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LES CHRONIQUES DE YOKOHAMA

Mutliship

Les Iris

/!\ C'est une histoire qui se passe à une époque antérieure à la notre, avec la bonne société, la noblesse etc. Les personnages se vouvoient tous, et ils sont séparés entre nobles et paysans. Tous les personnages nobles ont les cheveux plus longs que dans l'animé, car dans cette histoire les cheveux longs symbolisent le haut statut social. /!\

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— « ... Et le diamant de la saison, Margaret Mitchell, semble avoir tapé dans l'œil du prince venu de l'ouest, le ravissant à notre chère princesse. », lut Ryûnosuke, ses yeux parcourant la brochure rectangulaire qu'il tenait devant lui. Un nouveau prince va se marier, Gin.
   — Margaret est une femme splendide et pleine d'esprit, je comprends qu'elle ait attiré les faveurs d'un prince, commenta Gin, qui lisait le journal par-dessus son épaule. Je serais ravie d'organiser le mariage de notre diamant, ce sera le meilleur de la saison. N'est-ce pas ?
— Je suis certaine que vous organiserez un mariage des plus marquants, Votre Grâce, répondit la femme de chambre qui était en train de coiffer Ryûnosuke.
   — Tous les hommes respectables se marient et les princes s'éprennent de femmes dépourvues de sang royal, dit Ryûnosuke d'un ton sec. Il ne restera que les miséreux pour les princesses.
   — Pauvres princesses...
   — Je parle de vous Gin. La plupart des princes qui figuraient sur votre liste de prétendants sont à présent fiancés, dit Ryûnosuke, en lançant un regard perçant à sa sœur, à travers le miroir en face de lui.
   — Et bien, je pourrais ne pas me marier !
   — Oh oui, et qui vous donnera un héritier ?
   — C'est vous le roi, mon frère, c'est à vous d'engendrer un héritier.
— Vous ne pouvez vous reposer sur moi, vous devez avoir un héritier.
— Je n'en ai pas envie.
— Ce n'est pas une question d'envie. Trouvez-vous un mari, tous les princes et les rois les plus acceptables sont en train de trouver leurs femmes, et il ne restera pour vous que les plus miséreux ! Gin, je suis de votre côté et je comprends que vous ne vouliez pas partager votre vie. Je ne prétends pas comprendre votre désintérêt envers la gente masculine, ni le mépris que vous ressentez pour elle, mais j'entends vos pensées, et vous savez que je ne vous veux aucun mal. Lorsque nous étions petits, je me suis opposé aux choix de nos parents pour vous assigner un futur époux dès votre plus jeune âge, et depuis que père est mort, j'ai toujours tenu éloigné les hommes de vous, mais aujourd'hui je ne peux plus le faire. Gin il vous faut un époux, et si je vous presse tant pour que vous accomplissiez cette tâche, c'est seulement pour que vous épousiez un homme respectable. Si nous attendons trop longtemps, plus aucun homme ne sera digne de vous.
Gin ne répondit pas. Ryûnosuke retint un soupir. Il comprenait son silence, cela devait être agaçant, et épuisant, d'être sans cesse rappelée à l'ordre. S'il avait su que chercher un époux pour sa sœur était encore plus difficile que de gouverner...
Il était devenu roi très jeune, seulement quelques mois après ses quatorze ans. Il était mort d'une maladie incurable, sa mère l'avait suivi peu de temps après. Elle n'avait pas pu être présente au couronnement de Ryûnosuke. Il se souvenait encore de la terreur qu'il avait ressentie lorsqu'il avait senti la couronne royale sur sa tête, qu'il s'était tourné vers son peuple, les objets royaux dans ses mains tremblantes, et qu'il avait vu toute l'incertitude qu'exprimaient les yeux de ses sujets. Son monde s'était effondré le jour où sa vie avait commencé, et il avait cru qu'il ne survivrait jamais à cela.
Mais il avait avancé, il s'était accroché, il avait étudié, appris par cœur les protocoles, et peu à peu il s'était habitué à gouverner. Aujourd'hui, il était un roi très apprécié, bien qu'il lui restait encore beaucoup de chemin à parcourir. Et à présent que la saison des mariages avait commencé, Ryûnosuke faisait face à l'épreuve la plus difficile de sa vie : trouver un prince pour sa sœur. Oh il savait que l'épreuve était encore plus grande pour Gin, mais en tant que frère et dirigeant de leur famille, c'était à lui de lui chercher un époux. Et ce n'était pas une mince affaire. Il ne se mêlait que peu de la vie de Gin. Il était responsable d'elle, alors il faisait le nécessaire, mais il ne l'avait jamais obligée à se rendre à des bals, ni à chercher un mari. Il savait que tout cela ne l'intéressait pas, Gin détestait les cérémonies pleines de cotillons, elle détestait danser au bras d'un homme, autre que sa famille, et détestait par-dessus tout l'idée de partager sa vie avec un autre.
C'étaient ses choix et Ryûnosuke les respectait. Il songeait souvent à la vie des femmes qu'il croisait lors des bals auxquels il était forcé de se rendre, et il parvenait souvent à la conclusion qu'elles ne devaient guère apprécier tous les regards indiscrets qui suivaient chacun de leur mouvement. Il ne pouvait pas les comprendre, car lui ne s'était jamais senti observé de manière déplacée. Mais il les respectait, et c'était pour cela qu'il ne contrôlait pas cet aspect de la vie de sa sœur. Mais cette année était la dix-neuvième de Gin, lui en étant à sa vingtième, et c'était l'âge auquel toutes les jeunes femmes se mariaient. Gin était même en retard, Ryûnosuke aurait dû la faire rentrer dans la Cour à ses seize ans, et il ne l'avait fait que l'année dernière pour lui donner quelques années de répit. Si cela ne tenait qu'à lui, il laisserait Gin rester seule et vivre sa vie, mais il ne le pouvait plus désormais. Tout le monde commençait à se poser des questions, les commérages allaient bon train et c'était mauvais signe, les rumeurs pouvaient déclencher de véritables scandales. Et le mariage était un devoir royal, Gin n'avait pas le choix de passer par là. Ryûnosuke devait lui trouver un mari, c'était une obligation.
— Gin, vous ne pouvez pas fuir éternellement, dit-il en reprenant une voix calme.
— Pourquoi n'attendons-nous pas mes vingt ans, demanda Gin avec espoir.
— Vous êtes une princesse Gin, vous devriez déjà être mariée.
— Mais je ne veux pas me marier.
— Pourquoi ne le voulez-vous pas ?
— Est-ce mal de vouloir vivre seule et se contenter de sa propre personne ? Je ne veux simplement pas de mariage, je veux vivre ainsi pour toujours, soupira Gin.
— Je le sais, dit Ryûnosuke. Gin... Nous pouvons peut-être trouver un prince qui vous laisse votre liberté, tous les hommes ne sont pas mauvais.
— Le seul homme que je veuille épouser est Chûya, répliqua Gin en laissant tomber sa tête en arrière.
Ryûnosuke ne put s'empêcher de sourire. Chûya n'était pas un membre de la famille royale, ou du moins, il n'avait pas de sang royal. Mais il était comme le grand frère de Ryûnosuke, car c'était lui qui lui avait tout appris. Avant il n'était qu'un enfant de la cour royale, avec qui Ryûnosuke jouait dans les jardins. Lorsqu'il avait grandi, il s'était engagé à lui apprendre tout ce qu'il savait. Il l'avait guidé pour gouverner, il lui avait appris à parler au peuple, à rencontrer des personnes importantes, à danser lors des cérémonies. Ryûnosuke lui devait tout, car Chûya était un pilier dans son royaume. Il en avait fait son conseiller très rapidement après son couronnement, et cela avait été la meilleure décision de sa vie, car Chûya avait très bien pris son règne en main.
Aujourd'hui, il vivait au palais avec eux, il participait aux conseils et apparaissaient à leurs côtés en public. Il était aimé de tout le royaume, Chûya avait le don d'attirer la sympathie de tous, et Gin avait aussi succombé à son charme.
— Chûya a déclaré ne pas vouloir se marier, je doute qu'il vous demande en mariage, dit Ryûnosuke.
— Chûya est, après vous, le meilleur des hommes à mes yeux. Le reste des hommes n'a pas d'intérêt à côté de lui.
— Vous n'avez pas cherché. Ce soir je verrai de nombreux princes, vers qui voulez-vous que je me dirige ? Le Prince Edgar ?
— Le prince Edgar ? Je le trouve intéressant... Mais il ne donne pas l'impression de vouloir se marier, je ne l'ai jamais vu approcher de femme, dit Gin avec un haussement de sourcils.
— Nous ne sommes pas obligés de choisir un prince alors. Un duc fera l'affaire.
— Père et Mère se retourneraient dans leur tombe, remarqua Gin avec un rire amer.
— Cela les fera découvrir un nouvel aspect de leur tombe.
— Ryûnosuke vous êtes horrible !
— Je plaisante Gin. Je veux juste vous trouver un mari convenable. Avez-vous des amis ?
— Quelques-uns... Chûya compte-t-il comme un ami ?
— Je crains que non. Épousez le meilleur de vos amis, déclara Ryûnosuke avec simplicité.
— C'est ce que vous allez faire pour trouver votre reine ?
— Je n'ai pas cette liberté, je ne choisirai pas ma femme, soupira Ryûnosuke. Je devrais déjà être marié, si je suis encore libre de ce devoir, c'est seulement grâce à Chûya qui m'a préservé. Mais il n'est pas question de moi. Que pensez-vous du clan Tanizaki ?
— Les héritiers sont étranges... Miss Naomi paraît si attachée à son frère...
— Vous n'avez pas tort. Et le clan Dostoyevsky ? Il est le plus influent et le plus riche du royaume, et l'héritier n'est pas marié.
— Mais le chef du clan est si austère, et les rumeurs sur ce clan sont peu rassurantes... Je ne veux pas d'époux violent, dit Gin en se levant pour faire les cent pas dans sa chambre. Mais... J'ai entendu dire que le Prince Atsushi serait là ce soir...
Ryûnosuke leva un sourcil, suivant sa sœur des yeux. Le Prince Atsushi faisait partie du clan royal de Corée, leur royaume était très proche de celui du Japon. Leurs ancêtres avaient noué de fortes alliances au fil du temps, et aujourd'hui, elles persistaient encore. En tant que Roi du Japon, Ryûnosuke savait combien il était important de garder une bonne relation avec le clan Nakajima, et l'héritier, Atsushi, ferait un mari parfait pour sa sœur. Le seul problème était que... Ryûnosuke ne s'entendait pas du tout avec lui. Ils s'agaçaient tant qu'ils avaient cessé de s'appeler par leur titre et de s'échanger des paroles respectueuses.
Il préférait ne pas imaginer son mariage avec sa sœur, encore moins les héritiers qu'ils pourraient engendrer...
— Pensez-vous qu'il puisse être un bon époux, demanda Ryûnosuke d'un air las.
— C'est un homme doux et attentif, il me laisserait sûrement poursuivre mes occupations actuelles. N'êtes-vous pas d'accord ?
— Je ne l'apprécie guère, mais je respecte vos décisions.
— J'avais pensé que vous pourriez danser avec lui ce soir, déclara Gin avec espoir.
— Les hommes ne dansent pas ensemble et-
— Je sais et j'y ai longuement réfléchi. Voyez-vous, je suis rarement apparue en public, et le peu de fois où cela est arrivé, je n'ai prononcé aucune parole.
— Gin, dit Ryûnosuke pour la mettre en garde, sentant ce qu'elle s'apprêtait à dire.
— Nous avons le même visage et avec un masque, personne ne pourrait nous différencier ! Alors...
— Gin !
— Je vous demande seulement de vous faire passer pour moi le temps d'une soirée ! Dansez avec le Prince Atsushi comme si vous étiez à ma place, je suis convaincue que cela m'aiderait beaucoup, s'empressa de dire Gin.
— Ma voix est bien plus grave que la vôtre.
— Ma voix est grave pour une femme, et vous savez modifier votre voix pour prendre la mienne. Je vous en prie, je ne vous demande que cela, supplia Gin en lui prenant la main.
Elle le regarda avec espoir, et Ryûnosuke n'eut pas le courage de la repousser. Il ferait n'importe quoi pour sa sœur et son royaume, et s'il devait se travestir pour approcher un prince et ainsi agir pour le mariage de Gin... Il le ferait. Gin lui ferait faire n'importe quelle sottise, il ne lui refusait jamais rien.
Perplexe, Ryûnosuke se regarda dans le miroir en face de lui. Son teint était poudré, mate, sa peau était lisse, creusée sur ses joues, et sa mâchoire légèrement marquée. Du rose couvrait ses lèvres et les faisait briller, elles semblaient plus pulpeuses que d'habitude, plus lisses également, et Ryûnosuke comprit que ses femmes de chambre l'avaient déjà maquillé comme s'il était une femme. Il semblait plus désirable ainsi, ce qui lui était particulièrement désagréable. Mais il était vrai que son visage était semblable à celui de sa sœur. Et avec le masque qu'il portait, il était facile de le confondre.
Ce n'était pas un masque de tissu, mais un masque fait de maquillage. Des traits noirs s'élevaient au-dessus de ses yeux et ondulaient sur ses sourcils, ils descendaient également sur ses cernes, et s'étiraient sur ses pommettes. Les traits avaient été peints avec délicatesse, ils étaient fins et leur pointe disparaissait dans sa peau. Ils allongeaient son regard, comme s'ils s'agissaient de grands cils, et de la dentelle en argent avait été peinte sur les lignes noires. Elle avait été travaillée si minutieusement qu'elle pourrait se confondre avec de la vraie dentelle, Ryûnosuke n'avait jamais vu un maquillage si réussi. Et l'argenté que ses femmes de chambre avaient choisi lui allait parfaitement au teint. Sa peau luisait comme si elle reflétait la lumière lunaire, et ses yeux noirs ressortaient à merveille, comme deux gemmes en obsidienne posées sur un écrin opalin.
Quant à ses cheveux, ils avaient été détachés, et tressés. Comme tous les hommes de la Cour, Ryûnosuke avait de longs cheveux. Les siens étaient d'un noir intense, ils tombaient en boucles ordonnées dans son dos, et Ryûnosuke les attachait toujours en une tresse autour de sa tête, pour ne pas être dérangé par eux. Mais ce soir, ils étaient divisés en deux épaisses tresses qui pendaient gracieusement dans son dos, seules trois mèches plus courtes, également tressées, encadraient de part et d'autre son visage. Il semblait étranger à lui-même, mais cela n'était pas déplaisant à voir, au contraire.
Le Prince Atsushi ne pourrait jamais le reconnaître ainsi.
— Je vois que vous n'avez pas attendu mon accord pour me préparer, constata Ryûnosuke en regardant les pousses d'iris qui parsemait ses cheveux. Je suppose que vous aviez prévu cela depuis un moment Gin.
— Il le fallait, pour vous trouver une toilette de femme et que personne ne s'inquiète de votre disparition, se défendit Gin. Vous êtes ravissante ainsi !
— Que ne ferais-je pas pour vous... Et quel kimono dois-je porter ? Je n'ai pas de poitrine, comment suis-je censé faire, demanda Ryunosuke en se levant.
— Nous avons légèrement rembourré votre toilette Majesté, dit l'une de ses femmes de chambre. Cela restera discret, bien entendu...
— Je doute que cela soit très convaincant.
— Oh une fois que tous les hommes auront les yeux rivés sur votre poitrine, vos doutes disparaîtront, rassura Gin avant de s'écarter. À présent je vous laisse vous changer, et je vous souhaite bonne chance pour ce soir. J'espère que... Vous passerez une agréable soirée dans les bras du Prince Atsushi.

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant