se passe dedans, et son retard. Ceux qui lisent les mots de fin en premier (oui c'est visé) ne regardez pas ce que je vais dire du coup. Je ne sais pas si vous vous attendiez à cette fin ? Bon bien sûr, on savait depuis le début que Ryû allait mourir, c'était pas un plot twist ça, mais je ne voulais pas qu'il meurt de sa maladie. Si on y faisait attention, on pouvait comprendre que sa mort allait être liée à Nikolaï, puisqu'on parlait beaucoup de lui dans cette intrigue ! Ça faisait longtemps que j'avais pas tué de persos, depuis l'hiver dernier je crois, je me sens un peu rouillée, mais don't worry, je vais remédier à ça 😴

Je pense que je vais poster l'intrigue de novembre à partir de lundi ! Comme ça ça vous laisse le temps de pardonner à Nikolaï- En tout cas j'ai trop hâte qu'elle sorte !!!
Je pense pas en avoir parlé ici, mais je vais écrire une histoire qui mixe Bungo Stray Dogs, Jujutsu Kaisen, et Tokyo Revengers, dans laquelle ils habiteront tous dans le même immeuble (vous pourrez la lire sans avoir vu les animés). Et pour « préparer » l'arrivée de cette histoire, j'ai déjà commencé à faire quelques mixes d'univers. Dans la prochaine intrigue bsd justement, on verra rapidement des personnes de ces animes ! J'espère que ça vous dérangera pas !
(Oui il y aura Spiderman pour ceux qui ont la ref)

À lundi :)

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant