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LOIN DES YEUX... PRÈS DU CŒUR...

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   C'est un horrible mal de tête qui réveilla Chûya. Lorsqu'il ouvrit les yeux, seul un rayon de soleil éclairait sa chambre, mais il suffit à l'éblouir et à l'empêcher de voir quoi que ce soit pendant quelques secondes. Aveuglé, il battit des paupières et se redressa difficilement, pour regarder autour de lui. Son corps était lourd, ses bras tremblaient et n'avaient plus de force, et son cou peinait à porter sa tête, comme si elle était remplie de plomb. Chûya s'était déjà senti mal le lendemain d'une soirée très arrosée, mais ce matin, c'était pire que d'habitude. Il avait l'impression que son cerveau se faisait broyer par de fortes pinces dans sa tête, il avait si mal qu'il n'arrivait pas à réfléchir, ni à se souvenir de quoi que ce soit. Qu'est-ce qu'il lui avait pris d'autant boire...
   Chûya ramena ses genoux contre lui et laissa tomber son front contre, en se maudissant pour avoir autant bu hier soir. Il ne se souvenait de presque aucun détail de la soirée ! Il ne se souvenait pas être rentré, et il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il avait bien pu faire hier soir. Il était encore trop endormi pour réfléchir, et sa migraine ne l'aidait pas à faire fonctionner sa mémoire, il ferait mieux d'attendre que son cerveau se remette en marche de lui-même. Il était épuisé, il ne devait avoir dormi que quelques heures, et il était si déshydraté qu'il avait mal à la gorge. Il avait besoin d'eau.
   Faiblement, il souleva sa couette et balança ses jambes hors du lit, avant de voir qu'une bouteille d'eau était posée sur son chevet, ainsi qu'un petit comprimé blanc, une tasse de tisane à la camomille, et un petit mot. Il saisit avec soulagement la bouteille d'eau et avala le médicament sans réfléchir, avant de déplier le mot et d'essayer de le lire.
   « Bonjour Chûya, j'espère que vous avez pu vous reposer. Je vous ai préparé une tisane pour votre mal de tête, et un petit-déjeuner vous attend dans la cuisine. Je me suis permis de vous remettre dans votre lit cette nuit, car j'ai pensé que vous n'aimeriez pas vous réveiller dans le lit d'un autre. Vous pourrez me trouver en bas, avec les filles. Atsushi. ».
   — Rien compris..., marmonna Chûya en laissant tomber le mot.
   Il relirait le mot une fois que son médicament aurait agi. En attendant, il comptait bien rattraper ses heures de sommeil. Chûya esquissa un geste pour se rallonger, mais il remarqua soudain un mouvement devant lui, et vit que le lit qui se trouvait à la droite du sien était occupé. La couette était tirée sur l'oreiller, cachant son occupant, mais une tresse noire dépassait et Chûya la reconnut. Il se souvenait qu'hier, Gin et Yosano avaient fait des tresses à Fyodor pour leur sortie en boîte, afin de mettre en avant son visage. Chûya se leva difficilement et s'approcha du lit de Fyodor. Atsushi lui avait également laissé une bouteille, une tisane et un mot, mais la bouteille était à moitié vide, et il n'y avait pas de médicament. Fyodor avait dû se réveiller et le prendre, avant de se recoucher.
   — Fyodor, murmura Chûya avec fatigue, en baissant la couette pour voir son visage endormi.
   — Hmm...
   — T'es réveillé ?
   — Hmm...
   Ses réponses ne se résumaient qu'à de vagues grognements rauques, il devait somnoler. Chûya grimpa alors sur le lit et se glissa sous sa couette, s'enveloppant de sa chaleur, et se blottit contre son dos. Il ne savait pas vraiment pourquoi il faisait cela, mais il ne voulait pas rester seul dans son lit, et l'odeur florale de Fyodor était rassurante. Bien que son parfum ait disparu au cours de la nuit, il en restait encore un peu au creux de son cou, comme si quelques pétales de lilas étaient posés sur ses clavicules. Chûya posa sa tête contre sa nuque et respira la faible odeur qui lui parvenait, en essayant de se souvenir de la soirée qu'il avait passée.
   Son esprit se relançait doucement, mais ses souvenirs étaient encore flous, ils lui parvenaient davantage sous forme de sensations que d'images. Il se souvenait avoir ressenti une chaleur différente de celle liée au climat. C'était une chaleur intime, unique et sensuelle. Il se souvenait des frissons qui avaient parcouru son corps, ils l'avaient fait trembler et ses poils s'étaient courbés. Il se souvenait des papillons qui avaient volé dans son bas-ventre, de leurs ailes qui battaient contre les parois de son corps et faisaient rougir ses joues. Toutes ces sensations étaient agréables, Chûya se sentait léger en y repensant, il était apaisé. Mais il ne saurait expliquer pourquoi elles étaient apparues, ni qui lui avaient procuré...
   — J'ai pas la force de me tourner vers toi, dit Fyodor d'une voix endormie.
   Chûya se releva sur un coude, et roula sur Fyodor pour changer de côté. Il tomba devant lui et s'installa contre lui, avant de lever les yeux et de le regarder longuement. Ses yeux... Il s'en souvenait aussi. Mais hier soir, ils semblaient différents, plus rouges, plus brillants, plus... Emprunts de luxure.
   — Est-ce que je sens la transpiration ou l'haleine matinale, demanda Fyodor, qui avait les yeux à moitié ouverts.
   — Non ça va, répondit Chûya avec un petit sourire. Et moi ?
   — Non. Tu sens juste l'alcool et la camomille... Et le sexe.
   C'était donc cette odeur qui imprégnait ses doigts... Chûya ne l'avait pas tout de suite reconnue. Les doigts de Fyodor avaient la même odeur, et Chûya était prêt à parier que ses lèvres aussi.
   — On s'est embrassé hier soir, dit-il en se rappelant du goût des lèvres de Fyodor.
   Un goût d'alcool et de sang, mais aussi de fleur de forêt et de fruits acides.
   — On a même fait plus que ça, répondit Fyodor en se frottant les yeux.
   — Est-ce qu'on a... Couché ensemble ?
   — Non.
   — Oh...
   Cela expliquait l'absence de douleur à ses hanches. Il ne savait pas s'il était rassuré de savoir qu'il n'avait rien fait, ou si au contraire, il était déçu. D'un côté, il était soulagé car il voulait se souvenir de sa première fois, il ne voulait pas perdre sa virginité dans un moment d'ivresse, et tout oublier le lendemain. Et puis il aurait voulu réserver ce moment pour Dazai, même s'il savait que c'était absurde de continuer de s'accrocher à lui, alors qu'il le faisait souffrir. Mais d'un autre côté... Il se souvenait de la puissante envie qui l'avait saisi, et du désir qu'il avait eu pour Fyodor. Il l'avait voulu lui, il avait voulu que son corps embrasse le sien, qu'il lui appartienne l'espace d'un instant... Peut-être que son désir était venu avec son ivresse mais... Il l'avait désiré, et ce matin encore... Chûya avait du mal à ignorer les sensations qui bouleversaient son ventre.
   — Est-ce que c'est parce que tu ne me trouves pas attirant, ou...
   — Tu es très attirant, rassura Fyodor. Mais je... Je ne suis pas prêt à faire ça avec une autre personne que Nikolaï. Je suis désolé, mais je veux continuer de lui appartenir...
   — Mais il te fait du mal... Peut-être qu'il veut pas que tu lui appartiennes...
   — Je sais, mais moi je ne suis pas prêt à l'oublier... Je suis désolé.
— Alors tu regrettes ce qu'il s'est passé entre nous ?
— Je ne sais pas... À la fois oui et non. J'ai aimé être avec toi, danser et t'embrasser. Mais en même temps, ça me fait étrange de savoir que j'ai embrassé quelqu'un d'autre que Nikolaï. Et j'aurais préféré le faire dans d'autres circonstances... Et toi ?
— J'ai du mal à regretter. J'étais bien dans tes bras...
— Moi aussi j'étais bien avec toi...
   Chûya regarda avec peine Fyodor, sans savoir quoi répondre. Lui aussi, il n'était pas prêt à oublier Dazai. Mais il sentait que s'il restait ici, dans cette ville loin de Dazai, et que Fyodor restait avec lui... Ils pourraient se guérir ensemble. Mais en seraient-ils capables ? Chûya n'en savait rien... Il n'avait jamais pu s'éloigner de Dazai, peu importe le mal qu'il lui avait fait... Souffrir avec lui était tellement plus simple que de guérir dans les bras d'un autre...
   — Alors on est tous les deux piégés avec les deux premiers connards qui nous sont passés sous le nez, et qu'on a été assez stupides pour choisir ?
   — Je pense que oui, dit Fyodor avec un sourire.
   — Au moins on est ensemble, dit Chûya en lui prenant la main. On choisit probablement le mauvais chemin mais on le fait ensemble, c'est important.
   — Soyons des clowns ensemble Chûya.
   — Oui. Est-ce que tu penses qu'on devrait leur dire qu'on s'est embrassé ?
   — Je ne sais pas. Je sais ce que ça fait d'apprendre que la personne qu'on aime a embrassé un autre, alors j'aurais tendance à dire qu'on devrait le garder pour nous. Mais d'un autre côté, il faut qu'on soit honnête... Et je ne suis pas sûr que Nikolaï y prête beaucoup d'importance alors... On devrait leur dire. Au moins à Dazai, il doit tenir à toi... À sa manière.
   — Il faut trouver une bonne manière de lui annoncer ça alors.
   — On lui dira qu'on était bourré et que ça ne comptait pas, de toute façon.
   — Et on lui dit qu'on s'est probablement touché ?
   — Garde-le pour toi. De toute façon, si on ne lui dit pas, personne ne le fera et il ne sera jamais au courant, ce n'est pas comme si on...
   Fyodor s'interrompit, et Chûya écarquilla les yeux en même temps que lui. Les deux jeunes hommes se relevèrent vivement et pâlirent, leur cœur s'arrêtant de battre dans leur poitrine. Une pierre tomba dans l'estomac de Chûya, une vague de panique le submergea si violemment qu'il fut pris de vertige, et son souffle se coupa.
   Des photos. Ils avaient fait des photos. Des photos d'eux nus, en train de s'embrasser et de se toucher. Et ils avaient tout envoyé à Dazai et Nikolaï. Non. Non non non, ce n'était pas possible, ils n'avaient pas pu faire ça. C'était impossible.
   Chûya sortit vivement du lit et Fyodor l'imita, et ils se ruèrent vers une pile de vêtements près de leur lit. Chûya trouva rapidement son téléphone et vit avec horreur qu'il avait une cinquantaine d'appels manqué de Dazai, ce qui était très, très mauvais signe. Il déverrouilla en tremblant son téléphone, et cliqua sur sa conversation avec Dazai. Il avait bel et bien envoyé les photos qu'ils avaient faites. Celle où ils s'embrassaient, celle où il avait sa tête entre les jambes de Fyodor, celle où il était sur lui...
   Et le plus horrible dans tout cela, c'était que Dazai avait vu les photos. Il avait tenté de l'appeler entre six heures et huit heures du matin, et depuis, plus rien. Il était onze heures. Et lorsque Chûya essaya d'appeler Dazai pour tout lui expliquer, personne ne décrocha, et la boîte vocale retentit immédiatement. Il réessaya plusieurs fois, mais il ne parvint pas à joindre Dazai, et la panique qu'il ressentait ne fit que monter d'un cran.
   — Il répond pas...
   — Il doit être en colère, dit Fyodor d'une voix mal assurée.
   Et s'il avait fait une bêtise ? Et s'il... Et s'il s'était... Chûya lâcha son téléphone en repensant à toutes les fois où Dazai avait tenté de se suicider, et passa ses mains dans ses cheveux avec panique. Non, Dazai ne pouvait pas avoir fait cela. Il ne pouvait pas se suicider pour des photos, ça n'en valait pas la peine, Chûya n'en valait pas la peine. Ce... Ce n'était pas possible. Dazai ne ferait pas ça, il ne lui ferait pas ça, il ne pouvait pas.
   — Chûya..., tenta Fyodor pour le calmer.
   Chûya l'ignora et s'écartant de lui, avant de partir en courant et de sortir de la chambre. Il tremblait tellement qu'il tenait à peine debout, mais il réussit à descendre dans le salon, et tomba immédiatement sur Atsushi, Yosano et Gin, assis autour d'une table.
   — Atsushi, il faut que tu appelles l'agence tout de suite, s'écria-t-il en courant vers lui.
   Mais Atsushi tenait déjà son téléphone devant lui, signe qu'il était au téléphone, et lui fit signe de s'approcher.
   — Ranpo, Chûya est arrivé, alors je vous le passe, dit Atsushi, avant de tendre son téléphone à Chûya.
   — Allô, dit Chûya d'une voix mal assurée.
   — Allô ?! Ah oui, j'ai essayé de t'appeler mais tu décrochais pas, donc j'ai prévenu Atsushi pour qu'il t'explique la situation, mais bon puisque tu es là autant le faire moi-même, expliqua Ranpo à toute vitesse. Dazai a jeté son téléphone sur un mur donc il peut plus répondre à tes messages, mais ne t'inquiète pas, il est en vie et-
   — Ranpo passe moi tout de suite ton téléphone.
   — Hé mais c'est le mien !
   Un bruit sourd retentit et Chûya attendit en silence sans comprendre ce qu'il se passait.
   — Chûya, c'est quoi ces photos, demanda la voix de Dazai avec fureur.
   — Dazai ! Je... Je... C'est-
   — Il t'a forcé ?!
   — Q-Quoi ?
   — Fyodor t'a obligé ? S'il t'a touché dis-le moi tout de suite-
   — Non c'était mon idée, coupa Chûya, en essayant de reprendre une voix calme.
   — ... Pardon ?
   — C'est moi qui ai voulu faire ces photos. C'était pas son idée.
   — Tu te fous de moi j'espère.
   — Dazai on était bourré...
   — Et alors ?! Donc c'est lui que tu choisis ?!
   — Non je-
   — C'était quoi l'utilité de ces photos alors, demanda Dazai d'un ton agressif.
— ... Tu peux me parler autrement, demanda Chûya en fronçant les sourcils.
— Comment tu veux que je te parle ? Tu viens de m'envoyer des photos de toi en train de sucer Fyodor, s'exclama Dazai avec colère.
— Je l'ai pas sucé.
— Alors qu'est-ce que faisait ta langue entre ses jambes ?!
— Je l'ai embrassé, mais je l'ai pris en bouche, dit Chûya avec calme, alors qu'Atsushi, Gin et Yosano, se regardaient avec gêne.
— Oh donc c'est pas grave, tu l'as pas mis dans ta bouche donc tout va bien en fait, il n'y a pas de quoi s'en faire, s'exclama Dazai en prenant un air faussement soulagé.
— Dazai arrête c'est ridicule, laisse moi t'expliquer ce qu'il s'est passé, dit Chûya, qui commençait à être agacé par cette conversation.
— Oh mais pas besoin d'explications. Qu'est-ce que tu vas dire ? Quand y'avait pas la langue donc c'est pas grave ? Vous avez mis un préservatif donc vous vous êtes pas vraiment touchés ?
— On était bourré, et on a même pas-
— C'est pas une excuse ça, vous aviez qu'à pas autant boire. C'est pas parce que vous étiez bourré que ça compte pas.
— Donc tu vas me couper la parole à chaque fois que je vais parler, demanda Chûya avec irritation.
— Non, vas-y je t'en prie, exprime-toi, répliqua Dazai avec un rire sarcastique.
— Je suis désolé d'avoir envoyé ces photos, et Fyodor l'est aussi. On sait qu'on aurait pas dû le faire et on assume entièrement notre responsabilité. Mais ce qu'il s'est passé entre nous ne comptait pas, on l'a fait sous le coup de l'alcool, et... Il n'y a rien entre nous.
— Excuse refusée, répondit Dazai.
— Pardon ?
— Je veux pas de tes excuses.
Chûya battit des paupières avec incrédulité. Dazai... Refusait ses excuses ? Comment ça il les refusait ? Ça n'avait pas de sens, c'était ridicule. Pour qui se prenait-il ? Il le laissait à peine parler depuis tout à l'heure, et en plus de cela il refusait ses excuses ?! Chûya commençait à être vraiment énervé, il n'allait sûrement pas se laisser faire.
— J'espère pour toi que tu rigoles, dit-il en laissant échapper un faux rire.
— Non, je suis très sérieux.
— Vraiment ?
— Oui. T'as pas du tout l'air désolé, et t'as-
— En fait tu as raison, je suis pas désolé, coupa Chûya en élevant la voix. D'ailleurs, pourquoi je le serais ? On est pas en couple, je te dois rien. J'embrasse qui je veux, je suce qui je veux, et je baise avec qui je veux.
— Oui mais on-
— On ? On ? Il n'y a pas de on Dazai, pour qu'il y ait un on, il faudrait qu'on ait une vraie relation tous les deux. Est-ce qu'on a une relation ? Non, je ne crois pas. Ça te dérange que j'aille voir ailleurs ? Pourtant c'est pas toi qui dragues la première femme qui te passe sous le nez ?
— Je ne les drague pas vraiment, et tu le sais.
— Ah oui ? Je t'ai déjà dit que je le savais ? Non, et comment je peux le deviner ? Tu dragues toutes les femmes que tu croises, donc je ne pense pas que tu sois en position de parler. Et puis tu me traites toujours comme si j'étais un déchet sur ta route, donc ça devrait pas te déranger avec qui je couche.
— Je ne te traite pas comme un déchet, se défendit Dazai.
— Le pire c'est que tu ne t'en rends même pas compte ! Tu m'utilises quand tu as besoin et ensuite tu me jettes, tu m'abandonnes encore et encore, et tu es le premier à dire que notre relation n'a aucun intérêt et qu'elle n'a jamais compté ! Oh et Nikolaï s'est pas gêné pour aller coucher avec Sigma, et lui il était sobre, Fyodor ne lui avait rien fait, et il a décidé tout seul de tout gâcher. Mais là personne n'a rien dit bizarrement.
— Chûya, c'est pas du tout ça, tenta Dazai d'une voix mal assurée. Je sais que je t'ai-
— Les photos que vous avez reçues ne sont que le résultat de ce que vous avez détruit, cria Chûya avec colère. Vous nous avez faits mal, et chaque jour vous avez attisé notre douleur, alors que nous, on faisait toujours pour essayer de recoller ce que vous brisez en nous. Tu m'as fait souffrir en me traitant comme un moins-que-rien, et Nikolaï a fait souffrir Fyodor en l'effaçant de sa vie du jour au lendemain. Et voilà ce qu'il se passe quand deux personnes brisées se rencontrent ! Elles se perdent ensemble dans la douleur, et elles se débattent désespérément avec leur démon pour essayer de guérir ! Si aujourd'hui on en est là, c'est pas que vous nous avez fait mal, et que vous ne l'avez même pas remarqué ! Dazai je t'ai donné tout ce que j'avais, je t'ai fait confiance, je t'ai aimé aveuglement et j'ai pardonné tout ce que tu avais fait, je t'ai ouvert toutes mes portes parce que je t'aime, et tu as détruit chaque chose que tu as entrevue chez moi ! Alors peut-être que c'est de ma faute, parce que je n'ai pas eu la force de t'arrêter, mais je suis loin d'être le seul fautif dans cette histoire. Et si tu tiens ne serait-ce qu'un petit peu à moi, repense un peu à tes actions, et... Et arrête de me faire du mal. Je te demande plus d'essayer de comprendre ce que je ressens, ni de me pardonner pour ces photos... Mais arrête de me faire du mal.... J'ai vraiment besoin que tu arrêtes.
Chûya raccrocha sans attendre de réponse, et rendit son téléphone à Atsushi. Il se détourna en ignorant les regardes de ses coéquipiers sur lui, et remonta silencieusement dans sa chambre. Il s'arrêta sur le pas de la porte et ferma les yeux un instant pour prendre une inspiration, et ainsi retrouver son calme. Sa discussion avec Dazai l'avait énervé autant qu'elle l'avait blessé. Dazai ne devait même pas comprendre à quel point leur relation était toxique, il n'avait jamais fait attention à toute la souffrance qu'il lui avait causée... Comme s'il n'y accordait pas d'importance. Il n'avait jamais accordé d'importance à Chûya au final... Peut-être que Chûya avait imaginé que leur relation était spéciale, alors qu'en réalité il n'en était rien... Il ne savait plus. Il n'en pouvait plus, il voulait juste que tout s'arrête... Il ne voulait plus sentir son cœur saigner dans sa poitrine...
Une fois qu'il eut réussi à retrouver son calme, et que les larmes qui brûlaient dans ses yeux disparurent, Chûya entra dans la chambre et chercha Fyodor des yeux. Il n'avait presque pas bougé. Il avait reposé le téléphone de Chûya sur son chevet, puis il s'était agenouillé au sol, et pliait en silence leurs vêtements qui traînaient au pied de leur lit. Chûya s'avança prudemment. Fyodor avait le visage fermé, ses yeux étaient baissés et sa mâchoire était contractée.
— Tu as parlé avec Nikolaï ?
— Il ne décroche pas.
— Peut-être qu'il n'a pas encore vu les photos.
— Il les a vues.
— Comment tu le sais ?
— J'ai demandé à Poe. Nikolaï a vu les photos, et il voit sûrement mes appels et mes messages.
— Tu veux qu'on l'appelle avec mon téléphone ? Peut-être que si c'est-
— Chûya, Nikolaï s'en fiche, coupa Fyodor en tournant la tête vers lui. Il ne me parle plus depuis que je suis parti et les photos qu'on a faites ne doivent lui faire ni chaud, ni froid. Il faut qu'on le laisse tranquille.
— ... Qu'on le laisse tranquille, répéta Chûya d'une voix perdue.
— Oui, je ne veux pas l'harceler d'appels ou de messages.
Chûya fronça les sourcils et se laissa tomber près de Fyodor sans comprendre.
— Mais... Fyodor, tu l'aimes...
— Je ne veux pas lui imposer ce que je ressens.
— Mais tu dois-
— Il ne m'aime pas, Chûya ça ne sert à rien d'insister, s'exclama Fyodor.
— Fyodor...
— Tout va bien, ne t'inquiète pas.
Pourtant rien n'avait l'air d'aller... Fyodor avait mal, c'était évident. Si seulement Chûya pouvait faire quelque chose pour lui...
Il ne pouvait pas l'aider avec Nikolaï, mais il pouvait lui montrer qu'il n'était pas seul. Chûya se rapprocha alors de lui, il posa sa tête sur son épaule et prit sa main dans la sienne, et Fyodor le laissa faire. Il se crispa et garda les yeux rivés au sol, mais il ne s'écarta pas. Chûya pouvait presque entendre son cœur vibrer tant il était proche de lui, il pouvait sentir la tristesse qui le possédait, et il devinait les larmes qui brillaient dans ses yeux. Fyodor n'avait jamais été aussi prêt de craquer. Il avait toujours gardé un visage impassible, il refusait de montrer sa peine et refoulait toujours ses larmes avant qu'il ne soit trop tard... Mais en serait-il capable aujourd'hui ?
Malheureusement, la porte de la chambre s'ouvrit de nouveau, et Yosano et Gin entrèrent. Fyodor se referma aussitôt et reprit un visage impassible, s'empêchant une nouvelle fois de céder à sa douleur.
— On est venu voir comment vous allez, dit Gin en s'asseyant près d'eux.
— Aussi bien que deux personnes qui viennent de tout gâcher avec l'homme qu'elles aiment, répondit Chûya d'un ton amer.
— Vous n'êtes pas les fautifs dans cette histoire. Dazai et Nikolaï se sont mal comportés avec vous, et vous avez juste essayé de penser à autre chose le temps d'une soirée, dit Yosano.
— On aurait pas dû envoyer ces photos.
— Peut-être, mais eux ils n'auraient pas dû vous utiliser comme des objets jetables. Vous êtes bien mieux sans eux, vous devriez arrêter de les voir, dit Yosano en secouant la tête. À votre place, je les aurais déjà oubliés.
— On les aime, soupira Chûya.
— C'est embêtant.
— Je déteste l'amour.
— Comment vous faites vous, demanda Fyodor en levant les yeux vers Gin et Yosano.
— Nous on a compris que les hommes n'attiraient que des problèmes, donc on reste entre femmes parfaites, expliqua Yosano avec nonchalance. Et avec Ranpo et Poe, mais eux aussi ils sont parfaits donc ça ne compte pas.
— On est quand même moins pires que Dazai et Nikolaï, dit Chûya.
— Peut-être mais vous êtes dans la mafia, donc vous attirez aussi des problèmes.
— Rassure-moi, tu es au courant que ça fait deux semaines que tu dors dans la même chambre d'une tueuse, demanda Chûya d'un air indigné. Tu dors même dans son lit !
— Oui mais ça compte pas !
— Pourquoi ?
— Parce que Gin est parfaite, et que vous... Vous l'êtes moins, répliqua Yosano en riant. Sa beauté efface ses crimes !
— C'est n'importe quoi, elle aussi c'est une mafieuse.
— Laisse tomber Chûya, tu ne peux pas gagner. Yosano aime les femmes, donc elle préféra toujours Gin à toi, dit Fyodor.
— Exact, approuva Yosano avec un grand sourire. Vive les femmes, vive Gin, et vive moi !
— Si Ryûnosuke savait que tu essayes de lui voler sa sœur, il deviendrait fou, dit Chûya en souriant.
— Il ne dira rien, sinon on révélera sa relation avec Atsushi, déclara Gin d'un air serein.
— Ils sont vraiment ensemble ?
— On pense que oui, on a enquêté.
— Vous voulez connaître les éléments qu'on a regroupés, demanda Yosano avec joie.
— Évidemment, dit Chûya.
— Non, répondit Fyodor avec indifférence.
— Et bien tu vas quand même le savoir, répliqua Yosano en sortant un bloc-notes de sa poche. Voici le rapport de la situation. Lundi trois avril, notre cible Atsushi Nakajima a passé un premier appel au suspect, Ryûnosuke Akutagawa. L'appel a duré exactement sept minutes et vingt-sept secondes, et durant ce laps de temps, notre cible s'est contentée de décrire son environnement et son voyage. La conversation était normale, nous avons cependant remarqué qu'il a pris des nouvelles du suspect, qu'il lui a dit de se reposer, et qu'il n'y avait aucun élément agressif dans leur échange. Agente Akutagawa, à vous.
— Mardi quatre avril, notre cible, est sortie dans le jardin et a passé un appel inconnu à vingt heures piles, dit Gin, qui avait aussi sorti son bloc-notes. Après vérification, il s'est avéré que son destinataire était Ryûnosuke, mon frère. Atsushi nous a donc délibérément cachés qu'il partait appeler mon frère, car il nous a seulement dits « je dois passer un appel ». L'appel a duré un quart d'heure, je n'ai pu entendre que quelques bribes de conversation, mais je sais qu'Atsushi a une fois de plus pris des nouvelles de Ryûnosuke, et qu'ils n'ont pas parlé que de travail ensemble.
— D'accord mais-
— Nous n'avons pas terminé Chef Nakahara, dit Yosano d'un ton grave. Mercredi cinq et jeudi six avril, nos cibles se sont rappelés, à vingt heures piles, et Atsushi nous a encore caché le destinataire de son appel. Agente Akutagawa l'a vu sourire au téléphone, et je ne l'ai pas entendu parler de travail. Les appels durent de plus en plus longtemps, mercredi il a duré trente et une minute et douze secondes, et jeudi il a duré cinquante-quatre minutes et cinquante-six secondes. On peut supposer que ce soir aussi, il y aura un appel, et qu'il durera aux alentours de deux heures. L'heure est grave.
Yosano tourna la tête vers Gin et échangea un regard lourd de sens avec elle, tandis que Chûya les dévisageait avec incrédulité.
— Vous l'avez espionné à ce point ?!
— C'était nécessaire, dit Gin avec sérieux.
— Ils sont ensemble. Je n'ai jamais vu Atsushi agir comme ça, et pourtant je surveille tout dans l'agence. Il appelle tous les jours Aku-frère et ça dure super longtemps. De deux, il lui demande toujours comment il va, ce qu'il a fait de la journée, et il sourit en lui parlant ! Et de trois, il a rejeté toutes les avances du Lucy. Ça veut tout dire, expliqua Yosano à toute vitesse.
— Et puis une fois, j'ai trouvé un t-shirt chez Ryû qui ne lui appartenait pas, et je suis sûre qu'il était à Atsushi, en plus il avait son odeur dessus. J'ai inspecté sa chambre, et il y avait même son odeur dans les draps de son lit, raconta Gin.
   — J'ai rejeté plein d'avances aussi, et ça veut pas dire que je suis avec quelqu'un, fit remarquer Chûya.
   — Plein ? Tu plais beaucoup, demanda Fyodor en tournant la tête vers lui.
   — Ça t'étonne, répliqua Chûya, qui avait toujours la tête posée sur son épaule.
   — Non, tu es sexy.
   — Il faut croire que les petits roux ça plaît.
   — Non, je pense que c'est juste toi qui as du sex-appeal. Regarde Tachihara, personne ne le regarde. Et le roux de l'agence n'attire que ça sœur.
   — Tu trouves, demanda Chûya avec un sourire.
   — Tu es bien proportionné.
   — C'est vrai que je suis pas mal. J'ai un joli cul.
   — Il est magnifique, mes yeux ne peuvent plus se détacher.
   — Je sais.
   — Vous flirtez, demanda Yosano d'un air incrédule.
   — On plaisante, fit remarquer Chûya.
   — Ça ressemble à du flirt, répliqua Gin d'un ton suspicieux. Et puis vous vous êtes embrassé en boîte.
   — Je comprends mieux pourquoi Dazai était aussi en colère ! Et Nikolaï en pense quoi ? Il a réagi ?
   — Nikolaï peut aller se faire foutre, répliqua Chûya avec agacement.
   — Et Dazai n'a pas son mot à dire, ajouta Fyodor en haussant les épaules. Est-ce qu'on peut reparler de Sushi et Aku-frère ?
— D'accord mais seulement parce que j'adore parler de ce couple, dit Yosano. Atsushi est dépité depuis qu'il a appris qu'on ne rentrerait pas tout de suite à Yokohama, c'est sûrement parce qu'il ne va pas revoir son chéri tout de suite.
— Vous pensez qu'Aku-frère est triste sans lui, demanda Chûya d'un air pensif.
— Il a l'air triste à chaque fois qu'Atsushi part en mission dans une autre ville, dit Gin.
— On a qu'à demander à Ranpo et Poe d'enquêter pour nous de ce côté, proposa Yosano avec excitation.
Chûya sourit tristement et acquiesça. Lorsqu'il était parti, il avait convenu avec Dazai que ce serait à eux d'enquêter sur Atsushi et Akutagawa... Aujourd'hui tout avait changé, Dazai ne devait même pas se souvenir de cet accord...
— Yosano, est-ce que tu es au courant de quelque chose par rapport à Poe, questionna Fyodor. Il m'a envoyé plusieurs messages et je ne comprends pas pourquoi.
— Ranpo m'a dit qu'il voulait être ton ami.
— Mon ami ?
— Vous pourriez bien vous entendre ! Poe est vraiment gentil, et je crois qu'il veut t'aider par rapport à Nikolaï. Il a pris ta défense l'autre jour apparemment, raconta Yosano.
— Oh...
— C'est déjà moi son ami, dit Chûya avec mécontentement.
— Poe peut-être son deuxième ami, répliqua Gin.
— Oui mais lui c'est pas un clown ça donc il ne peut pas entrer dans le cercle des clowns.
— C'est quoi ?
— Le cercle de ceux qui aiment les pires personnes dans leur vie.
— Un cercle très fermé, approuva Fyodor.
— Et bien Poe vous aidera à en sortir ! Vous faire un ami ne vous fera pas de mal, ça vous changera de ceux qui volent vos mecs, déclara Yosano en se levant. Donc répondez à Poe et faites connaissance avec lui ! Nous on va aller en ville en attendant, il faut qu'on achète de quoi manger.
— Et allez vous laver, vous sentez la transpiration, dit Gin en l'imitant.
— Tu m'avais dit que je puais pas, dit Chûya en se redressant pour se tourner vers Fyodor.
— J'ai menti.

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C'est officiellement la guerre entre le soukoku et le Fyolai 👹
J'espère que le chapitre vous a plu ! J'avais peur que ça ne vous plaise plus parce que Chûya et Fyodor se sont embrassés et tout, et que y'en a plein qui arrête de lire quand deux personnages qu'ils n'aiment pas ensemble s'embrassent... J'espère que vous êtes toujours là du coup-

Le prochain chapitre sera assez triste donc je vous laisse le week-end pour vous préparer, à lundi !

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant