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DERRIÈRE LA PLUME D'UN GÉNIE


Nuit aphrodisiaque


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  La fin de semaine arriva lentement, comme si les heures de la journée ralentissaient pour retarder la tombée de la nuit, que les minutes s'éternisaient, et tenaient à distance le week-end. Les derniers jours furent moroses et tristes, un temps gris s'était installé, ce qui déprimait Fyodor au plus haut point. Il aimait le mauvais temps en temps normal, c'était pour lui l'occasion parfaite de s'enrouler dans une chaude couverture, se préparer un thé fumant, et s'installer dans son salon pour écrire. Mais le travail l'empêchait de se détendre, et la fatigue l'obligeait à se coucher dès qu'il rentrait chez lui. De plus, il n'avait pas revu Nikolaï depuis mercredi, lorsqu'ils étaient allés au café ensemble. Ils avaient passé la journée ensemble, mais depuis ils n'avaient pas réussi à se revoir car ils ne travaillaient pas sur les mêmes campus, et cela attristait Fyodor. Envoyer des messages à Nikolaï ne lui suffisait pas, il avait envie de le voir, de l'embrasser, et de s'envelopper de sa douce chaleur.
   L'arrivée de samedi fut accompagnée de la pluie. Délicate, elle se mit à tomber du ciel aux aurores, et le chant qu'elle produisit contre les vitres de sa chambre réveilla Fyodor. Il mit un moment avant de sortir pleinement du sommeil et de consentir à ouvrir les yeux, et lorsqu'il le fit, il resta allongé dans son lit, le regard perdu dans le vide, à écouter la pluie tomber. C'était apaisant, la mélodie était douce, irrégulière, et le clapotis de l'eau contre les vitres avait quelque chose de rassurant. Si ça ne tenait qu'à Fyodor, il resterait dans son lit jusqu'à attendre l'arrivée de Nikolaï, puis il le conduirait dans son lit, se blottirait dans ses bras, et l'embrasserait en écoutant la musique céleste. Il se demandait si lui aussi aimait la pluie, ou si au contraire, il préférait le soleil. Il lui poserait la question tout à l'heure.
   Une heure après son réveil, Fyodor se força à se lever pour prendre une douche chaude, puis il déjeuna, et partit dans le salon s'asseoir dans le canapé, et regarda de nouveau le vide. L'appartement était vide, Chûya lui avait laissé un mot pour le prévenir qu'il était parti au marché. Il devrait travailler en attendant l'arrivée de Nikolaï, mais il n'en avait aucune envie, pour le moment il voulait seulement lire. Il tira alors une couverture, rangée sous la table basse devant lui, il la déploya sur ses genoux, et attrapa le livre posé sur la table. Ce n'était pas le sien, il appartenait à Chûya, il s'en servait pour sa thèse. Désirer comme un homme. Fyodor ouvrit curieusement le livre, aux pages marquées par Chûya, et lut les phrases soulignées. La thèse de Chûya portait sur le rôle des femmes dans la littérature, et leur dénonciation de la nature perverse de l'homme. C'était une thèse très intéressante, et Chûya achetait beaucoup de livres pour la compléter, alors ils traînaient un peu partout dans l'appartement. Fyodor profita de l'absence de Chûya pour lire, il resta une bonne heure assis sur le canapé, et ce n'est qu'au retour de son meilleur ami qu'il bougea.
   — Je suis rentré, annonça Chûya en arrivant dans le salon les bras chargés de courses.
   — Salut. Tu aurais dû m'attendre pour faire les courses, j'aurais pu t'aider, dit Fyodor en se levant pour décharger Chûya d'un sac.
   — Ça m'a pas dérangé de le faire seul, et j'en ai profité pour aller voir Gin. Bien dormi, demanda Chûya en partant dans la cuisine.
   — Oui, je dors toujours bien quand il y a de la pluie.
   — Moi je déteste ça, le bruit me dérange... J'ai presque pas dormi donc je suis parti tôt ce matin pour m'occuper.
   — Tu n'as pas dormi ? Tu dois être épuisé alors, va te reposer.
   — Ouais, en plus j'ai parlé avec Dazai toute la nuit, ça m'a épuisé, soupira Chûya.
   Il laissa tomber ses sacs de courses sur la table de cuisine et commença à les vider, alors que Fyodor le regardait avec surprise. Il avait passé la nuit à parler avec Dazai ? Osamu Dazai ?! Depuis quand se parlaient-ils ?!
   — Tu es ami avec Osamu ? Je croyais que tu ne le supportais pas ?
   — Ça dépend des moments. Des fois on réagit à nos stories mutuelles, c'est ce qu'il a fait cette nuit, donc je lui ai répondu, et on a parlé ensemble, expliqua Chûya en haussant les épaules.
   — Intéressant, dit Fyodor avec un sourire.
   — Pourquoi tu souris, demanda Chûya en plissant les yeux.
   — Pour rien ! Tu me dis juste que tu as passé la nuit à parler avec un garçon, c'est intéressant.
   — Et alors ? Je le fais aussi avec toi, Ryû et Gin. Même avec Poe quand il est là.
   — Mais nous on est ta famille. Osamu c'est... Une autre personne. Quelqu'un que tu peux apprécier différemment, ce qui expliquerait que tu aies envie de...
   — Quoi ?! Non mais attends, il me plaît pas, s'exclama Chûya avec incrédulité. Il est insupportable, je l'aime pas !
   — Ah mais je n'ai rien dit !
   — Tu insinues qu'il me plaît ! Je l'aime pas, il passe son temps à m'énerver et je le connais presque pas !
   — Si tu le dis !
   — En plus je suis pas un cœur à prendre donc je ferais jamais attention à lui, dit Chûya avec un mélange de colère et de gêne.
   — Vraiment ? Il y a quelqu'un qui te plaît, demanda curieusement Fyodor.
   — Je te le dirai pas, dit Chûya en lui tournant le dos pour ranger ses achats au frigidaire, les joues rouges.
   — Voyons, qui ça pourrait être... Akiko ? Non, vous êtes seulement meilleurs amis, Kôyo aussi... Qu'y a-t-il dans ta promo ?
   — Je te dirai rien, mêle toi de tes affaires !
   — Doctorat un, il me semble que c'est la promotion de Yuta non ? Il y a aussi Aki, ils sont pas mal tous les deux. Peut-être trop introvertis pour toi ? Il y a qui d'autre...
   — Personne !
   — C'est quand même pas un professeur ?!
   — Un peu culotté ça, fit remarquer Chûya. Et non, c'est pas un professeur, et c'est personne. Je suis très bien seul.
   — Moi c'est différent, au départ Nikolaï n'était pas mon élève.
   — Mais maintenant il l'est, donc c'est pas très légal ce que vous faites. D'ailleurs tiens, j'ai trouvé ça dans la boîte aux lettres. Je suppose que c'est de Nikolaï.
   Chûya attrapa un petit sac aplati et le fit glisser vers Fyodor. Il était d'un rouge pourpre, et un petit nœud tenait ses anses fermées. Fyodor l'ouvrit avec curiosité et en sortit un petit colis, emballé dans du papier de soie de la même couleur que le sac. Un petit mot était épinglé dessus, Fyodor le lut, et un sourire se dessina sur sa bouche lorsqu'il reconnut l'écriture de Nikolaï.

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant