❤️‍🩹

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SUR LES PAS DES ANGES

Le trou noir

────── ҉ ───────

Chûya ne savait pas vraiment pourquoi il était aussi blessé et en colère. Peut-être parce qu'il était entraîné de force dans une mission avec ses ennemis, et qu'il se retrouvait à devoir dormir dans la même chambre qu'eux. Ou peut-être parce qu'il venait d'apprendre que son presque petit frère, celui pour qui il était toujours là et sur qui il veillait, était en couple et ne lui avait rien dit, alors que tout le monde semblait le savoir. Ou bien parce qu'il venait de réaliser qu'il n'avait jamais compté pour Dazai, alors que lui avait toujours beaucoup compté dans sa vie.
Depuis leur rencontre, la vie de Chûya n'avait de sens que si Dazai existait. Il vivait parce que Dazai lui en offrait la liberté, il vivait parce que Dazai était le seul à pouvoir le faire se sentir humain, le seul à pouvoir lui rendre la part de vie qui sommeillait en lui lorsqu'il devenait un véritable monstre. Il vivait parce que Dazai vivait, parce qu'il était toujours là pour garder un œil sur lui, et accorder de l'importance à son existence. Il vivait parce que Dazai lui avait toujours tout pris, et que si lui disparaissait, il entraînerait Chûya dans sa perte.
Chûya avait toujours pensé qu'il avait une relation particulière avec lui. Comme une même personne aurait été séparé en deux âmes distinctes, Chûya n'était qu'une âme errante à la recherche de sa moitié, et il ne pouvait se sentir complet que lorsque Dazai était près de lui. Au-delà de son pouvoir et du monstre qui ronronnait au creux de sa poitrine, il s'était toujours senti intimement lié à lui. Ce n'était pas seulement parce qu'il avait le pouvoir de l'arrêter, ni parce que c'était lui qui l'avait fait entrer de force dans la mafia. C'était bien plus que cela. Chûya avait besoin de Dazai, il avait besoin de leur lien pour tenir, et il avait toujours avancé en se disant que rien ne pourrait le séparer de lui.
La haine qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, leur camp qui les opposait, ou même la distance qui pouvait s'immiscer entre eux, rien n'avait jamais séparé Chûya de Dazai. Quoiqu'il arrivait, il se sentait toujours proche de lui. Il n'était qu'une face d'une pièce dont Dazai était le revers. Comme un diamant ne pouvait se séparer de ses facettes, Chûya ne pouvait se séparer de Dazai. Il n'avait même jamais envisagé d'avancer avec quelqu'un d'autre, de faire équipe avec quelqu'un d'autre, ou même de ressentir quelque chose d'aussi fort que quelqu'un d'autre. Les sentiments qu'il ressentait pour lui étaient différents des autres, ils étaient plus intenses, plus troublants, et plus envahissants. Chûya réservait ses sentiments pour Dazai, pour lui seul, comme si son cœur ne battait réellement que lorsqu'il était entre ses mains. Et il avait toujours pensé que lui aussi, il tenait le cœur de Dazai. Mais au final, il s'était trompé.
Dazai n'était qu'un trou noir. Un vide dans l'espace, une tache d'encre sur la toile peinte arquée au-dessus de la terre. Il était une ombre au milieu des étoiles, une absence, une crevasse, une déchirure du ciel. Il poussait des cris silencieux, des râles rauques qui s'évaporaient autour de lui. Il s'étendait au milieu des lumières en aspirant tout ce qui l'entourait, il les charmait, les attirait jusqu'à lui, avant de les éteindre et de les faire disparaître à jamais. Et pour lui, Chûya n'était qu'une étoile perdue dans les constellations qui coulaient au fond de son gouffre. Il n'était rien de plus, rien qu'un astre semblable aux autres, qui gravitait autour de lui avant de mourir.
Il n'avait aucune importance. Chûya se sentait presque humilié, désabusé. Il se sentait éteint, vidé, abandonné. Il avait mal, son cœur le serrait et ses yeux le brûlaient. Dazai n'avait jamais rien ressenti pour lui, ne serait qu'un semblant d'affection. Il l'avait abandonné entre les mains du diable pour se sauver, et puis il l'avait ignoré. Il avait feint de ne pas le connaître, avant de se rallier à lui pour abattre ses ennemis. Il l'avait laissé tomber, encore et encore. Il l'avait oublié pour confier son cœur à de nouvelles personnes, et plus encore, il avait offert son corps à ses femmes dont il devait déjà avoir oublié le nom. Il s'était reconstruit une famille, un foyer. Il avait des amis, des relations, des amantes, et Chûya ne faisait plus partie de sa vie.
Peut-être que c'était normal, peut-être que c'était un signe que leur vie n'était plus faite pour s'assembler. Mais Chûya n'arrivait pas à s'y résoudre. Il avait toujours gardé une place d'honneur dans sa vie à Dazai, quoiqu'il pouvait en dire. Il réservait ses pensées les plus intimes pour lui, il lui avait réservé son corps, il lui avait toujours confié sa vie... Et comprendre que Dazai ne l'incluait pas dans sa propre vie en retour, c'était bien trop douloureux pour qu'il ne puisse le supporter. Chûya ne s'était jamais senti rejeté à ce point. Pourtant il aurait dû le comprendre plutôt, c'était évident...
— Chûya, appela une voix derrière lui.
Le jeune homme ne répondit pas et stoppa ses reniflements. Il était bien conscient que Dazai ne tarderait pas à le trouver, il n'était pas vraiment caché. Il était simplement descendu au rez-de-chaussée de l'hôtel pour s'asseoir sur l'un des fauteuils près de la table de réception. Même si la lumière n'était pas allumée et qu'il était plongé dans le noir, il restait facilement repérable, et Dazai ne tarda pas à le rejoindre.
— Hé, pourquoi tu pleures Chuchu, demanda-t-il d'un air inquiet.
Chûya ne répondit rien, et continua de fixer le parking qui apparaissait derrière la fenêtre, devant lui. Peut-être qu'en gardant le silence, Dazai partirait. Il n'avait pas de raison de rester auprès de lui après tout, il n'avait aucun lien avec lui.
— Chûya c'était une blague, évidemment que ça me manque d'être ton partenaire, murmura Dazai en s'accroupissant devant lui. 
   Il n'eut aucune réponse, et Chûya continua de regarder devant lui comme s'il n'était pas là.
   — J'ai dit quelque chose de mal ? C'est parce que j'ai couché avec d'autres personnes, insista Dazai en se penchant vers lui pour essayer de croiser son regard. Tu sais c'était nul, c'était juste du sexe.
Une larme roula sur la joue de Chûya et s'écrasa sur son t-shirt. Il battit des paupières et ses cils humides s'entremêlèrent, mais aucun mot ne franchit ses lèvres.
— Tu m'en veux ? Tu es en colère contre moi ?
Ce n'était pas de la colère, pas du tout. C'était juste de la douleur. Une profonde douleur qui noyait son cœur, qui remplissait ses veines de larmes salées qui l'écorchaient, et qui noyaient ses iris marins dans un océan de scintillement. Ce n'était que de la douleur, rien d'autre.
— Tu te sens mal ? Tu veux un câlin, demanda Dazai en tentant de le prendre dans ses bras.
Chûya repoussa Dazai sans même le regarder.
— Chûya me repousse pas s'il te plaît ! Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Chûya ! Chûya parle-moi, je t'en supplie ! Je ferai tout ce que tu veux, mais s'il te plaît parle-moi, gémit Dazai en essayant de le caresser.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit, demanda Chûya en retenant ses mains pour l'empêcher de le toucher.
— Te dire quoi ?!
— Que je n'ai jamais fait partie de ta vie, répondit Chûya en tournant son visage larmoyant vers lui.
Dazai fronça les sourcils alors qu'une lueur d'incompréhension traversait son regard.
— Quoi ? Mais si, tu fais partie de ma vie, on est partenaires Chûya-
— Non. Non je fais pas partie de ta vie, on n'est pas partenaires, et on l'a été comme de simples collègues qui se croiseraient pendant une pause-café, ou comme deux voisins se salueraient sur le pallier de leur porte, mais je fais pas partie de ta vie !
— Mais si, bien sûr que si !
— Non Dazai ! Toi tu fais partie de ma vie, toi tu as ta place dans ma vie. Mais moi je suis personne pour toi, je suis pas dans ta vie, je suis juste un partenaire parmi toutes les personnes avec qui tu travailles, je suis un ennemi parmi les centaines de membres de la mafia, mais je ne suis pas ton partenaire !
— Si tu l'es, tu es mon partenaire, t'es le seul à l'être ! Les autres ils comptent pas !
— Non je le suis pas, Dazai tu ne penses jamais à moi !
— Mais si, t'es mon partenaire, t'es le mien, et personne ne prendra ta place-
— Dazai je suis personne pour toi, s'exclama Chûya en élevant la voix. J'ai toujours cru que j'étais quelqu'un pour toi, que toi et moi on était proche d'une manière qui ne pouvait concerner que nous, j'ai toujours cru que c'était toi et moi, et que toutes les personnes qui se glisseraient entre nous ne changeraient rien à notre relation. Mais je me suis trompé ! Tu fais partie de ma vie parce que je pense à toi, parce que je ne veux pas t'oublier, parce que j'ai besoin de toi, parce que le ciel a voulu que ma vie dépende de la tienne de toutes les façons qu'il soit, parce que je tiens à toi, et ça n'a rien à voir avec un quelconque devoir. Je tiens à toi, pas parce qu'on me l'a ordonné, pas parce que j'ai un objectif à atteindre, je tiens à toi parce que c'est toi, et que je te veux vraiment dans ma vie !
— Mais Chûya je...
— Dazai tu m'as toujours abandonné et j'ai jamais rien dit parce que je pensais que tu ne serais jamais loin, et au final t'es toujours revenu, et moi je t'ai toujours considéré comme mon partenaire ! Mais toi tu m'as oublié parce que tu m'as laissé dans ton passé au moment même où tu as quitté l'agence, tu m'as abandonné et tu as rencontré de nouvelles personnes, et moi je n'ai jamais fait partie de ta vie comme elles peuvent en faire partie !
— Chûya tu fais partie de-
— C'était naïf, je sais, mais j'ai toujours pensé que même après tout ce qu'on a pu traverser, on restait lié l'un à l'autre ! Mais je me suis trompé, et aujourd'hui je comprends que pendant que moi je pensais à toi, toi tu m'avais déjà oublié et que tu avançais en me laissant loin derrière !
— Non...
— Osamu regarde-moi dans les yeux et dis-moi que je ne suis pas juste un pion sur ton échiquier, dis-moi que je compte pour toi autant que tu comptes pour moi, et donne-moi une seule bonne raison de continuer à croire que je confie ma vie a quelqu'un qui se préoccupe de moi, supplia Chûya en secouant la tête, le visage baigné de larmes.
   Mais il n'y eut aucune réponse. Dazai garda le silence, les lèvres entrouvertes et tremblantes, et les yeux brillants de cristaux. Il ne dit rien, seul son souffle saccadé s'échappa de ses lèvres. Chûya n'aurait pas de réponse. Dazai n'avait jamais eu de réponse à ses questions, ni aujourd'hui, ni sept ans plus tôt, lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Il n'avait rien à lui dire, rien à lui apporter. Il n'avait que des espoirs à briser.
   Alors le jeune homme se releva en serrant les poings, sans chercher à effacer les larmes qui couvraient ses joues, et s'en alla. Il était inutile de rester ici, ça n'avait aucun sens de rester auprès de Dazai alors qu'il ne comptait pas pour lui. Chûya aurait voulu le comprendre plutôt. Il aurait voulu se rendre compte plutôt que sa vie ne s'était jamais mêlée à celle de Dazai, qu'il n'avait jamais eu sa place auprès de lui. Ils n'étaient que deux astres aux trajectoires opposées, qui n'avaient fait que se croiser un bref instant, avant de s'oublier parmi les autres astres.
   Chûya ne comptait pas pour Dazai, il était seulement de passage dans sa vie.
   — Chûya, attends, dit Dazai en se relevant.
   Chûya l'ignora et se dirigea vers les ascenseurs, qui se trouvaient derrière le comptoir de réception.
   — Chûya pars pas, tu peux pas me laisser sans me donner la possibilité de répondre, tu peux pas m'abandonner, s'exclama Dazai en le suivant.
   — Je peux pas t'abandonner Dazai, je ne suis rien pour toi ! Si tu voulais que je t'abandonne, il faudrait déjà que je représente quelque chose.
   — Mais tu représentes quelque chose, j'ai jamais pensé que tu n'étais personne ! Chûya reviens !
   Chûya l'ignora et appuya sur le bouton de l'ascenseur, mais Dazai l'attrapa par le bras et le tira en arrière pour l'éloigner, et l'empêcher de partir.
   — Laisse-moi au moins te répondre, supplia Dazai en lui serrant le bras.
   — Qu'est-ce que ça changerait, s'exclama Chûya en dégageant son bras de son étreinte.
   Dazai ouvrit la bouche pour répondre, mais une fois de plus, il ne réussit pas à parler. Évidemment, il n'y avait rien à dire, ils le savaient tous les deux. Chûya regarda longuement Dazai, impuissant, comme pour marquer ses traits dans sa mémoire. C'était la première fois qu'il voyait Dazai aussi bouleversé, et c'était aussi la première fois qu'il pleurait devant lui. Chûya n'aurait pas pensé que pleurer devant lui le ferait autant réagir.
   — Laisse tomber, murmura-t-il en se détournant.
   — Non Chûya reste.
   Le jeune homme se retourna alors, sans conviction, et dévisagea son partenaire. Dazai baissa alors les yeux, puis il leva ses mains, et commença à défaire ses bandages. Chûya le regarda faire sans comprendre. Ses gestes étaient brusques, maladroits, acharnés, il tirait sur ses bandages en les faisant claquer sur sa peau, comme si la peur qui l'envahissait l'empêchait d'avoir des gestes précis.
   Les bandelettes tombèrent une à une, et lentement, la peau pâle et endormie de Dazai apparut. Une première cicatrice découpa sa peau, horizontale sur son avant-bras, puis une seconde, une autre, et encore une autre. Chûya fit un pas vers lui sans s'en rendre compte, incapable de détourner le regard de lui. Les cicatrices se succédaient, elles zébraient son bras comme un papier peint porterait des rayures, et elles remontaient jusqu'à son épaule. Il y en avait de toutes les tailles, des grandes, des petites, des fines, des larges, des profondes, des superficielles. Elles étaient blanches, effacées, mais elles ressortaient parfaitement sur sa peau. Ses deux bras portaient les mêmes souffrances, ils étaient tous les deux couverts de marques blanches.
   Mais les traces qui longeaient son cou étaient différentes, et lorsque Dazai retira son t-shirt pour retirer ses bandages, Chûya comprit qu'il n'était pas l'auteur de toutes ses blessures.
— Qu'est-ce que c'est, murmura-t-il en levant sa main pour effleurer une tache rouge sur sa clavicule.
— Des brûlures, répondit Dazai à voix basse.
— Pourquoi tu me montres tout ça ?
Dazai hésita en cherchant ses mots, comme s'il avait trop de choses à dire à la fois, et que les mots se perdaient dans sa bouche.
— Parce que... C'est que... Si ma vie était un roman, tu en serais le personnage principal Chûya, finit-il par dire dans un souffle. T'es... Tu es celui qui compte le plus...
Chûya ne réussit pas à répondre, et fixa Dazai en sentant des larmes envahir de nouveau ses yeux.
— Je sais que je t'ai fait changer de vie, et que je t'ai abandonné, et j'ai aucune excuse à te donner. Mais même si je suis une personne horrible avec toi, ça veut pas dire que je ne tiens pas à toi. Je sais que je te le montre de la pire des manières qu'il soit, mais je tiens à toi, et je veux pas te perdre... Je veux que tu fasses partie de ma vie, tu fais partie de mon passé, mon présent, et je te veux dans mon futur. Tu es la seule personne qui remplit le vide que j'ai en moi, et tu es le seul à qui je peux montrer mes blessures, et... T'es celui qui compte le plus pour moi, s'il te plaît, je veux pas que tu pleures parce que tu te trompes... Chûya tu te trompes vraiment...
Chûya ne réussit pas à répondre. Ses larmes étaient trop nombreuses, et ses lèvres tremblaient trop pour qu'il ne puisse parler. Il était bouleversé. Dazai le tira alors vers lui pour le prendre dans ses bras, et le serra contre ses cicatrices.
   — Je suis vraiment désolé de t'avoir dit ça, Chûya bien sûr que tu me manques, t'es une partie de moi, t'es le meilleur partenaire que je puisse avoir et personne ne pourra jamais autant compter que toi !
— Alors pourquoi tu me fais du mal, ne put s'empêcher de demander Chûya.
— Parce que c'est la seule chose que je sais faire ! Chûya... D-Depuis toujours on m'apprend à faire du mal autour de m-moi et je sais pas faire autrement, m-mais je m'en veux ! Chûya je suis désolé... J-Je suis vraiment désolé...
Chûya ne répondit pas. Il resta dans les bras de Dazai, ses joues humides contre sa poitrine haletante, et Dazai se tut. Peut-être qu'il le laissait réfléchir, ou peut-être que les larmes qui tombaient sur son visage étaient devenues trop nombreuses pour qu'il continue de parler. Chûya ne savait pas quoi dire, ni comment réagir face à tout cela. Recevoir soudainement des explications à toutes ses douleurs était déstabilisant, il ne pensait pas que Dazai répondrait à ses pleurs. Il pensait qu'il le laisserait partir, et qu'ils se reverraient le lendemain et feraient comme si de rien était, comme d'habitude. Ils auraient continué leur relation ambiguë, Chûya lui aurait pardonné et il lui aurait fait confiance, comme à chaque fois.
Mais cette fois, pour la première fois, Dazai s'était ouvert à lui. Et à présent, c'était Chûya qui ne savait plus comment agir. Devait-il dire à Dazai que ce n'était rien, qui lui pardonnait ? Ou bien qu'il ne lui pardonnait pas et qu'il ne voulait plus jamais avoir affaire à lui ? Il ne le savait pas, il n'était même pas sûr de ce qu'il ressentait. Il avait mal, et il en voulait à Dazai de ne jamais lui avoir dit tout cela. Il voudrait lui dire combien il le détestait, combien il l'avait blessé, à quel point il se sentait abandonné et isolé. Et en même temps, il voulait lui dire qu'il l'aimait, qu'il était prêt à lui pardonner, et qu'il le comprenait.
Sa peine était trop grande pour qu'il se taise, et son amour était trop fort pour qu'il parle.
— Chûya... Dis quelque chose..., supplia Dazai d'une voix qui trahissait son désespoir.
— Je veux plus que tu me fasses de mal...
— Qu'est-ce que je dois faire alors ?
— Je sais pas.
— Je suis prêt à changer Chûya, si tu me le demandais je le ferais. Je... Je te dis pas que je changerais complètement du jour au lendemain... Mais je peux faire des efforts, dis moi quoi faire...
Chûya renifla et passa ses bras autour de la taille de Dazai.
— Je sais pas ce qu'on peut faire Dazai... J'avais besoin que tu me parles de ce que tu ressentais... Que tu me montres que je compte vraiment pour toi... Et tu m'as toujours donné l'impression d'être juste une personne en trop dans ta vie.
— Chûya je suis désolé...
— Je peux accepter tes excuses, mais ça n'effacera rien Dazai, murmura Chûya avec impuissance. Tu m'as... vraiment fait mal... Et je peux pas l'oublier. Quelque chose de briser ne se répare pas.
— Je réparerai ce que j'ai brisé, et je te montrerai à quel point tu comptes pour moi...
Chûya ne répondit pas. Il avait trop mal pour répondre, et il ne savait pas quoi dire. Il acceptait les excuses de Dazai, il voulait bien lui pardonner ce qu'il lui avait fait et il était prêt à rester à ses côtés... Mais le mal avait été fait. Chûya avait mal, et cette douleur ne pouvait être guérie aussi facilement. Il ne pourrait plus s'empêcher de penser qu'il ne comptait pas pour Dazai, tous ses espoirs avaient été brisés une première fois, alors pourquoi ne le seraient-ils pas une seconde fois ?
Son cœur égratigné saignait dans sa poitrine... Que pouvait faire Dazai pour guérir les blessures qu'il lui avait faites ?
— J'ai besoin d'être seul, finit par dire Chûya en s'écartant à contrecœur de Dazai.
— Mais je...
— Dazai. J'ai besoin d'être avec moi-même... Loin de toi...
— Mais pour combien de temps ? Chûya je veux pas que tu partes, dit Dazai en secouant la tête.
— Dazai s'il te plaît... Ne me fais pas plus mal que tu ne l'as déjà fait, murmura Chûya, les joues inondées de larmes.
Dazai voulut répliquer, mais il se ravisa, et acquiesça difficilement.
— Je comprends...
— Merci.
— On a une deuxième chambre, tu peux la prendre pour cette nuit... Je suppose que c'est mieux qu'on ne dorme pas ensemble, dit Dazai d'une voix serrée.
— Une deuxième chambre ?
— Oui. J'ai fait comme si on en avait qu'une pour être avec toi. C'était stupide, j'aurais dû te le dire.
— Oui, dit Chûya en suivant Dazai, qui l'entraînait vers un ascenseur. Si tu veux être avec moi, dis-le-moi. Ça m'éviterait de penser que tu le fais par dépit...
— Je le fais jamais par dépit Chûya, je t'... Je... Je me suis jamais forcé à être avec toi, au contraire... Je veux dormir avec toi et dans le même lit que toi, dit Dazai en détournant les yeux. Je voulais pas que tu me prennes pour un pervers. Et je voulais pas que tu comprennes ce que je ressens.
Chûya ne parvint pas à répondre. Il essuya ses larmes, frottant encore et encore ses joues, jusqu'à ce que ses larmes cessent de couleur. Dazai le regardait faire, immobile, sans même chercher à cacher ses larmes. Chûya n'arrivait pas à le regarder dans les yeux, il ne voulait pas voir ses larmes, il ne le supportait pas. Il baissa alors les yeux sur son torse-nu, et vit que sa poitrine se soulevait à toute vitesse, faisant ressortir ses cicatrices. Il voudrait poser des questions, savoir d'où elles venaient, depuis quand étaient-elles là. Mais il n'en fit rien, et observa silencieusement les blessures que portait Dazai. Ce n'était pas le moment pour le questionner sur ça. Ses cicatrices étaient liées à une autre douleur, ils étaient déjà trop bouleversés ce soir pour parler de ça. Chûya lui poserait des questions plus tard.
— Et toi tu vas dormir où, demanda Chûya au bout d'un moment.
— J'ai besoin de réfléchir, je pense que je vais un peu sortir prendre l'air...
— Atsushi sait qu'on a cette chambre ? Il va s'inquiéter demain si on est pas dans la chambre.
— Oui il le sait. Je lui ai dit de rien dire pour être avec toi, et puis ça doit l'arranger de pouvoir dormir avec Akutagawa. Je pense pas qu'il s'inquiétera pour nous, en voyant qu'il a la chambre pour lui tout seul, il en profitera sûrement avec Akutagawa...
— Ils sont sages, fit remarquer Chûya en comprenant ce qu'insinuait Dazai.
— Et leurs hormones sont en feu, rappela Dazai. Ça m'étonnerait qu'ils n'aient jamais couché ensemble.
— Atsushi est trop timide pour ça, et Akutagawa n'aime pas qu'on le touche. Et ce ne sont pas des animaux non plus. Où est la clé de la chambre ?
— Dans mon manteau.
Chûya acquiesça. Il se détourna alors de Dazai pour partir vers l'ascenseur, et cette fois-ci, il ne le retint pas. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent rapidement devant Chûya, il fit un pas vers l'intérieur de la cabine, avant de se tourner vers Dazai.
— Il y a des cicatrices récentes, demanda-t-il en s'obligeant à le regarder dans les yeux.
— Oui, répondit Dazai, les poings serrés.
— Pourquoi est-ce que tu les as faites ?
— Parce que je t'avais fait du mal.
   Chûya acquiesça silencieusement et entra dans l'ascenseur. Il battit des paupières, faisant tomber de nouvelles larmes sur ses joues, et choisit son étage, sans se retourner vers Dazai. Dazai avait toujours souffert sous ses yeux, et il n'avait jamais rien fait pour l'aider. Chûya aussi souffrait devant Dazai, et il n'avait rien fait pour lui.
   Au final, ils se faisaient du mal tous les deux... Est-ce qu'ils pourraient vraiment guérir les blessures qu'ils s'étaient faites ?

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On arrive presque à la fin de cette intrigue et les choses ne s'arrangent pas pour le soukoku et le Fyolai... 🥲
Mais heureusement, le Shin soukoku sera là pour vous remonter le moral ! Le prochain chapitre sera sur eux, et je pense qu'il vous plaira 🤭

Zoubi zoubi 🦦

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant